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15/10/2021 | FRANCE | N°21PA01960

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 octobre 2021, 21PA01960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuel éloignement d'office passé ce délai.

Par un jugement n° 2017291 du 27 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la C

our :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2021, M. A..., représenté par Me Paulhac, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuel éloignement d'office passé ce délai.

Par un jugement n° 2017291 du 27 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2021, M. A..., représenté par Me Paulhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ° 2017291 du 27 janvier 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2020 du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 15 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce que les premiers juges n'ont pas répondu à l'argument tiré de l'irrégularité pour défaut de signature de la délégation de signature de l'auteur de l'arrêté attaqué ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale, compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de titre de

séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2021, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 18 mars 2021 le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant mauritanien, né le 4 décembre 1972, entré en France le 21 mars 2009 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 septembre 2020, dont M A... demande l'annulation, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'illégalité de l'arrêté attaqué du 4 septembre 2020 résultant de ce que l'arrêté de délégation de signature du 16 juin 2020 ne comporte pas de signature. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et est, pour ce motif, irrégulier.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, par un arrêté du 16 juin 2020, publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 23 juin 2020, le préfet de police a donné délégation à Mme D... C..., cheffe du 9ème bureau, pour signer des décisions en matière de police des étrangers au nombre desquelles figurent les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Si cet arrêté ne comporte aucune signature, le préfet de police a produit un exemplaire signé de l'arrêté de délégation de signature. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté dans toutes ses branches comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué, qui vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne également les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. A.... Il contient ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait au vu desquelles le préfet de police de Paris, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant sa situation, s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A.... En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... au regard de son droit au séjour avant de prendre la décision attaquée. Par suite, les moyens invoqués par M. A... tirés d'une insuffisance de motivation de cette décision et de l'absence d'examen de sa situation personnelle doivent être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article

L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

7. D'une part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de vérifier la valeur probante des documents produits pour justifier la résidence habituelle d'un étranger en France, alors même que les dispositions précitées prévoient qu'une telle justification peut être apportée par tout moyen. A l'appui de sa requête, le requérant soutient résider en France depuis l'année 2009, et qu'il est ainsi présent sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision litigieuse, soit la date de référence du 3 septembre 2010. Toutefois, les pièces produites pour les années 2014 et 2015 ne permettent pas d'attester d'une présence continue sur le territoire français.

8. En effet, pour l'année 2014, l'intéressé produit seulement une copie d'un arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 11 mars 2014 abrogeant un arrêté du 3 juin 2013, suivi du jugement du tribunal administratif rendu en conséquence, deux relevés de compte pour les mois d'avril et octobre mentionnant principalement des prélèvements automatiques, des agios, des frais de tenue de compte ou pour des impayés ainsi que quelques débits pour des sommes d'un faible montant, une facture commerciale en date du 15 juillet 2014 qui présente une faible valeur probante quant à l'identité de l'acheteur, un avis d'impôt au titre des revenus perçus de l'année 2013, une ordonnance médicale non horodatée, et une carte d'admission à l'aide médicale d'Etat valable pour la période comprise entre le 15 mai 2013 et le 14 mai 2015 qui ne permet pas d'attester de sa présence pour l'année 2014. Pour l'année 2015, M. A... produit un formulaire de souscription pour une carte bancaire non daté et non signé, un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 11 février 2015 dont il ressort des visas que le requérant n'était pas présent à l'audience, un avis d'imposition 2015 au titre des revenus perçus en 2014, un courrier des finances publiques en date du mois de juillet l'informant qu'il bénéficie de la prime à l'emploi pour un montant de 202 euros, un courrier de la RATP concernant le dispositif " solidarité transports ", un bordereau de livraison en date du mois d'octobre et une ordonnance tamponnée en pharmacie datée du 16 novembre. Si M. A... produit un relevé récapitulatif des opérations bancaires comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015, ce document n'atteste que de quelques mouvements bancaires pour les mois de janvier à mars, et, pour les autres mois, des transactions de très faible montant. Dans ces conditions, les éléments versés au dossier pour ces années ne permettant d'établir qu'une présence ponctuelle, M. A..., qui ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police de Paris a entaché sa décision d'un vice de procédure en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour.

9. D'autre part, en se bornant à se prévaloir de la durée de sa résidence de plus de dix années en France, au demeurant non établie ainsi qu'il a été dit au point précédent, et à invoquer, sans d'ailleurs apporter le moindre élément à l'appui de son argumentation, sa parfaite intégration à la société française, M. A... n'établit aucune circonstance suffisant à caractériser l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés à cet égard de la méconnaissance de ces dispositions et de l'erreur manifeste d'appréciation commise dans leur application doivent être écartés.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Si M. A... se prévaut de l'ancienneté et de la stabilité de son séjour sur le territoire français et d'une parfaite intégration, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 qu'il ne l'établit pas. Par ailleurs, il n'apporte aucun élément permettant de justifier des liens personnels et familiaux qu'il aurait tissés en France depuis plus de dix années et a déclaré être célibataire lors du dépôt de sa demande de titre de séjour. De plus, il n'allègue pas non plus être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans et où résident ses trois enfants. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour attaqué aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait ainsi méconnu ces dispositions. Pour les mêmes motifs, la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

12. Il résulte des énonciations des points 7 à 11 du présent arrêt que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de celle lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

15. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A... une somme en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2017291 du 27 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 octobre 2021.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01960
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-15;21pa01960 ?
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