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30/12/2003 | FRANCE | N°00NT02011

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 30 décembre 2003, 00NT02011


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 18 décembre 2000, présentée par l'association Manche-Nature, représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ;

L'association Manche-Nature demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-647 du 24 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Manche refusant de retirer à la fédération départementale des chasseurs de la Manche l'agrément dont elle bénéficie au titre de l'article 5-1 de la loi

n° 95-101 du 2 février 1995 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite déci...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 18 décembre 2000, présentée par l'association Manche-Nature, représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ;

L'association Manche-Nature demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-647 du 24 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Manche refusant de retirer à la fédération départementale des chasseurs de la Manche l'agrément dont elle bénéficie au titre de l'article 5-1 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de retirer l'agrément dont la fédération départementale des chasseurs de la Manche bénéficie au titre de l'article 5-1 de la loi du 2 février 1995 ;

C+ CNIJ n° 03-08-007

n° 44-01

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2003 :

- le rapport de M. ARTUS, premier conseiller,

- les observations de Me LAGIER, avocat de la fédération départementale des chasseurs de la Manche,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'association Manche-Nature demande l'annulation du jugement du 24 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposé par le préfet de la Manche à sa demande de retrait de l'agrément dont la fédération départementale des chasseurs de la Manche bénéficie au titre de la protection de l'environnement en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, issu de l'article L. 252-1 du code rural dans sa rédaction modifiée par l'article 5-1 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 : Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative (...) Ces associations sont dites associations agréées de protection de l'environnement. Cet agrément est attribué dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Il peut être retiré lorsque l'association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer (...) Les décisions prises en application du présent article sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ; qu'aux termes de l'article R. 252-1 du code rural : Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux associations qui sollicitent l'agrément prévu à l'article L. 252-1 relatif aux associations agréées pour la protection de l'environnement, ou qui en bénéficient. Les associations agréées antérieurement au 3 février 1995, y compris celles agréées en qualité d'association reconnue d'utilité publique qui sont réputées agréées en application de l'article L. 252-1 du code rural, n'ont pas à présenter de nouvelle demande d'agrément. Elles sont pour le surplus soumises aux dispositions du présent chapitre ; qu'aux termes de l'article R. 252-20 dudit code : Lorsque l'association (...) ne remplit plus l'une des conditions ayant motivé l'agrément, celui-ci peut lui être retiré par l'autorité qui l'a accordé (...) ; qu'aux termes de l'article R. 252-2 du même code : Les associations mentionnées à l'article R. 252-1 peuvent être agréées si, à la date de la demande d'agrément, elles justifient (...) : a) D'un fonctionnement conforme à ses statuts ; b) D'activités statutaires dans les domaines mentionnés à l'article L. 252-1 ; c) De l'exercice, à titre principal, d'activités effectives consacrées à la protection de l'environnement (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées qu'une association agréée antérieurement au 3 février 1995 au titre de l'article 40 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature est réputée agréée en application de l'article L. 252-1 du code rural, devenu l'article L. 141-1 du code de l'environnement, au titre de la protection de l'environnement, sans avoir à présenter une nouvelle demande d'agrément ; que tel est le cas de la fédération départementale des chasseurs de la Manche qui, par un arrêté du 7 novembre 1978 du préfet de ce département, avait été agréée au titre dudit article 40 de la loi du 10 juillet 1976 précitée ; que, toutefois, le nouvel agrément acquis dans ces conditions peut faire l'objet d'une décision de retrait si l'une des conditions posées à l'article R. 252-2 du code rural pour sa délivrance cesse d'être remplie à la date où ce retrait intervient ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de ses statuts, tels que complétés en application de l'arrêté ministériel du 27 juin 2001 publié au Journal Officiel du 28 juin 2001, la fédération départementale des chasseurs de la Manche a pour objet : de représenter les intérêts des chasseurs dans le département y compris devant les différentes juridictions, d'aider tous ses adhérents et de coordonner leurs efforts en vue d'améliorer la chasse dans l'intérêt général (...) de participer à la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental et à la protection de la faune sauvage et de ses habitats. Elle apporte son concours à la prévention du braconnage et à la gestion des habitats de la faune sauvage. Elle organise la formation des candidats aux épreuves théoriques et pratiques de l'examen pour la délivrance du permis de chasser. Elle organise également des formations ouvertes aux personnes titulaires du permis de chasser pour approfondir leurs connaissances de la faune sauvage, de la réglementation de la chasse et des armes. Elle conduit des actions d'information, d'éducation et d'appui technique notamment à l'intention des gestionnaires des territoires et des chasseurs. Elles coordonne les actions des associations communales ou intercommunales de chasse agréées. Elle conduit des actions de prévention des dégâts de gibier et assure l'indemnisation des dégâts de grands gibiers et de sangliers conformément aux articles L. 426-1 et L. 426-5 du code de l'environnement. Elle élabore, en association avec les propriétaires, les gestionnaires et les usagers des territoires concernés, un schéma départemental de gestion cynégétique, conformément aux dispositions de l'article L. 421-7 du code de l'environnement (...) peut recruter pour l'exercice de ses missions, des agents de développement mandatés à cet effet. Ceux-ci veillent notamment au respect du schéma départemental de gestion cynégétique (...) peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions du titre II du livre IV du code de l'environnement et des textes pris pour son application et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs, matériels et moraux qu'elle a pour objet de défendre ; que si ces statuts comportent des actions en faveur de la protection de la nature, ils les définissent comme étant destinées à concourir à la satisfaction d'objectifs principaux qui sont la défense des intérêts des chasseurs et de la pratique de la chasse ;

Considérant, d'autre part, que si en application de ses statuts, la fédération départementale des chasseurs de la Manche contribue également à la protection et à l'aménagement des milieux naturels par sa participation financière à la Fondation nationale pour la protection des habitats, par sa gestion des réserves de chasse du Havre de Geffosses et des Bohons et par son action en faveur de l'aménagement de la réserve de chasse de la Baie du Mont-Saint-Michel, et si, de même, elle participe à des opérations de formation et d'information sur la chasse et la faune sauvage auprès de différents publics ou dans le cadre d'études scientifiques et techniques, soutient des manifestations ponctuelles de plantations et entretient des relations avec des organismes de protection de l'environnement, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté, que les activités qu'elle exerce ainsi accessoirement, n'ont toujours représenté qu'une part minime du budget annuel de la fédération ;

Considérant, dans ces conditions, qu'eu égard, tant aux dispositions statutaires de la fédération dont l'objet essentiel est de représenter les intérêts des chasseurs et de concourir à l'amélioration de la chasse, qu'au caractère limité de ses activités consacrées à la protection de l'environnement, la fédération départementale des chasseurs de la Manche ne peut être regardée comme exerçant, à titre principal, même concurremment avec ses actions dans le domaine cynégétique, des activités consacrées à la protection de l'environnement ; qu'il suit de là qu'en rejetant la demande de l'association Manche-Nature tendant au retrait de l'agrément au titre de la protection de l'environnement de la fédération départementale des chasseurs de la Manche, le préfet de la Manche a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ; qu'il y a lieu, par suite, de l'annuler ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Manche-Nature est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant au retrait de l'agrément détenu par la fédération départementale des chasseurs de la Manche au titre de la protection de l'environnement ;

Sur les conclusions tendant au prononcé du retrait de l'agrément litigieux :

Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que la fédération départementale des chasseurs de la Manche n'exerce pas, à titre principal une activité de protection de l'environnement ; qu'elle ne satisfait donc pas à l'une des conditions posées par l'article R. 252-2 du code rural pour prétendre à l'agrément prévu par l'article L. 141-2 du code de l'environnement ; que compte-tenu du caractère déterminant de cette condition, il y a lieu de prononcer le retrait de cet agrément détenu par la fédération départementale des chasseurs de la Manche ;

Sur les conclusions tendant à la suppression de passages injurieux et l'octroi d'une indemnité en raison de ces passages :

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'association Manche-Nature, les écrits de la fédération départementale des chasseurs de la Manche n'excèdent pas les termes normaux de la polémique ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions ci-dessus, présentées par l'association requérante ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à l'association Manche-Nature une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que l'association requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la fédération départementale des chasseurs de la Manche la somme que cette dernière lui demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 octobre 2000 du Tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La décision implicite de rejet, par le préfet de la Manche, de la demande de l'association Manche-Nature tendant au retrait de l'agrément prévu par l'article L. 141-1 du code de l'environnement de la fédération départementale des chasseurs de la Manche est annulée.

Article 3 : L'agrément prévu par l'article L. 141-1 du code de l'environnement est retiré à la fédération départementale des chasseurs de la Manche.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros (mille euros) à l'association Manche-Nature en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la fédération départementale des chasseurs de la Manche tendant à la suppression de passages injurieux, à une indemnisation à ce titre, ainsi qu'au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Manche-Nature, à la fédération départementale des chasseurs de la Manche et au ministre de l'écologie et du développement durable.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 00NT02011
Date de la décision : 30/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : LAGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-12-30;00nt02011 ?
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