La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2012 | FRANCE | N°10NT00115

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 juin 2012, 10NT00115


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2010, présentée pour la SARL DSBC, dont le siège est 11, rue des Grands Prés à Chambly (60230), représentée par Me Jean-Pierre Y, mandataire liquidateur, par Me Grégoire, avocat au barreau de Paris ; la SARL DSBC demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 05-4065 en date du 19 novembre 2009 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la communauté d'agglomération Rennes Métropole ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Rennes Métropole à

lui verser la somme de 385 181,37 euros assortie des intérêts légaux capitalisés e...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2010, présentée pour la SARL DSBC, dont le siège est 11, rue des Grands Prés à Chambly (60230), représentée par Me Jean-Pierre Y, mandataire liquidateur, par Me Grégoire, avocat au barreau de Paris ; la SARL DSBC demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 05-4065 en date du 19 novembre 2009 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la communauté d'agglomération Rennes Métropole ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Rennes Métropole à lui verser la somme de 385 181,37 euros assortie des intérêts légaux capitalisés et subsidiairement majorée des intérêts moratoires à compter du 16 juillet 2003, ainsi que les sommes de 133 360,54 euros à titre de perte de bénéfice, 151 975,67 euros à titre de perte sur frais généraux et 36 322,03 euros à titre de modification du mode opératoire ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Rennes Métropole le versement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses

administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2012 :

- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- les observations de Me Grégoire, avocat de la SARL DSBC ;

- et les observations de Me Guillon-Coudray, avocat de la communauté d'agglomération Rennes Métropole ;

Considérant que par une délibération du 8 juillet 1992, la ville de Rennes a décidé la construction d'un bâtiment, dénommé le Nouvel Equipement Culturel (NEC), afin de regrouper sur un même site la bibliothèque à vocation régionale, le musée de Bretagne et l'espace des sciences ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée, par contrat du 4 août 1994, à un groupement conjoint composé de l'Atelier Christian de Portzamparc et de la société SODETEG ; que les travaux ont été répartis en 14 lots dont les marchés ont été notifiés aux titulaires le 30 mars 2000 ; que le lot n° 3 " cloisons - doublages - faux plafonds " a été attribué à un groupement conjoint d'entreprises composé de la SARL DSBC, mandataire, et de la société Blanvilain ; que l'ordre de service n° 1 du 26 septembre 2000 a fixé le démarrage des travaux au 28 septembre 2000, avec un délai d'exécution de 24 mois ; que le 1er janvier 2001 la maîtrise d'ouvrage a été transférée à la communauté d'agglomération Rennes Métropole ; qu'à la suite de l'allongement de la durée du chantier, la SARL DSBC a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes de désigner un expert aux fins de déterminer les responsabilités du retard dans l'exécution de son lot et les conséquences de ce retard ; que par une ordonnance du 4 avril 2003, le président de ce tribunal a désigné M. X pour effectuer cette mission ; que, par une autre ordonnance du 12 juin 2003, le président de ce tribunal a, sur la demande de la communauté d'agglomération Rennes Métropole, désigné un collège d'experts aux fins d'examiner les raisons et les conséquences du retard de la construction du NEC dans son ensemble ; que le 16 juillet 2003 la communauté d'agglomération Rennes Métropole a résilié le marché de la SARL DSBC aux frais et risques de cette dernière et confié le marché de substitution à l'entreprise SATI ; que par un jugement du 28 avril 2005, le tribunal de commerce de Senlis a placé la SARL DSBC en redressement judiciaire ; que la SARL DSBC, représentée par Me Y, liquidateur judiciaire, interjette appel du jugement en date du 19 novembre 2009 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, présentées contre la communauté d'agglomération Rennes Métropole, en réparation du préjudice résultant de la résiliation irrégulière de son marché ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la SARL DSBC, le jugement

attaqué a expressément statué, en la déclarant irrecevable, sur sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Rennes Métropole à lui verser une somme de 365 913,69 euros correspondant aux dommages et intérêts admis par l'expert ; qu'en outre, le tribunal administratif de Rennes a également rejeté la demande d'indemnisation de la perte alléguée de bénéfice, en l'absence de réalité établie d'un tel préjudice ; que, par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer doit être écarté ;

Sur la résiliation du marché :

Considérant qu'aux termes de l'article 46 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché : " (...) 46.1. Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché avant l'achèvement de ceux-ci, par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux 3 et 4 de l'article 13, sous réserve des autres stipulations du présent article. Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 du CCAG : " (...) 49.1. A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 16 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit (...) 49.2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée. 49.3. Pour établir la régie, laquelle peut n'être que partielle, il est procédé, l'entrepreneur étant présent ou ayant été dûment appelé, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel de l'entrepreneur et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux poursuivis en régie (...) 49.4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être, soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. Dans les deux cas, les mesures prises en application du 3 de l'article 46 sont à sa charge. En cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux (...) Par exception aux dispositions du 42 de l'article 13, le décompte général du marché résilié ne sera notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux (...) " ;

Considérant que si, en application de ces stipulations, l'entrepreneur ne peut solliciter, au titre de ses relations contractuelles avec l'administration, l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de la résiliation à ses frais et risques du marché qui lui avait été attribué, il lui est néanmoins possible, dans l'hypothèse où cette décision serait irrégulière et injustifiée, d'obtenir réparation du tort que lui aurait causé la faute commise par l'administration ;

Considérant que la communauté d'agglomération Rennes Métropole soutient que la résiliation du marché aux frais et risques de la SARL DSBC était justifiée en raison des malfaçons, de la méconnaissance du circuit de validation et des retards imputables à l'entreprise, alors que les modifications au projet initial n'ont pas eu d'incidence sur les prestations de cette société ; que, toutefois, les malfaçons affectant les travaux de la SARL DSBC, qui ne figurent d'ailleurs pas parmi les motifs de la résiliation, énumérés dans la délibération du conseil de la communauté d'agglomération du 10 juillet 2003, ne sont pas établies ; qu'en outre il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise établi par M. X, que ne peuvent être retenus à l'encontre de la SARL DSBC ni la défaillance dans la conduite des études d'exécution, ni les retards de production de ces études, hormis quatre semaines, pour un marché dont la durée d'exécution a été portée de 24 à 38 mois, ni les retards dans la réalisation des travaux, ni le non-respect de la codification édictée dans la notice méthodologique, ni l'absence de suite donnée par la société aux avis défavorables ou suspendus des bureaux de contrôle, alors que la SARL DSBC s'est au contraire montré plutôt réactive ; qu'ainsi que l'a relevé le collège d'experts, les causes des retards résultent notamment de l'insuffisance des études et des mises aux point préalables aux travaux, de la sous-estimation initiale des spécificités du projet et de la désorganisation créée par les nombreuses demandes modificatives formulées en cours de chantier, manquements qui ne sont pas imputables à la SARL DSBC ; que, dès lors, les faits reprochés à la SARL DSBC ne pouvaient régulièrement permettre la résiliation à ses frais et risques du marché qui lui avait été attribué ; qu'en résiliant ainsi à tort ledit marché, la communauté d'agglomération Rennes Métropole a, par suite, commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la SARL DSBC ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant en premier lieu que, dans le dernier état de ses écritures, la SARL DSBC conclut à la condamnation de la communauté d'agglomération Rennes Métropole à lui verser la somme de 946 236,21 euros HT au titre du solde du marché assortie des intérêts moratoires ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la résiliation irrégulière de son marché a eu seulement pour effet de mettre fin à celui-ci, sans pour autant le faire disparaître ; qu'ainsi, les dispositions pertinentes du CCAG relatives à l'établissement du décompte général sont applicables ; qu'il résulte de l'instruction que ce décompte pour les travaux en cause n'a été établi que postérieurement à la saisine du tribunal administratif de Rennes ; que, par suite, la SARL DSBC n'était pas recevable, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, à demander le règlement de sommes devant entrer dans ce décompte, en particulier la somme de 946 236,21 euros HT ;

Considérant en deuxième lieu que la SARL DSBC demande également la condamnation de la communauté d'agglomération Rennes Métropole à lui verser les sommes de 365 913,69 euros TTC au titre du préjudice matériel résultant de la résiliation et de 151 975,67 euros en réparation de la perte sur frais généraux ; que, d'une part, la somme de 365 913,69 euros correspond au total de ses réclamations que l'expert a estimées justifiées, comprenant 28 777,04 euros au titre du compte prorata, 9 071,73 euros au titre du compte inter entreprise, 40 556,79 euros pour l'encadrement du chantier, 2 370 euros pour les frais de logement pendant le chantier, 41 351,90 euros au titre des matériaux livrés sur le chantier mais non utilisés et 83 140 euros et 160 646,23 euros pour les situations non réglées ; que, cependant, toutes ces sommes, qui correspondent à des prestations accomplies dans le cadre de l'exécution du marché, doivent figurer dans le décompte général du marché ; que la société requérante n'était pas recevable à solliciter une indemnisation de ces sommes, dès lors que ledit décompte n'a été établi que postérieurement à l'enregistrement de la demande de première instance ; que, d'autre part, la somme de 151 975,67 euros se rapporte aux frais généraux exposés par l'entreprise en raison de l'allongement de la durée du chantier de 30,75 à 38 mois ; que la SARL DSBC n'est pas davantage recevable à demander à être indemnisée de cette somme qui devait également figurer au décompte général du marché ;

Considérant en troisième lieu que la somme de 133 360,54 euros sollicitée en réparation d'une perte sur bénéfice n'est pas justifiée par les pièces du dossier, alors que l'expert a seulement constaté une baisse de chiffre d'affaires au cours de l'année 2003 ; qu'enfin, la demande de versement d'un euro symbolique n'est pas davantage justifiée par la SARL DSBC ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL DSBC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Rennes Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SARL DSBC de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL DSBC le versement à la communauté d'agglomération Rennes Métropole de la somme de 1 500 euros en remboursement des frais de même nature qu'elle a supportés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL DSBC est rejetée.

Article 2 : La SARL DSBC versera à la communauté d'agglomération Rennes Métropole la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Jean-Pierre Y, mandataire liquidateur de la SARL DSBC, et à la communauté d'agglomération Rennes Métropole.

''

''

''

''

N° 10NT001152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00115
Date de la décision : 22/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : GUILLON-COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-06-22;10nt00115 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award