La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2013 | FRANCE | N°12PA02835

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 juin 2013, 12PA02835


Vu la requête enregistrée par télécopie le 2 juillet 2012 et régularisée par la production de l'original le 9 juillet 2012, présentée par le préfet de police, ensemble le mémoire ampliatif enregistré le 17 août 2012 ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1121719/3-1 en date du 29 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 27 octobre 2011 refusant à Mlle A...B...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et, d'aut

re part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour tempora...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 2 juillet 2012 et régularisée par la production de l'original le 9 juillet 2012, présentée par le préfet de police, ensemble le mémoire ampliatif enregistré le 17 août 2012 ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1121719/3-1 en date du 29 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 27 octobre 2011 refusant à Mlle A...B...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête de Mlle B...présentée devant le Tribunal administratif de Paris ou, à titre subsidiaire, de rejeter cette requête ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2013 :

- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,

- et les observations de Me Deutsch, avocat de MlleB... ;

1. Considérant que Mlle B..., née le 5 janvier 1988 à Khabarovsk (Russie), de nationalité russe, entrée en France le 20 août 2003 selon ses déclarations, a été titulaire d'une carte de séjour temporaire " étudiant " valable jusqu'au 30 septembre 2011, prorogée par un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 12 décembre 2011 ; que, le 13 septembre 2011, elle a sollicité, à l'issue de cinq années d'études supérieures à l'école de création management Créapole lui ayant permis d'obtenir un diplôme en " Design produit ", la délivrance d'une carte de séjour temporaire " commerçant ", dans le but d'exercer l'activité de gérante de la SARL " Arcadia des Maisons ", sise 111, avenue Victor Hugo à Paris (75016), sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 14 octobre suivant, ayant obtenu une promesse d'embauche de la société Carré Basset établie 39, rue de Richelieu à Paris (75001), elle a substitué à cette demande une demande de séjour temporaire en qualité de salariée ; que par décision du 27 octobre 2011, le préfet de police a estimé, d'une part, que la viabilité économique du projet d'entreprise de Mlle B...n'était pas démontrée et, d'autre part, qu'elle ne remplissait plus les conditions prévues par l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un renouvellement de son titre " étudiant " ; qu'il a par ailleurs estimé que la nouvelle demande de changement de statut en qualité de " salarié " effectuée par Mlle B..., un mois seulement après sa demande de titre de séjour " commerçant ", constituait un moyen dilatoire pour se maintenir indûment sur le territoire français ; qu'il a par suite rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement en date du 29 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, faisant droit à la demande de Mme B..., lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à la suite de sa demande de titre de séjour en qualité de " salariée ", MlleB..., après avoir été reçue à la préfecture de police le 16 janvier 2012 munie d'un contrat de travail simplifié, a été mise en possession d'un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 15 février 2012, puis, à la suite de son déménagement, d'un nouveau récépissé de même nature délivré par le préfet de l'Essonne, valable jusqu'au 23 avril 2012 et renouvelé le 12 avril 2012 jusqu'au 11 juillet suivant ; que ces documents, contrairement à ce que soutient le préfet de police, n'ont donné aucune garantie à l'intéressée d'obtenir le titre de séjour sollicité et ne lui ont pas conféré les mêmes droit que celui-ci ; qu'ils n'ont donc pas eu pour effet de retirer ou d'abroger l'arrêté attaqué du 27 octobre 2011 en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à MlleB... ; qu'en revanche, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces décisions d'octroi de récépissés, postérieures à l'introduction de la requête, ont eu pour effet d'abroger l'arrêté attaqué en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire français et fixait le pays de destination ; que c'est ainsi à tort que les premiers juges n'ont pas, dans cette mesure, prononcé le non-lieu à statuer sur la demande de MlleB... s'agissant desdites décisions ;

3. Considérant, par suite, qu'il y a lieu, s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer la demande de Mlle B...et de décider qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation des décisions en cause ; qu'en revanche, il y a lieu d'examiner les conclusions du préfet de police à l'encontre du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision portant refus de titre de séjour à Mlle B...qui ne sont pas devenues sans objet, ainsi qu'il vient d'être dit;

Sur les conclusions du préfet de police à l'encontre du jugement en tant qu'il a annulé sa décision refusant un titre de séjour à Mlle B...:

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que pour annuler l'arrêté attaqué, les premiers juges, compte tenu de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels en France de MlleB..., ont estimé qu'il avait été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, comme le relève le préfet de police, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour sollicité en qualité de commerçant et de salarié ; qu'ainsi, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Paris a jugé que la décision de refus de titre attaquée méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, pour ce motif, a annulé cette décision du 27 octobre 2011 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, statuant par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle B...est entrée en France en août 2003, à l'âge de quinze ans, et y résidait habituellement, sans que cela soit contesté par le préfet de police, depuis plus de huit ans à la date de la décision attaquée ; qu'elle a effectué ses études en France et y a obtenu un diplôme équivalent à un master en juin 2011 ; qu'elle justifiait par ailleurs, à la date de la décision attaquée, d'une bonne intégration dans la société française justifiée par des attestations nombreuses et concordantes et d'une promesse d'embauche en qualité de directrice artistique junior au sein de la société Carré Basset ; qu'en outre, il n'est pas utilement contesté que Mlle B...entretenait à la date de l'arrêté attaqué une relation de concubinage durable avec un ressortissant français ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels en France de l'intimée, et bien que ses parents et sa soeur résideraient toujours en Russie, la décision de refus de titre de séjour du préfet de police doit être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle B...à l'encontre de la décision portant refus d'octroi de titre de séjour attaquée devant les premiers juges et devant la Cour, que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision portant refus de titre de séjour à Mlle B...;

Sur les conclusions de MlleB... :

9. Considérant, d'une part, que, compte tenu de l'injonction prononcée par le jugement attaqué, les conclusions de Mlle B...à fin d'injonction sont sans objet ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle B... et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1121719/3-1 du 29 mai 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mlle B...concernant l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mlle B...devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mlle B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mlle B...est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 12PA02835

Classement CNIJ : 335-01-03

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02835
Date de la décision : 06/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme DHIVER
Avocat(s) : DEUTSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-06;12pa02835 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award