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09/12/2021 | FRANCE | N°20PA02340

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 décembre 2021, 20PA02340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom.

Par un jugement n° 1902592/4-2 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2020, M. A..., représenté par Me Plagnol, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2020 du tr

ibunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom.

Par un jugement n° 1902592/4-2 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2020, M. A..., représenté par Me Plagnol, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 3 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de l'autoriser à modifier son nom patronymique en " G... " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- que le nom " G... ", qui est le nom de son bisaïeul et qu'il aurait donc dû porter si les services d'Etat civil sénégalais n'avaient pas commis d'erreur dans la rédaction de l'acte de naissance de son aïeul, est menacé d'extinction ;

- qu'il justifie de motifs affectifs du fait de son attachement à ses racines cap-verdiennes ;

- que la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 31 août 1980, a sollicité auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, le changement de son nom en " G... ". Par une décision du 3 décembre 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande. M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par jugement n° 1902592/4-2 du 18 juin 2020 dont il fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. ".

3. M. B... A... soutient en premier lieu que le nom " G... " qu'il sollicite et qui est en voie d'extinction, est bien le nom de son bisaïeul, Manuel G..., né à San Miguel (Cap-Vert) le 2 février 1898, et que ce dernier est bien le père de son aïeul M. E... A..., né le 21 mars 1927 à Sandaga (Sénégal), alors que l'acte de naissance de ce dernier mentionne par erreur qu'il est le fils d'Emmanuel A....

4. A supposer que l'extinction du nom " G... " puisse être établie s'agissant de la branche collatérale de son bisaïeul revendiqué en raison de la divergence de nom du frère et des sœurs de l'aïeul du requérant, il ressort en tout état de cause de l'acte de naissance n° 204 établi par la commune de Dakar le 21 mars 1927 que M. E... A... a été déclaré comme étant le fils de M. H... A... et de Mme C... F... et non de M. D... G.... Les seules productions du requérant, à savoir un arrêté municipal de la commune de Dakar établi le 7 décembre 1976 accordant une concession de terrain dans un cimetière à M. E... A... mentionné comme étant le fils de M. D... G..., des attestations des archives du Cap-Vert du 21 mars 2014 se bornant à certifier qu'aucun document ne mentionne l'existence de M. H... A... et de Mme C... F..., des certificats de Jean Sylva, de Diminga Dasylva et de Marie Da Sylva se déclarant frère et sœurs d'Auguste A..., une photographie de famille, une carte d'identité et les résultats d'un test génétique réalisé en dehors de toute procédure juridictionnelle, ne sont pas de nature à remettre en cause les mentions portées sur le registre d'état civil concernant M. E... A..., et ne permettent pas d'établir de façon probante les liens qui uniraient le requérant à M. D... G... et, ainsi, d'apprécier l'intérêt légitime qu'aurait M. A... à porter le nom de G... en raison du risque d'extinction de ce dernier.

5. En deuxième lieu, des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

6. M. A... qui soutient souhaiter porter le nom de son bisaïeul, fait valoir son attachement à ses origines capverdiennes qui sont également celles de sa mère, Mme D'Almeida, laquelle l'a élevé seule avec son beau-père depuis l'âge de six ans. Ces seules circonstances ne revêtent pas un caractère exceptionnel et ne sauraient donc constituer l'intérêt légitime requis par les dispositions précitées de l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi, pour un motif d'ordre affectif.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si, en tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne concerne sa vie privée et familiale, l'Etat peut, toutefois, en réglementer l'usage notamment pour assurer une sécurité juridique suffisante de l'état civil.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 et 6, que la décision refusant le changement de nom sollicité porterait au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2021.

Le rapporteur,

J.-F. GOBEILL

Le président,

J. LAPOUZADELa greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de la justice, garde des sceaux, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20PA02340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02340
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. - État des personnes. - Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PLAGNOL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;20pa02340 ?
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