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25/07/2023 | FRANCE | N°22NT01100

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 juillet 2023, 22NT01100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 3 mars 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à Mme C... A... et à l'enfant Hadja Mariama Dioulde A... des visas de long séjour en qualité de membres de famille d'un étranger bénéficiaire de la protection subsidiaire.r>
Par un jugement n° 2108361 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Nante...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 3 mars 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à Mme C... A... et à l'enfant Hadja Mariama Dioulde A... des visas de long séjour en qualité de membres de famille d'un étranger bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2108361 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Largy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 26 mai 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés ou de réexaminer les demandes, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Largy, son avocate, de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est entachée d'erreur dans l'appréciation de l'identité et des liens familiaux, lesquels sont établis par les actes d'état civil produits et par des éléments de possession d'état.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 14 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à Mme C... A... et à l'enfant Hadja Mariama Dioulde A... des visas de long séjour en qualité de membres de famille d'un étranger bénéficiaire de la protection subsidiaire. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. La décision de la commission de recours est fondée sur ce que l'acte de naissance de Mme C... A... a été transcrit tardivement et postérieurement à son mariage et à l'obtention de la protection subsidiaire par M. A..., sur ce que l'acte de naissance de l'enfant Hadja Mariama Dioulde A... n'est pas conforme à la législation locale et sur ce que lors de précédentes demandes, ont été présentés un acte de mariage et un acte de naissance de l'enfant différents, y compris dans les énonciations, de ceux produits à l'appui de la présente demande.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". En outre, aux termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

En ce qui concerne Mme C... A... :

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son identité et de son lien matrimonial avec M. A..., Mme C... A... a produit le certificat de mariage établi par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, un acte de naissance dressé le 20 avril 2018 sur la base d'un jugement supplétif de naissance rendu le 9 avril 2018 par le tribunal de première instance de Labé ainsi que son passeport. Les mentions du certificat de mariage et de l'acte de naissance concordent avec celles figurant sur son passeport. Elles correspondent, en outre, aux déclarations de M. A... lors de ses démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides pour obtenir la protection subsidiaire. En outre, si le ministre de l'intérieur conteste la force probante de ces documents, il est toutefois constant qu'aucune procédure d'inscription de faux n'a été engagée à l'encontre du certificat de mariage établi par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. La circonstance qu'un autre acte de mariage aurait été produit à l'appui d'une précédente demande de visa n'est pas de nature à remettre en cause le caractère probant des documents présentés à l'appui de la demande qui a donné lieu à la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 26 mai 2021. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées aux points 3 et 4 en estimant que les documents produits à l'appui de la demande de visa pour Mme A... ne permettaient pas d'établir son identité et son lien matrimonial et en refusant de lui délivrer, pour ce motif, le visa sollicité.

En ce qui concerne l'enfant Hadja Mariama A... :

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de l'identité et du lien de filiation avec M. A... de cet enfant, ont été produits un acte de naissance dressé le 30 décembre 2014 par l'officier d'état civil de Ratoma et le passeport de l'enfant dont le numéro est concordant avec celui de l'acte de naissance. La circonstance qu'un autre acte de naissance dressé le 18 juillet 2014 aurait été produit à l'appui d'une précédente demande de visa présentée en 2016 n'est pas de nature à remettre en cause le caractère probant des documents présentés à l'appui de la demande qui a donné lieu à la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 26 mai 2021. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'acte de naissance de l'enfant dressé le 18 juillet 2014 comprend les mêmes mentions que celles figurant sur l'acte de naissance dressé le 30 décembre 2014 et a permis en 2016 la délivrance d'un visa au même demandeur. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées aux points 3 et 4 en estimant que les documents produits à l'appui de la demande de visa pour l'enfant Hadja Mariama A... ne permettaient pas d'établir son identité et son lien de filiation M. B... A... et en refusant de lui délivrer, pour ce motif, le visa sollicité.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur délivre à Mme C... A... et à l'enfant Hadja Mariama A... les visas demandés. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour demandés dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Largy de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 14 février 2022 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 26 mai 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme C... A... et à l'enfant Hadja Mariama A... des visas de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Largy une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

J. FRANCFORT La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01100
Date de la décision : 25/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET MARINE LARGY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-25;22nt01100 ?
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