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22/04/2005 | FRANCE | N°05NT00208

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 22 avril 2005, 05NT00208


Vu les requêtes, enregistrées le 4 février 2005 sous les numéros 05NT00208 et 05NT00209, présentées pour M. Loth X et Mme Judith X, élisant tous deux domicile au ..., par Me Mikaël Goubin, avocat au barreau de Rennes ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 04-4445 et 04-4446 du 3 janvier 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 26 novembre 2004 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé leur reconduite à la frontiè

re et a fixé le Tchad comme pays de destination ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;
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Vu les requêtes, enregistrées le 4 février 2005 sous les numéros 05NT00208 et 05NT00209, présentées pour M. Loth X et Mme Judith X, élisant tous deux domicile au ..., par Me Mikaël Goubin, avocat au barreau de Rennes ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 04-4445 et 04-4446 du 3 janvier 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 26 novembre 2004 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé leur reconduite à la frontière et a fixé le Tchad comme pays de destination ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de leur délivrer, dans un délai de quarante huit heures à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de condamner l'Etat à payer à leur avocat une somme de 1 800 euros pour les deux instances au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L 761-1 du code de justice administrative, moyennant renonciation de l'avocat à percevoir la contribution de 130,62 euros versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Lesigne pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2005 :

- le rapport de M. Lesigne, magistrat délégué ;

- les observations de Me Goubin, avocat de M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant que M. et Mme X, de nationalité tchadienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 septembre 2004, des décisions du 17 septembre 2004 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ils entraient ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :

Considérant qu'il ressort des pièces du pièces du dossier que M. X est entré en France en 2000 ; qu'il a été rejoint deux ans plus tard par son épouse et leur fille Mylène née en 2001 ; que, peu après son arrivée en France, M. X a mis ses compétences de capitaine de l'équipe nationale de football du Tchad au service du club de football de la commune de Cesson-Sévigné en entraînant bénévolement les jeunes ; que pour subvenir aux besoins de la famille, il a trouvé un emploi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée dans un restaurant de Cesson-Sévigné, tandis que son épouse a été inscrite par la commune de Cesson-Sévigné sur la liste des candidats à un poste d'agent d'entretien temporaire en vue d'effectuer des remplacements dans la commune ; que la jeune Mylène X est scolarisée à Rennes ; que, depuis le 15 février 2005, la famille réside dans un logement indépendant situé à Cesson-Sévigné selon un contrat précaire à durée déterminée qui leur a été consenti par délibération du Conseil municipal en date du 9 mars 2005 ; que le soutien, tant de la population que des autorités locales, atteste les réels efforts d'intégration de la famille X ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les mesures de reconduite à la frontière, prises à l'encontre de M. et Mme X sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elles auraient sur la situation personnelle des intéressés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés, en date du 26 novembre 2004, du préfet d'Ille-et-Vilaine ordonnant leur reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé,(…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant que le présent arrêt annulant le jugement susvisé du 3 janvier 2005, ainsi que les arrêtés du 26 novembre 2004 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé la reconduite à la frontière des époux X, et a fixé le Tchad comme pays de destination, implique nécessairement que le préfet d'Ille-et-Vilaine délivre à chacun des époux une autorisation provisoire de séjour au sens de l'article 22 bis susmentionné de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifié, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, et réexamine les demandes de titre de séjour présentées par chacun d'eux dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge ; qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 76 de la même loi : Les bureaux d'aide juridictionnelle se prononcent dans les conditions prévues par les textes en vigueur de la date de laquelle les demandes ont été présentées et les admissions produiront les effets attachés à ces textes ; que M. et Mme X ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Goubin, avocat de M. et Mme X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de condamner ce dernier à payer à Me Goubin la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X, et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 3 janvier 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes, ensemble les arrêtés du 26 novembre 2004 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné la reconduite à la frontière de M. et Mme X et désigné le Tchad comme pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. et Mme X une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et d'examiner à nouveau leurs demandes de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de mille huit cents euros (1 800 euros) à Me Goubin, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Loth X, à Mme Judith X, au préfet d'Ille-et-Vilaine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

N° 05NT00208

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT00208
Date de la décision : 22/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric LESIGNE
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : GOUBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-04-22;05nt00208 ?
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