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28/01/2021 | FRANCE | N°19PA02381

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 28 janvier 2021, 19PA02381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904383/1-3 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces compl

mentaires, enregistrés les 22 juillet 2019, 4 septembre 2020, 15 octobre 2020, 16 octobre 2020 et 4...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904383/1-3 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés les 22 juillet 2019, 4 septembre 2020, 15 octobre 2020, 16 octobre 2020 et 4 janvier 2021, Mme F... épouse E..., représentée par Me C..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1904383/1-3 du tribunal administratif de Paris du 19 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dès la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 janvier 2021 à 18h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme D... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante jamaïquaine née le 17 avril 1942 et entrée en France le 22 mai 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 novembre 2018 le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... relève appel du jugement n° 1904383/1-3 du 19 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 sur le fondement desquelles Mme F... épouse E... a sollicité la délivrance de son titre de séjour. Il mentionne que la requérante, ressortissante jamaïquaine, née le 17 avril 1942 à Portland, et entrée en France le 22 mai 2017 munie d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa court séjour valable du 10 mai 2017 au 28 juillet 2017 a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 19 octobre 2017, que par un avis du 1er juillet 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et qu'au vu des éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque. L'arrêté en litige relève également que Mme F... épouse E... est veuve et mère de cinq enfants majeurs, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, la Jamaïque, où résident trois de ses enfants, qu'elle est hébergée et prise en charge par l'une de ses filles de nationalité française et qu'elle ne déclare aucune activité professionnelle. Enfin, l'arrêté mentionne que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines et traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent son arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme F... épouse E....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme F... épouse E..., qui souffre d'une hypertension artérielle sévère, le préfet de police s'est fondé en particulier sur l'avis du 1er juillet 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que si son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut effectivement bénéficier, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Jamaïque, d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester la disponibilité et l'accessibilité des soins en Jamaïque dont il ressort des pièces du dossier qu'ils se composent d'un traitement médicamenteux à base d'antihypertenseurs et de bétabloquants associés à un suivi médical régulier, Mme F... épouse E..., produit un certificat médical établi le 28 février 2019 par le chef de clinique assistant au sein du service de gériatrie à la Pitié-Salpêtrière qui indique que les soins dont nécessite la requérante ne semblent pas être optimaux dans son pays d'origine. Toutefois, ce seul certificat, rédigé en des termes non circonstanciés, ne saurait suffire à infirmer le sens de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En outre, les différents articles de presse dont se prévaut Mme F... et qui font état pour les années 2000 à 2017 d'une insuffisance de moyens dans les hôpitaux publics ainsi que d'une prévalence de l'hypertension artérielle au sein de la population jamaïquaine ne sont pas de nature, eu égard notamment à leur caractère relativement ancien et peu circonstancié, à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Enfin, si l'intéressée soutient que son état de santé s'est fortement aggravé et si elle produit, pour la première fois en appel, un compte-rendu d'IRM du 7 octobre 2020 rédigé par un praticien hospitalier au sein du Pôle Santé Bergère à Paris faisant état d'une démence vasculaire, un compte rendu d'échographie pelvienne du 8 octobre 2020 faisant état d'un kyste, un certificat médical établi le 13 octobre 2020 précisant qu'elle présente des troubles cognitifs d'origine mixte dégénérative et vasculaire, des troubles de la mémoire de travail, une désorientation temporo-spatiale avec la nécessité d'être aidée pour les actes de la vie quotidienne et d'un syndrome anxiodépressif, ainsi que la grille AGGIR complétée le même jour par ce même praticien et indiquant qu'elle ne peut plus effectuer les gestes domestiques et sociaux du quotidien, ces certificats, qui d'ailleurs font référence à des résultats d'examens postérieurs à la décision contestée, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation selon laquelle la requérante peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme F... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

8. Mme F... épouse E..., entrée en France le 22 mai 2017, soutient que le préfet de police a méconnu les stipulations précitées dès lors qu'elle vit chez sa fille, Mme A... E..., dont sa présence est indispensable à ses côtés eu égard à son état de santé et qu'une deuxième de ses filles, Mme G... E... vit également en France sous couvert d'une carte de résident. Toutefois, l'intéressée n'est pas démunie d'attaches dans son pays d'origine où résident trois de ses enfants et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de soixante-quatorze ans. Par ailleurs, si la requérante soutient que la présence de sa fille serait devenue nécessaire en raison de son état de santé, elle ne justifie pas de relations stables et durables avec cette dernière résidant sur le territoire français et ne démontre pas que ses enfants résidant en Jamaïque ne pourraient pas la prendre en charge alors, de plus, ainsi qu'il a été dit au point 6, que les pathologies ayant entrainé une diminution de son autonomie sont, en tout état de cause, postérieures à la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sera écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par les décisions refusant un titre de séjour et obligeant Mme F... épouse E... à quitter le territoire français, à raison des risques qu'elle courrait en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant, ces décisions n'entrainant pas, par elles-mêmes, renvoi dans le pays d'origine.

11. D'autre part, si Mme F... épouse E... soutient que son renvoi en Jamaïque l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants, il n'est pas établi, ainsi qu'il a déjà été dit, qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. Et les termes d'un courriel adressé par sa fille au conseil de la requérante, dont les allégations ne sont assorties d'aucun élément probant, ne sont pas en eux-mêmes de nature à établir que ses enfants résidant en Jamaïque ne pourraient prendre en charge la requérante. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant la Jamaïque comme pays de renvoi sera écarté.

12. En sixième lieu, eu égard notamment aux motifs exposés aux points 6, 8 et 11 du présent arrêt, Mme F... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... épouse E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... F... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19PA02381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02381
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : COCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-28;19pa02381 ?
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