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18/11/2021 | FRANCE | N°20PA00710

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 novembre 2021, 20PA00710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 mai 2019 par laquelle le bureau de l'aide juridictionnelle du ministère de la justice a rejeté sa demande tendant à ce qu'il " intervienne pour débloquer sa situation " en se substituant au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nanterre dans l'appréciation de la légitimité de l'excuse ou de l'empêchement de son avocat.

Par une ordonnance n° 1914700 du 19 décembre 2019, la présid

ente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 mai 2019 par laquelle le bureau de l'aide juridictionnelle du ministère de la justice a rejeté sa demande tendant à ce qu'il " intervienne pour débloquer sa situation " en se substituant au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nanterre dans l'appréciation de la légitimité de l'excuse ou de l'empêchement de son avocat.

Par une ordonnance n° 1914700 du 19 décembre 2019, la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 12 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Lebrun, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1914700 du 19 décembre 2019 de la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 9 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au bureau de l'aide juridictionnelle du ministère de la justice, d'une part, d'apprécier et constater que l'avocat défaillant n'a pas eu d'excuse ou d'empêchement légitime pour refuser son intervention dans son dossier et de faire le nécessaire aux fins de débloquer son accès à la justice dans les procédures qu'il entend diligenter et, d'autre part, de procéder au remplacement de l'avocat défaillant par un autre avocat ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle ne mentionne pas l'ensemble de ses conclusions ;

- le premier juge n'a pas visé ses moyens et n'y a pas répondu ;

- la juridiction administrative est compétente dès lors que la décision contestée constitue une mesure d'organisation du service public de la justice ;

- l'affaire aurait dû être jugée en formation collégiale dès lors que la juridiction administrative est compétente ;

- le tribunal a méconnu les stipulations des articles 6, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit ;

- il appartenait au bureau de l'aide juridictionnelle du ministère de la justice d'apprécier les motifs d'excuse ou d'empêchement de l'avocat qui avait accepté de le représenter ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle ne pouvait faire application de l'article 187 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la demande de M. B... est irrecevable dès lors que le courriel du 9 mai 2019 est une simple mesure d'information qui ne fait pas grief ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et les administrations ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

- le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice ;

- l'arrêté du 25 avril 2017 relatif à l'organisation du secrétariat général et des directions du ministère de la justice ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a demandé au bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nanterre d'apprécier la légitimité de l'excuse ou de l'empêchement de l'avocat qui avait accepté de le représenter au titre de l'aide juridictionnelle. En l'absence de réponse, il a alors sollicité l'intervention du bureau de l'aide juridictionnelle du ministère de la justice afin qu'il se substitue au bureau d'aide juridictionnelle de Nanterre dans l'appréciation du motif de l'excuse ou de l'empêchement de l'avocat. Par une décision du 9 mai 2019 communiquée à l'intéressé sous la forme d'un courriel, le bureau de l'aide juridictionnelle du ministère de la justice a rejeté sa demande. M. B... fait appel de l'ordonnance du 19 décembre 2019 par laquelle la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. La décision du 9 mai 2019 par laquelle le bureau de l'aide juridictionnelle au sein de l'administration centrale du ministère de la justice, qui doit être regardée comme prise sur délégation du garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande de M. B... d'apprécier la légitimité de l'excuse ou de l'empêchement de son avocat se fonde, pour rejeter la demande qui lui est présentée, sur les " principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire ". Eu égard à son objet et à ses effets, qui ne sont pas de nature à influer sur le déroulement d'une procédure judiciaire et n'impliquent aucune appréciation sur la marche même des services judiciaires, et à l'autorité dont elle émane, elle ne peut être regardée comme se rattachant à la fonction juridictionnelle et constitue, dès lors, une mesure d'organisation du service public de la justice.

3. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens articulés à l'encontre de la régularité de l'ordonnance attaquée, c'est à tort que le premier juge a rejeté la demande de M. B... comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. L'ordonnance de la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris en date du 19 décembre 2019 doit, dès lors, être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de la décision du 9 mai 2019 :

5. Aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 25 avril 2017 relatif à l'organisation du secrétariat général et des directions du ministère de la justice, dans sa version alors en vigueur : " Le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes élabore les lois et règlements relatifs à l'aide juridictionnelle, à l'accès au droit et à l'aide aux victimes. (...) / Il comprend : 1° Le bureau de l'aide juridictionnelle ; (...) / I. - Le bureau de l'aide juridictionnelle : / - élabore les projets de loi et la réglementation en matière d'aide juridictionnelle ; / - anime et contrôle l'application de la législation en matière d'aide juridictionnelle et conçoit les actions propres à en améliorer le fonctionnement ; /- est associé aux négociations européennes et internationales intéressant l'aide juridictionnelle ; / - assure le suivi des services ou organismes chargés de l'admission à l'aide juridictionnelle ; /- assiste les juridictions et les organismes chargés des matières relevant de ses attributions, en émettant, à leur demande, tout avis technique ou juridique dans ces domaines ; / - assure le secrétariat du Conseil national de l'aide juridique ; / - en lien avec la cellule de synthèse, prépare le budget de l'aide juridictionnelle, en assure le suivi et en gère les crédits. (...) ".

6. Au sein de l'administration centrale du ministère de la justice et rattaché au service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes qui dépend du secrétaire général du ministère, le bureau de l'aide juridictionnelle est seulement chargé d'élaborer les lois et les règlements relatifs à l'aide juridictionnelle et de concevoir et coordonner les actions menées dans ce domaine. Ainsi, il n'entre pas dans les attributions de ce bureau, non plus d'ailleurs que d'autres services de l'administration centrale du ministère de la justice, d'apprécier la légitimité de l'excuse ou de l'empêchement allégué par un avocat ayant accepté de représenter un justiciable au titre de l'aide juridictionnelle. Dès lors, ce bureau était tenu de rejeter la demande de M. B... tendant à ces fins. Il s'ensuit que l'ensemble des moyens soulevés à l'appui des conclusions tendant l'annulation de la décision du 9 mai 2019 sont inopérants et doivent ainsi être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 9 mai 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1914700 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.

Le rapporteur,

J.-F. GOBEILLLe président,

S. DIEMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00710 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00710
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-02 Juridictions administratives et judiciaires. - Service public de la justice.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LEBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-18;20pa00710 ?
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