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30/06/2022 | FRANCE | N°21PA04844

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 juin 2022, 21PA04844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au Tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de police de B... a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2108148/6-3 du 8 juillet 2021, le Tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2

021, M. E..., représenté par Me Sulli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108148/6...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au Tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de police de B... a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2108148/6-3 du 8 juillet 2021, le Tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2021, M. E..., représenté par Me Sulli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108148/6-3 du 8 juillet 2021 du Tribunal administratif de B... ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de police de B... a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour d'un an renouvelable portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du deuxième mois suivant la notification de cet arrêt ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer pendant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il a été pris par une autorité incompétente ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la durée du délai de départ volontaire fixée à 30 jours est entachée d'une erreur de droit.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de B... du 3 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant malien né le 11 avril 2001, a sollicité, le 27 février 2020, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 21 juillet 2020, le préfet de police de B... a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement n° 2108148/6-3 du 8 juillet 2021, dont M. E... relève appel, le Tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France à l'âge de 17 ans en octobre 2018 et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 22 novembre 2018 à la suite d'une ordonnance de placement provisoire prise par le Tribunal pour enfants de B... prolongée le 20 mars 2019 jusqu'à l'âge de sa majorité. Il a ensuite bénéficié d'un contrat jeune majeur valable jusqu'au 31 décembre 2021, renouvelable jusqu'à la veille de ses 21 ans. Il a intégré le 4 mars 2019 une formation H... à l'issue de laquelle il a obtenu son diplôme avec une note totale de 90,50 sur 100 et les félicitations. Il a ensuite intégré la classe de 3ème G... et a obtenu une moyenne générale au troisième trimestre de 15,53 sur 20 et une appréciation globale du chef d'établissement indiquant que son année scolaire 2019 / 2020 est positive et qu'il est motivé par son orientation en CAP. Au cours de l'année scolaire 2020 / 2021, il a intégré la première année de CAP spécialité " carreleur mosaïste " I... et a obtenu, lors du troisième trimestre, les félicitations du chef d'établissement qui a relevé qu'il avait eu une année très positive au cours de laquelle il a démontré avec force sa motivation pour réussir. M. E... fait valoir que les problèmes de santé, dont il souffre, l'ont conduit à quitter son pays, le Mali, car il ne pouvait bénéficier d'un traitement adapté. Il établit souffrir d'épilepsie temporale sur sclérose hippocampique gauche et avoir été victime au cours de la première année de son arrivée en France de 28 crises. Il est désormais suivi par le docteur A... de l'hôpital F... qui est parvenu à améliorer son traitement et à stabiliser sa pathologie en supprimant les crises par l'administration d'une trithérapie qui nécessite un suivi biannuel en consultation spécialisée. Il ressort des pièces du dossier qu'à son arrivée en France, il a d'abord bénéficié d'un hébergement seul à l'hôtel, puis compte-tenu de sa pathologie, il a été placé dans une famille d'accueil puis dans un hébergement partagé au sein de la maison d'enfants à caractère social de B.... Il ressort des notes socio-éducatives du service d'accueil familial de B... des 18 février 2020 et 6 août 2020 ainsi que de l'attestation de sa famille d'accueil du 30 novembre 2020 que l'intéressé s'est très vite adapté au rythme de la vie quotidienne de sa famille d'accueil, qu'il est très respectueux, agréable, sociable, très soigneux et de bonne volonté et qu'il a su rapidement développer un réseau amical. Enfin, M. E... établit que, postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, sa mère qui vivait au Mali, est décédée le 7 mars 2021. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce et quand bien même il aurait encore des attaches familiales dans son pays d'origine, en prenant l'arrêté attaqué, le préfet de police a entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. E....

3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête liés au bien-fondé du jugement contesté, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. E... un titre de séjour " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

5. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sulli, avocat de M. E..., de la somme de 1 500 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2108148/6-3 du 8 juillet 2021 du Tribunal administratif de B... et l'arrêté du préfet de police du 21 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. E... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cette période une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sulli, avocat de M. E..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

A. C... Le président,

F. HO SI FAT

La greffière,

N.COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04844
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SULLI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;21pa04844 ?
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