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28/03/2022 | FRANCE | N°21PA05803

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 mars 2022, 21PA05803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2116524 Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée et lui a fait interdiction de retour en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2116524 du 14 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal adm

inistratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2116524 Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée et lui a fait interdiction de retour en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2116524 du 14 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée les 12 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Saligari, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision n° 2116524 du 14 octobre 2021 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 juillet 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en l'absence d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requérante n'étant pas entrée en France mais restée en zone d'attente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale car fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est illégale car fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, car elle justifie de garantie de représentations suffisantes qui auraient dû permettre de lui octroyer un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale car fondée sur des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination elles-mêmes illégales ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des circonstances humanitaires pouvant justifier que l'interdiction de retour ne soit pas prononcée.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 février 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 29 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé Mme B..., ressortissante russe, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une période de deux ans. Mme B... fait régulièrement appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à ce que Mme B... soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 14 février 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme B... l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à ce que lui soit accordée l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, la décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut donc qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision contestée ainsi que des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris en compte la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation sera écarté.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article 14 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6, paragraphe 1, et qui n'appartient pas à l'une des catégories de personnes visées à l'article 6, paragraphe 5 ". Selon l'article L. 333-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision prononçant le refus d'entrée peut être exécutée d'office par l'administration ". Aux termes des dispositions de l'article L. 341-1 du même code : " L'étranger (...) qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente (...) pendant le temps strictement nécessaire à son départ. (...) ". En vertu de l'article L. 341-6 du même code : " La zone d'attente s'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. / Elle est délimitée par l'autorité administrative compétente. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, (...) un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier (...) ". Aux termes de l'article L. 341-7 dudit code : " La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale ". Il résulte en outre des dispositions des articles L. 341-2, L. 342-1 et L. 342-4 de ce code que le maintien en zone d'attente ne peut excéder quatre jours mais peut être prolongé au-delà de cette durée par le juge des libertés et de la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours et, à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ, pour une durée supplémentaire de huit jours maximum. Enfin, aux termes de l'article L. 342-19 du même code : " Si le maintien de l'étranger en zone d'attente n'est pas prolongé au terme du délai fixé par la dernière décision de maintien, l'étranger est autorisé à entrer en France sous couvert d'un visa de régularisation de huit jours. Il devra avoir quitté le territoire à l'expiration de ce délai, sauf s'il obtient une autorisation provisoire de séjour, ou un récépissé de demande de carte de séjour ou une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire sa demande d'asile ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1o L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 dudit code : " Le risque mentionné au 3o de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1o L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ". Il résulte des dispositions des articles L. 611-2 et L. 612-4 de ce code que les 1° et 2° de l'article L. 611-1 d'une part, et de l'article L. 612-3 d'autre part, sont applicables à " l'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ".

7. Il résulte de ces dispositions que la situation d'un étranger qui n'est pas entré sur le territoire français est régie par les dispositions citées ci-dessus du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'entrée en France, et en particulier s'agissant des personnes qui se présentent à la frontière, par celles contenues au chapitre II titre III de ce livre relatif au refus d'entrée. Les mesures d'éloignement du territoire national prévues au livre VI de ce code, notamment l'obligation de quitter le territoire français, ne lui sont pas applicables. Par conséquent, dès lors qu'un étranger qui n'est pas ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne se trouve en zone aéroportuaire, en transit ou en zone d'attente, il peut faire l'objet d'un refus d'entrée, lequel pourra être exécuté d'office en application des dispositions précitées de ce code, mais non d'une obligation de quitter le territoire français, ne pouvant être regardé comme entré sur le territoire français. Il n'y a pas lieu de distinguer, à cet égard, entre une situation où cet étranger exprime le désir d'entrer sur le territoire français et une situation où il ne formule pas ce souhait.

8. En outre, le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et de placement en zone d'attente et qui a refusé d'obtempérer à un réacheminement pris pour l'application de cette décision ne peut être regardé comme entré en France de ce seul fait. Tel est le cas, toutefois, s'il a été placé en garde à vue à la suite de ce refus, à moins que les locaux de la garde à vue soient situés dans la zone d'attente. Doit également être regardé comme entré sur le territoire français l'étranger ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée, et pénétrant sur le territoire en application des dispositions précitées de l'article L. 342-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'issue de la dernière prolongation par le juge des libertés et de la détention de son maintien en zone d'attente.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., arrivée à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle le 13 juillet 2021, a le jour même, fait l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français et de maintien en zone d'attente. Par une ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 17 juillet 2021, le maintien en zone d'attente a été prolongé pour une durée de huit jours. Par ailleurs, selon ses propres déclarations, Mme B... était venue en France avec l'intention de s'y établir avec sa famille, dès lors qu'elle avait notamment déposé une demande d'accès au territoire français au titre de l'asile à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 13 juillet 2021, demande rejetée par une décision du ministre de l'intérieur en date du 16 juillet 2021, et qu'elle avait notamment fait part, lors de son audition par les services de police, de sa volonté d'exercer une activité professionnelle en France. Elle a refusé de passer un premier test PCR le 15 juillet 2021 et un second test le 22 juillet 2021. A la suite de deux refus d'embarquer les 24 et 29 juillet 2021, elle a été placée en garde à vue le 29 juillet 2021, au motif de l'infraction de soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., placée en garde à vue le 29 juillet 2021, n'était plus en zone d'attente et était entrée sur le territoire français quand le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire par l'arrêté litigieux du 29 juillet 2021, notifié le même jour. Dès lors qu'elle avait fait l'objet d'un refus d'entrée, auquel elle cherchait à se soustraire, qu'elle ne pouvait se prévaloir d'aucun droit au séjour et qu'elle n'était pas en transit, son entrée irrégulière sur le territoire français pouvait à bon droit motiver ladite décision. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, Mme B... soutient que l'arrêté attaqué est entaché de plusieurs erreur de fait au motif que, contrairement à ce qui est mentionné dans l'arrêté attaqué d'une part, elle n'est pas célibataire et sans charges de famille et, d'autre part, elle n'est pas entrée sur le territoire français. Comme il a été indiqué au point 9 du présent arrêt, Mme B..., placée en garde à vue le 29 juillet 2021, n'était plus en zone d'attente et était entrée sur le territoire français quand le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire par l'arrêté litigieux du 29 juillet 2021, notifié le même jour. Dès lors, aucune erreur de fait n'a été commise sur ce point par le préfet de la Seine-Saint-Denis, la requérante pouvant faire l'objet puisqu'elle était entrée sur le territoire français d'une obligation de quitter le territoire. Par ailleurs, si le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur sur la situation familiale de l'intéressée qui n'est pas célibataire mais en couple avec deux enfants à charge, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que cette erreur n'a pas eu d'incidence que la décision attaquée qui est fondée sur l'entrée irrégulière en France de l'intéressée et son maintien sur le territoire national sans être titulaire d'un titre de séjour et que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur.

12. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Il est constant que Mme B... est arrivé à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 13 juillet 2021 en provenance de Serbie et qu'elle séjourne sur le territoire français depuis le 13 juillet 2021 seulement, alors qu'elle n'établit pas avoir d'autre attache que son époux et ses deux enfants mineurs, qui y sont rentrés dans les mêmes conditions. Si la situation de ce dernier fait l'objet d'un réexamen suite à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il est éloigné et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans en date du 29 juillet 2021 par un jugement n° 2116524 du 14 octobre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, cette seule circonstance ne suffit pas à considérer qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, eu égard à ce que a été dit précédemment, le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". L'article L. 612-2 de ce code dispose que " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Selon l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ". Enfin, l'article L. 613-2 du même code dispose que : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

16. En dernier lieu, pour refuser à Mme B... le bénéfice d'un délai de départ volontaire, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a estimé qu'il existait un risque que l'intéressée se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont elle a fait l'objet, s'est fondé sur les motifs tirés de ce que le requérante ne pouvait justifier d'une entrée régulière sur le territoire français sur lequel elle s'est maintenue irrégulièrement, avait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dès lors notamment qu'elle ne justifiait pas d'une résidence effective. Par suite, la décision est suffisamment motivée. En outre, il ne ressort ni des termes de cet arrêté, ni des autres pièces versées au dossier, que le préfet de police de Paris n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée. L'autorité préfectorale n'a davantage commis aucune erreur de droit.

17. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, que le risque de fuite pouvant être regardé comme établi au sens des dispositions précitées de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire. En ne retenant pas de circonstances particulières de nature à renverser cette présomption, cette autorité n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux considérations qui précèdent sur la durée et les conditions de séjour en France.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui a été précédemment exposé que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la mesure d'éloignement invoqué, par la voie de l'exception, à fin d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que celui-ci s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

20. Si Mme B... fait valoir qu'elle encourt un risque en retournant en Russie au motif d'un risque de mort par les hommes de main de l'actuel président de la République de Tchétchénie, elle ne présente toutefois à l'appui de ses dires aucun document permettant de les étayer. Dans ces conditions, Mme B... ne peut être considérée comme encourant un risque personnel et actuel au sens des stipulations précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juillet 2021. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

D E C I D E

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'admission de Mme B... à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 mars 2022.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05803
Date de la décision : 28/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-28;21pa05803 ?
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