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30/06/2017 | FRANCE | N°15PA02371

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 juin 2017, 15PA02371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement refusé d'abroger l'arrêté du 24 février 2004 prononçant son expulsion du territoire français ;

Par un jugement n° 1311821 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 juin 2015 et 23 mai 2016,

M.A..., représenté par Me N

ehorai, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement refusé d'abroger l'arrêté du 24 février 2004 prononçant son expulsion du territoire français ;

Par un jugement n° 1311821 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 juin 2015 et 23 mai 2016,

M.A..., représenté par Me Nehorai, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sur le fondement des articles L. 911-1

à L. 911-3, d'abroger l'arrêté d'expulsion et de lui délivrer une carte de résident et, à défaut, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, dans ce même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

M. A...soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'intérieur soutient que les moyens de M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de Me Nehorai, avocat de M.A...,

- et les observations du représentant du ministre de l'intérieur ;

1. Considérant que M. A..., de nationalité irakienne, entré en France le

10 novembre 1983, a obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 juillet 1985 et a obtenu, en cette qualité, un titre de résident régulièrement renouvelé ; que, par un arrêté du

24 février 2004, le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion en raison d'une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que, par un arrêté du même jour, l'intéressé a été assigné à résidence à Mende, dans le département de la Lozère ; que, par un jugement du 6 juin 2006, confirmé par un arrêt rendu le 16 octobre 2008 par la cour administrative d'appel de Versailles, le tribunal administratif a rejeté les demandes de M. A...tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 24 février 2004 ; que, par une décision du 30 mars 2005, confirmée par une décision de la Commission de recours des réfugiés du 15 octobre 2007, l'OFPRA a retiré à M. A...sa qualité de réfugié ; que l'intéressé a ensuite été successivement assigné à résidence à Pontivy, dans le département du Morbihan, d'août 2006 à juillet 2007 et, depuis 2007, à Rostrenen, dans le département des Côtes-d'Armor ; que, le 15 février 2013, M. A...a demandé l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 24 février 2004 ; que cette demande a été implicitement rejetée ; que, par un jugement du 9 avril 2015, dont M. A...relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 524-3 du même code : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : (...) 3° Lorsque l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 523-5 " ; qu'aux termes de l'article L.523-3 de ce code : " L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays peut faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence dans les conditions prévues à l'article L. 561-1. Les dispositions de l'article L. 624-4 sont applicables. / La même mesure peut, en cas d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, être appliquée aux étrangers qui font l'objet d'une proposition d'expulsion (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée ;

3. Considérant qu'il ressort des écritures en défense que le ministre de l'intérieur, par la décision implicite contestée, a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 24 février 2004 au motif que, dès lors que M. A...continuait à entretenir des liens étroits avec la mouvance islamiste radicale et n'avait pas renoncé à ses convictions radicales, le maintien de cette mesure d'expulsion constituait encore une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;

4. Considérant, tout d'abord, que le ministre de l'intérieur a produit des notes blanches des services de renseignements des 9 avril et 9 décembre 2013 dans lesquelles il est indiqué notamment que l'intéressé a eu des contacts avec M.C..., avec M.G..., recruté par l'association Acces et gestionnaire de l'école Hanned, et avec M.B..., qui a dispensé des cours de mathématiques au sein de l'école Hanned et est membre du conseil d'administration de l'association famille ; qu'il est indiqué également que des blogs et sites internet d'information, tels que le site internet " France.salafi ", ont apporté leur soutien à M. A...et qu'il a reçu la visite de l'association Bany Adam, laquelle a posté sur un site internet une vidéo de soutien dans laquelle M. A...a remercié cette association, et de M. D...E... ; que la matérialité de ces faits, à savoir l'existence de ces contacts, n'est pas contestée par le requérant qui se prévaut toutefois de ce que, s'agissant de MM.G..., C...etB..., c'est par l'intermédiaire de son conseil qu'il a obtenu une attestation favorable de ces personnes ;

5. Considérant, ensuite, que le ministre fait valoir que les personnes, les organismes ou les blogs et sites internet mentionnés dans ces notes blanches appartiennent à la mouvance salafiste ou radicale ou entretiennent des liens étroits avec celle-ci ; que ni les éléments communiqués par le requérant dans ses écritures ni les observations orales faites à l'audience ne démontrent que la qualification retenue par le ministre était erronée ; qu'en particulier, il ressort des pièces du dossier que M. B...s'était vu retirer quelques années auparavant son badge d'accès aux sites aéroportuaires de Roissy-Charles-de-Gaulle en raison de ses liens avec la mouvance islamiste radicale, mesure annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour vice de forme seulement ; que, par ailleurs, s'il a été affirmé, lors des débats à l'audience, que ces soutiens procédaient en réalité d'une tentative de récupération du cas de M. A...par une mouvance islamiste radicale sans que, pour sa part, l'intéressé eût conscience des enjeux, une telle allégation ne saurait être retenue au regard de la situation dans laquelle il se trouvait depuis la mesure d'expulsion prise à son encontre ;

6. Considérant, enfin, que si, depuis qu'il a été assigné à résidence, M. A... n'a pas publiquement participé à la propagation d'un islamisme radical et s'il produit de nombreux témoignages et attestations en sa faveur, l'essentiel des documents qu'il produit ont le caractère de témoignages subjectifs ou relatent des discussions purement privées ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'instruction supplémentaire dès lors qu'il a été admis à l'audience que les soutiens dont l'existence n'est pas contestée provenaient bien d'une mouvance islamiste radicale, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur d'appréciation en refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion du 24 février 2004 ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que si l'épouse de M. A...et leurs cinq enfants résident en France, ils ne l'ont jamais rejoint sur ses divers lieux d'assignation à résidence pour vivre à ses côtés ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, eu égard à la menace pour l'ordre public que représentait toujours la présence sur le territoire français de M. A...à la date de la décision contestée, celle-ci n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant qu'en dépit des assignations à résidence successives qui ont été prononcées à l'égard de M.A..., le ministre de l'intérieur, en refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion, ne peut être regardé comme ayant imposé à l'intéressé des traitements inhumains ou dégradants au sens de ces stipulations ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite contestée sans procéder à la mesure d'instruction sollicitée ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M.A..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante le versement de la somme que demande M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 juin 2017

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15PA02371 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02371
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SUFFERN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-30;15pa02371 ?
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