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20/09/2022 | FRANCE | N°21PA04541

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 septembre 2022, 21PA04541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2101525 du 9 juillet 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te, enregistrée le 6 août 2021, M. C..., représenté par Me Sulli, demande à la Cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2101525 du 9 juillet 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, M. C..., représenté par Me Sulli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 9 juillet 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 14 janvier 2021 mentionné ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour mention " entrepreneur/profession libérale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré d'une erreur de droit et au moyen tiré du caractère insuffisant du délai de départ volontaire accordé, analysés ci-dessous ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du 3°) de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'imposent pas que les moyens d'existence tirés de l'exercice d'une activité professionnelle soient exclusivement obtenus en France ;

- cette décision est erronée en ce qu'elle se fonde sur l'absence de caractère économiquement viable de son activité d'expert-comptable en France ;

- elle repose sur une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne précise pas sur quelle disposition de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile elle se fonde ; elle n'est motivée ni en droit, ni en fait ;

- le délai de départ volontaire qui lui a été accordé, est insuffisant ;

- la décision fixant ce délai est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, puisqu'il n'a pas été invité à faire valoir ses observations ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne mentionne pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant béninois né le 1er octobre 1965 à Natitingou (Bénin), qui soutient être entré sur le territoire français le 13 juin 2019 muni d'un visa de long séjour, mention " entrepreneur/profession libérale ", a obtenu un titre de séjour mention " entrepreneur/profession libérale " valable du 18 décembre 2019 au 17 décembre 2020 dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 14 janvier 2021, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande en se fondant notamment sur l'absence de caractère économiquement viable de son activité d'expert-comptable en France, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. C... fait appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans leur jugement, les premiers juges n'ont apporté aucune réponse au moyen tiré d'une erreur de droit au regard des dispositions du 3°) de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et au moyen tiré du caractère insuffisant du délai de départ volontaire accordé. Leur jugement doit donc être annulé.

3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 2020/2421 du 25 août 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet du Val-de-Marne a donné délégation à Mme A... D..., sous-préfète de l'Haÿ-les-Roses, à l'effet de signer toutes décisions et arrêtés en matière d'admission ou de refus d'admission au séjour et d'obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " (...) ".

6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C..., le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur les circonstances qu'il n'avait déclaré aucune recette, mais seulement des dépenses pour un montant de 3 231 euros, dans le cadre de son activité d'expert-comptable en 2019, qu'il avait donc enregistré un déficit de 3 231 euros pour cette année 2019, et que l'essentiel de cette activité était exercé, non en France, mais au Bénin. Le préfet a ainsi estimé que M. C... ne tirait pas de moyens d'existence de l'exercice de son activité d'expert-comptable en France.

7. M. C... n'est pas fondé à contester cette décision en se référant à ses relevés de comptes bancaires pour la période allant jusqu'au mois de septembre 2020, qui ne permettent pas d'identifier les recettes de son activité d'expert-comptable, ainsi qu'à une note d'honoraires adressée à un de ses confrères au mois de décembre 2020 à raison de prestations de sous-traitance pour un montant de 2 640 euros toutes taxes comprises, et à une attestation de ce confrère qui ne permettent pas de démontrer le caractère économiquement viable de cette activité. Il ne saurait par ailleurs faire état de la déclaration de ses revenus et de la déclaration de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2020, souscrites après l'arrêté attaqué, en date du 14 janvier 2021, de nouvelles notes d'honoraires établies à raison de prestations de sous-traitance à partir du mois de février 2021, et de l'évolution de son activité à partir de l'année 2021.

8. En troisième lieu, si M. C... soutient que le préfet aurait commis une erreur de droit en ne s'attachant qu'à son activité d'expert-comptable exercée en France, pour apprécier ses moyens d'existence, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision de refus de séjour s'il s'était fondé sur l'ensemble des recettes et des dépenses de cette activité, ainsi que sur son résultat. Le moyen tiré d'une erreur de droit doit donc être écarté.

9. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir que la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour l'oblige à interrompre son activité d'expert-comptable, M. C... ne démontre pas que cette décision comporterait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...)/ La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".

11. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en particulier ses articles L. 313-10, 3°) et L. 511-1, et énonce que l'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, cet arrêté est suffisamment motivé en droit en ce qu'il fait obligation à M. C... de quitter le territoire français, même s'il ne précise pas expressément se fonder sur le 3°) du I de l'article L. 511-1. Par ailleurs, compte tenu des motifs du refus de renouvellement du titre de séjour de M. C..., rappelés ci-dessus, il est suffisamment motivé en fait.

12. En sixième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français comporterait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

13. En septième lieu, M. C... soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations, ainsi que le prévoit l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, avant la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours. Toutefois, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Les moyens tirés d'un vice de procédure et d'une erreur de droit au regard de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peuvent donc qu'être écartés.

14. En huitième lieu, en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, l'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays où il est légalement admissible. Si les dispositions de cet article prévoient que l'autorité administrative " peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à M. C..., à titre exceptionnel, un délai de départ supérieur à trente jours.

15. En neuvième lieu, M. C... ne soutenant pas avoir demandé à bénéficier d'un délai de départ supérieur à trente jours, le préfet n'était pas tenu de motiver sa décision sur ce point.

16. En dernier lieu, l'arrêté attaqué vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination doit être regardée comme suffisamment motivée, alors même qu'il ne vise pas expressément l'article L. 513-2 de ce code.

17. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2101525 du Tribunal administratif de Melun du 9 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Célérier, président de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

Le rapporteur,

J-C. B...Le président,

T. CELERIERLa greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04541
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SULLI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-20;21pa04541 ?
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