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12/07/2013 | FRANCE | N°12PA03711

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 juillet 2013, 12PA03711


Vu la requête, enregistrée le 29 août 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me C... ; Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1204613 en date du 24 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 21 mai 2012 lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que de l'arrêté du même jour la plaçant en rétention administrative ;

2°) d'annuler, pour

excès de pouvoir, ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de réexam...

Vu la requête, enregistrée le 29 août 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me C... ; Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1204613 en date du 24 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 21 mai 2012 lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que de l'arrêté du même jour la plaçant en rétention administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de réexaminer sa situation administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 27 décembre 2012, admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2013 le rapport de M. Ladreit de Lacharrière, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme B...A..., de nationalité sénégalaise, est entrée en France le 8 mai 2011 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour ; qu'à la suite de son interpellation dans un salon de coiffure, où elle travaillait sans titre de séjour ni de travail, le préfet du Val d'Oise, par deux arrêtés en date du 21 mai 2012, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a placée en rétention administrative ; que Mme A... relève appel du jugement du 24 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision faisant obligation à Mme A...de quitter le territoire français, qui mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté du 21 mai 2012, que le préfet du Val d'Oise n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation individuelle de l'intéressée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L.121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indique l'arrêté litigieux, Mme A...est entrée en France sous couvert d'un visa " Etats Schengen " valable du 1er avril 2011 au 27 septembre 2011 ; qu'ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire dont l'intéressée a fait l'objet le 21 mai 2012 ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, lequel a procédé à une substitution de base légale, la décision en litige trouvait son fondement dans les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle vit chez sa soeur, en situation régulière, depuis son entrée en France, qu'elle s'occupe d'elle ainsi que de ses deux nièces, et en particulier de la plus jeune des deux enfants et que, si ses parents et son frère vivent dans son pays d'origine, ce dernier entendait la marier de force, la menaçant à cette fin d'être excisée ; que toutefois, si l'intéressée établit que sa soeur est handicapée, elle ne justifie ni de participer à l'entretien de ses nièces, ni que sa présence serait indispensable à sa soeur, ni même résider habituellement chez cette dernière ; qu'en outre, il est constant que Mme A...n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans ; qu'elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de fait à l'appui de ses autres allégations ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ( ...) " ;

9. Considérant qu'il résulte des stipulations précitées, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val d'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de MmeA... ;

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. Considérant, d'une part, que la décision refusant à Mme A...l'octroi d'un délai de départ volontaire indique les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

13. Considérant, d'autre part, que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) II. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour " ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, et en l'absence de circonstances particulières liées à la situation administrative et personnelle de l'intéressée, le préfet du Val d'Oise n'a pas méconnu les dispositions précitées, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

15. Considérant, en premier lieu, que la décision ordonnant le placement en rétention administrative vise notamment les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'obligation de quitter le territoire français sans délai dont Mme A...a fait l'objet le même jour, indique que celle-ci ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, à défaut de passeport en cours de validité et d'une adresse permanente ; que, par conséquent, cette décision comporte, dans ses visas et ses motifs, tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

17. Considérant qu'aux termes du paragraphe 16 du préambule de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas " ; qu'aux termes de l'article 15 de cette directive : " 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite (...) " ;

18. Considérant qu'en vertu des stipulations précitées, le placement en rétention d'un étranger qui fait l'objet d'une procédure de retour n'est possible, en l'absence de départ volontaire, que si son assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la décision de retour dont il fait l'objet ; qu'en vertu de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la rétention administrative de l'étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant n'est possible que lorsque le délai pour quitter le territoire français qui lui avait été accordé est expiré ou si ce délai n'a pas été accordé, à la condition qu'il ne puisse quitter immédiatement le territoire français, à moins qu'il ne fasse l'objet d'une décision d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 de ce code ; qu'une telle décision d'assignation est prise lorsque l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; que l'autorité administrative est tenue d'effectuer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un examen de la situation de chaque étranger afin de vérifier notamment si les conditions légales permettant son placement en rétention sont réunies et si l'étranger bénéficie de garanties de représentation effectives ; que, dans ces conditions, les dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent pas les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 susvisée et notamment ceux qui résultent des stipulations précitées ;

19. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation du retour de l'intéressée dans son pays d'origine et compte tenu de ce que cette dernière, qu'elle ne justifiait pas, contrairement à ce qu'elle soutient, d'une adresse stable et ne présentait pas de garanties effectives de représentation, le préfet du Val d'Oise a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, décider, pour ce seul motif, de placer Mme A...en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

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N° 12PA03711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03711
Date de la décision : 12/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Pierre LADREIT DE LACHARRIERE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : TRORIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-07-12;12pa03711 ?
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