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27/06/2003 | FRANCE | N°02NT01704

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 27 juin 2003, 02NT01704


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 novembre 2002, présentée pour :

- M. Rémy X, demeurant au ..., 49560 Nueil-sur-Layon,

- Mme Nadine X, demeurant ...,

- et Mme Claude X, demeurant ...,

par la société civile professionnelle BEUCHER, société d'avocats au barreau d'Angers ;

Les Consorts X demandent à la Cour :

C+ CNIJ n° 49-05-08

n° 26-03-11

n° 26-055-01-08

n° 01-05-01-03

1°) d'annuler le jugement nos 02-1396, 02-1395, 02-1394 et 02-11756 du 5 septembre 2002 par lequel le Tribuna

l administratif de Nantes a rejeté leurs demandes dirigées contre :

- la décision du 28 février 2002 du préfet de Maine-...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 novembre 2002, présentée pour :

- M. Rémy X, demeurant au ..., 49560 Nueil-sur-Layon,

- Mme Nadine X, demeurant ...,

- et Mme Claude X, demeurant ...,

par la société civile professionnelle BEUCHER, société d'avocats au barreau d'Angers ;

Les Consorts X demandent à la Cour :

C+ CNIJ n° 49-05-08

n° 26-03-11

n° 26-055-01-08

n° 01-05-01-03

1°) d'annuler le jugement nos 02-1396, 02-1395, 02-1394 et 02-11756 du 5 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes dirigées contre :

- la décision du 28 février 2002 du préfet de Maine-et-Loire mettant en demeure M. Rémy X de faire procéder à l'inhumation ou à la crémation de son père, M. Raymond X et de sa mère Mme Monique Y, avant le 1er mars 2002 à 19 heures ;

- la décision implicite de refus opposée par le préfet de Maine-et-Loire à leur demande du 28 février 2002 tendant à ce que soit autorisée l'inhumation de M. Raymond X, selon un procédé de cryogénisation dans l'enceinte du château ... ;

- la décision implicite de refus opposée par le maire de Nueil-sur-Layon à la demande de M. Rémy X du 28 février 2002 tendant à ce que soit autorisée l'opération de conservation du corps de M. Raymond X, par cryogénisation ;

- les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ont rejeté leurs demandes tendant à ce que soient prises des mesures conservatoires, concernant M. Raymond X et Mme Monique Y, sur le fondement des dispositions de l'article R.2213-49 du code général des collectivités territoriales ;

2°) d'annuler les décisions susvisées ;

3°) de condamner le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à enjoindre, dans les 12 heures de la réception de la décision à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par heure de retard, au préfet de Maine-et-Loire de s'abstenir de faire procéder d'office à l'enlèvement des corps de M. Raymond X et de Mme Monique Y du congélateur dans lequel ils ont été déposés dans l'attente de l'issue définitive des contentieux d'excès de pouvoir contre les décisions implicites explicites du préfet de Maine-et-Loire et contre la décision implicite du maire de Nueil-sur-Layon ;

4°) d'ordonner la suppression du passage du mémoire en date du 9 août 2002 du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées commençant par et de la pression et se terminant par sur les héritiers ;

5°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Nueil-sur-Layon à leur verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2003 :

- le rapport de M. GUALENI, premier conseiller,

- les observations de Me CAILLET, substituant la société civile professionnelle BEUCHER, avocat des Consorts X,

- les observations de Me LE MAPPIAN, avocat de la commune de Nueil-sur-Layon,

- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision du 28 février 2002, le préfet de Maine-et-Loire a mis en demeure M. Rémy X de faire procéder à l'inhumation de son père, M. Raymond X, décédé le 22 février 2002, ainsi qu'à celle de sa mère Mme Monique Y, décédée le 25 février 1984, dont les corps avaient été placés dans un appareil de congélation situé dans la crypte du château ... à Nueil-sur-Layon en vue d'être conservés selon la volonté exprimée de son vivant par M. Raymond X ; que, par courrier du 28 février 2002, M. Rémy X a sollicité du préfet de Maine-et-Loire l'autorisation de conserver le corps de son père dans la propriété familiale en se référant aux dispositions des articles L.2223-9 et R.2213-32 du code général des collectivités territoriales ; que, par un courrier du même jour, M. Rémy X a, par ailleurs, demandé au maire de Nueil-sur-Layon l'autorisation de procéder à la conservation du corps de son père par un procédé de congélation en se prévalant des dispositions de l'article R.2213-2 du même code ; qu'enfin, M. Rémy X s'est adressé, par deux courriers du 28 février 2002, au ministre de l'intérieur et au ministre chargé de la santé afin que ces derniers prennent, en application des dispositions de l'article R.2213-43, toute mesure temporaire de manière à ce qu'il ne soit pas fait obstacle à la mise en oeuvre des dernières volontés de son père pour le cas où leur mise en oeuvre viendrait à être contestée et ce jusqu'à ce qu'il ait été statué de façon définitive ; que le Tribunal administratif de Nantes, par le jugement susvisé du 5 septembre 2002, a rejeté les demandes présentées par les Consorts X tendant à l'annulation de la décision du préfet du 28 février 2002 et des décisions implicites de rejet des demandes formulées le même jour, nées du silence gardé par les différentes autorités auxquelles elles ont été adressées ;

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre la décision susvisée du préfet de Maine-et-Loire du 28 février 2002, est suffisamment motivé ;

Considérant, en second lieu, que si le jugement attaqué mentionne la date du 28 août 2002 comme étant celle des demandes de M. Rémy X adressées au préfet de Maine-et-Loire et au maire de Nueil-sur-Layon, alors que ces demandes ont été faites le 28 février 2002, cette mention, résultant d'une pure erreur matérielle, et qui a été en l'espèce sans influence sur le dispositif dudit jugement, n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions du préfet de Maine-et-Loire :

Considérant qu'aux termes de l'article L.2213-7 du code général des collectivités territoriales : Le maire ou, à défaut, le représentant de l'Etat dans le département pourvoit d'urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni croyance ; que l'article L.2223-9 du même code dispose que : Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l'enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite ; que, selon les dispositions de l'article R.2213-32 du code général des collectivités territoriales : L'inhumation dans une propriété particulière du corps d'une personne décédée est autorisée par le préfet du département où est située cette propriété sur attestation que les formalités prescrites par l'article R.2213-17 et par les articles 78 et suivants du code civil ont été accomplies et après avis d'un hydrogéologue agréé ; que, selon les dispositions de l'article R.2213-15 du même code : Avant son inhumation ou sa crémation, le corps d'une personne décédée est mis en bière... ;

Considérant, en premier lieu, que le droit de toute personne d'avoir une sépulture et de régler librement, directement ou par l'intermédiaire de ses ayants droit, les conditions de ses funérailles préalablement à son inhumation, prévu notamment par les dispositions de l'article 3 de loi du 15 novembre 1887 susvisée, s'exerce dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que la conservation du corps d'une personne décédée par un procédé de congélation ne constitue pas un mode d'inhumation prévu par les dispositions précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, selon les dispositions de l'article 9 de la même convention : 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques ou l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant, d'une part, que les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales sont justifiées par les nécessités de la sécurité et de l'ordre public et par la protection des défunts ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant, d'autre part, que l'intention manifestée par M. Raymond X de recourir à la conservation de son corps par un procédé de congélation ne peut être regardée comme entrant dans le champ d'application de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ces stipulations ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité à des dispositions ayant valeur constitu-tionnelle des règles édictées par les dispositions législatives précitées du code général des collectivités territoriales et sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et d'un principe à valeur constitutionnelle de liberté de choix du mode de sépulture sont, en tout état de cause, inopérants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'en l'absence d'intervention du maire de Nueil-sur-Layon, le préfet de Maine-et-Loire était légalement tenu en application des dispositions précitées de l'article L.2213-7 du code général des collectivités territoriales et des articles R.2213-33 et R.2213-35 du même code en vertu desquelles sauf dérogation, l'inhumation ou la crémation doit avoir lieu au plus tard dans les six jours du décès lorsque celui-ci s'est produit en France, de faire cesser la situation irrégulière ainsi créée en mettant en demeure M. Rémy X de se conformer à la réglementation ; que le préfet était ainsi également tenu de refuser l'autorisation sollicitée par M. Rémy X de conserver le corps de son père, selon un procédé de congélation, dans l'enceinte de la propriété familiale ; que l'autorité administrative étant ainsi en situation de compétence liée, tous les autres moyens invoqués par les requérants à l'appui des décisions susmentionnées sont inopérants ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision implicite du maire de Nueil-sur-Layon :

Considérant qu'aux termes de l'article R.2213-2 du code général des collectivités territoriales : Il ne peut être procédé à une opération tendant à la conservation du corps d'une personne décédée sans une autorisation délivrée par le maire de la commune du lieu de décès ou de la commune où sont pratiquées les opérations de conservation... ;

Considérant que ces dispositions régissent non pas la conservation du corps d'une personne décédée par un procédé de congélation mais les conditions dans lesquelles des soins tendant à la conservation du corps peuvent être dispensés avant l'opération de mise en bière du corps ; que, dès lors, le maire de Nueil-sur-Layon était tenu de refuser l'autorisation de conserver par congélation sollicitée par M. Rémy X ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions implicites de refus du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé de prendre des mesures temporaires :

Considérant qu'aux termes de l'article R.2213-43 du code général des collectivités territoriales : Lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, certaines dispositions de la présente sous-section se heurtent à des difficultés d'application, le ministre de l'intérieur et le ministre chargé de la santé y pourvoient par des mesures temporaires prises après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France ;

Considérant qu'en l'absence de difficultés d'application des dispositions régissant les opérations consécutives au décès, le ministre de l'intérieur et le ministre chargé de la santé étaient également tenus de rejeter la demande présentée par M. Rémy X en vue de faire prendre des mesures temporaires pour que soit respectée la volonté exprimée par son père ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions des Consorts X tendant à l'annulation des décisions implicites de refus du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé de prendre des mesures temporaires en application des dispositions précitées de l'article R.2213-43 du code général des collectivités territoriales, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions analysées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à la suppression d'écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :

Considérant que d'après les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article L.741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le passage incriminé ne peut être regardé comme injurieux, outrageant ou diffamatoire ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions susvisées dirigées contre un passage du mémoire produit par le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les Consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat et la commune de Nueil-sur-Layon, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer aux Consorts X la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des Consorts X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rémy X, à Mme Nadine X, à Mme Claude X, à la commune de Nueil-sur-Layon, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02NT01704
Date de la décision : 27/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : CAILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-06-27;02nt01704 ?
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