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20/09/2022 | FRANCE | N°22PA00406

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 septembre 2022, 22PA00406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de

trente-six mois, d'enjoindre au préfet de communiquer l'ensemble des documents sur l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, d'enjoindre au préfet de communiquer l'ensemble des documents sur lesquels le préfet de police a fondé sa décision, conformément à l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et par ailleurs de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Fournier, son conseil, au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2112531/8-1 du 6 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire mais a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022, M. B... D..., représenté par Me Fournier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2021;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer entretemps une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Fournier, son conseil, au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- il n'est pas établi que l'arrêté attaqué aurait été compétemment signé dès lors que l'arrêté portant délégation de signature à son signataire n'a pas été produit devant le tribunal ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle et l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il retient qu'il ne serait pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

- il méconnait les stipulations des articles L. 611-3 et R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne justifie pas avoir saisi le collège des médecins dans les conditions prévues par ce dernier article ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de cet article L. 611-3 compte tenu notamment des nombreux documents médicaux qu'il produit ;

- la décision attaquée méconnait les stipulations de l'article 6.7° de l'accord franco-algérien dès lors que, contrairement à ce qu'a retenu le collège des médecins, ses traitements médicamenteux ne sont pas toujours disponibles en Algérie, et lorsqu'ils le sont, sont à un coût qui les rendent inaccessibles au requérant ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ces difficultés à suivre ses traitements dans son pays, ainsi que du fait de l'ancienneté de son séjour en France, de ses liens familiaux sur le territoire français et de l'absence de toute attache familiale dans son pays d'origine.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- il est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est injustifié dès lors que le requérant présentait des garanties de représentation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision d'interdiction de retour pendant trente-six mois :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors notamment que le préfet aurait dû prendre en compte des considérations humanitaires le concernant ;

- le préfet de police ne justifie pas de la durée d'interdiction retenue ;

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de ce qu'il ne représentait pas une menace pour l'ordre public, de ce qu'il justifiait de circonstances humanitaires exceptionnelles et de ce que la décision n'était pas motivée en ce qui concerne la durée de l'interdiction.

Le préfet de police a présenté un mémoire, enregistré le 6 septembre 2022, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction trois jours francs avant la date d'audience.

Par une décision du 13 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me Fournier pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 21 décembre 1960, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations des articles 6-7, 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par arrêté du 25 mai 2021, le préfet de police a opposé un refus à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. M. D... a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 6 octobre 2021 dont il relève appel.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté attaqué :

2. Ainsi que l'a à juste titre indiqué le tribunal, Mme F... C..., attachée principale d'administration de l'Etat, a, par un arrêté n°2021-00377 du 30 avril 2021, régulièrement publié, reçu délégation du préfet de police, pour signer tous les actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Or dès lors que cet arrêté réglementaire avait été publié, le jour même de son édiction, au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, les premiers juges étaient en mesure, par la consultation de ce recueil, de s'assurer de la validité dudit arrêté, sans qu'il soit besoin qu'il soit produit par l'administration dans le cadre de la présente instance.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, ainsi que l'a également rappelé le tribunal, la décision attaquée contient l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et, par suite, le requérant n'est pas fondé à invoquer son insuffisance de motivation, alors même qu'il serait en désaccord avec certaines des allégations contenues dans cette motivation, notamment en ce qui concerne la possibilité d'un suivi médical dans son pays d'origine, et ses attaches ou absences d'attaches dans ledit pays.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui fait état d'éléments de la situation personnelle du requérant, se serait à tort cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ou n'aurait pas procédé à un examen suffisant de sa situation particulière, une telle carence ne pouvant notamment se déduire de ce qu'il n'a pas fait explicitement référence aux pièces, en particulier médicales, produites par le requérant.

5. En troisième lieu, la seule circonstance que les parents du requérant soient décédés ne suffit pas à établir qu'il serait désormais dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, ni, dès lors, qu'en indiquant qu'il ne justifiait pas être dépourvu d'attaches en Algérie le préfet aurait entaché sa décision d'erreur de fait.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Le requérant, après avoir visé l'article R. 611-1 du même code, soutient que " la préfecture ne démontre pas avoir saisi le collège des médecins de l'OFII conformément au texte susmentionné". A supposer qu'il ait ainsi entendu faire grief au préfet de n'avoir pas, avant de prononcer l'obligation de quitter le territoire français, procédé à une saisine de ce collège des médecins distincte de la saisine préalable au refus de titre de séjour sollicité, le moyen ne peut qu'être écarté, aucun texte n'imposant à l'administration de solliciter à deux reprises ce collège de médecins lorsque les deux décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont prises à une même date et contenues dans un même arrêté. Par ailleurs si M. D... a entendu contester la régularité de cette saisine du collège des médecins, ce moyen ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

7. En cinquième lieu, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a conclu que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Or, si M. D... produit, à l'appui de sa requête, de nombreux certificats médicaux faisant état de ses pathologies et de la nécessité de la poursuite d'un traitement, seuls quelques-uns d'entre eux soutiennent que le traitement et le suivi nécessaires ne pourraient avoir lieu en Algérie. Ainsi, en particulier, plusieurs attestations du Dr A..., qui suit le requérant, en date des 3 juillet 2019 et 13 novembre 2019, rédigées en termes quasi-identiques, n'indiquent pas que le traitement nécessaire ne serait pas possible dans le pays d'origine, ce qui ne ressort pas non plus du certificat médical du 17 février 2020 relatif à sa pathologie cardiaque, ni de l'attestation du 11 février 2021 du psychiatre qui le suit. De plus, si certains autres certificats font état de la nécessité de sa présence en France, outre que certains d'entre eux, datant de 2017, ne peuvent éclairer véritablement sur son état de santé en 2021, ils sont tous rédigés en termes très généraux et sont très stéréotypés, tels celui de son cardiologue, en date du 16 juin 2021- qui bien que postérieur à l'intervention de l'arrêté attaqué peut éclairer sur l'état antérieur du requérant - qui se borne à indiquer que " les traitements et le suivi que nous avons instaurés sont indispensables (...) la présence de M. D... en France est nécessaire pour la continuité de sa prise en charge ". Ainsi, de tels documents, par leur caractère très général, ne permettent pas d'établir que le requérant ne pourrait bénéficier de la prise en charge nécessaire à ses pathologies dans son pays d'origine, lequel n'est d'ailleurs jamais nommé dans ces divers documents, qui n'établissent pas non plus que les traitements requis n'y seraient pas disponibles. Ainsi, ces attestations ne suffisent pas à remettre en cause les conclusions de l'avis du conseil des médecins de l'OFII. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il serait, en Algérie, dans l'impossibilité matérielle d'accéder aux traitements qui lui sont nécessaires compte tenu de leur coût élevé, et de ce qu'il y serait sans ressource, ceci ne ressort pas davantage des pièces du dossier, pas plus que l'impossibilité de se procurer en Algérie les médicaments qui lui sont nécessaires ou des médicaments équivalents. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaitrait les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou serait entachée " d'erreur de droit ". Pour les mêmes motifs il n'est pas davantage fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6.7° de l'accord franco-algérien, qui, au demeurant, est relatif à la délivrance d'un titre de séjour et ne pourrait être utilement invoqué qu'à l'encontre du refus de titre et non de l'obligation de quitter le territoire français.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si le requérant soutient qu'il vivrait en France de manière continue depuis 1977, il n'en justifie pas par les pièces versées au dossier, convenant lui-même que, en raison selon lui de la perte des documents relatifs aux années antérieures, il n'établit sa présence en France que depuis 2016. Et les condamnations pénales dont il a fait l'objet en France au cours de années antérieures ne peuvent davantage suffire à démontrer sa présence continue sur le territoire national, alors surtout qu'il avait fait l'objet d'un arrêté d'expulsion en 1992. Par ailleurs, il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, et, s'il soutient y avoir plusieurs membres de sa famille, notamment une sœur et un demi-frère, il ne justifie pas de la réalité et de l'intensité des liens qu'il aurait avec eux, alors surtout qu'il indique que, arrivé en France selon lui à dix-sept ans, il a " très jeune été livré à lui-même ". De plus, la circonstance que ses parents soient décédés ne suffit pas à établir qu'il n'aurait plus aucune attache familiale en Algérie où, à supposer même qu'il en soit définitivement parti en 1977, il a néanmoins vécu, au moins, jusqu'à l'âge de dix-sept ans. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de nombreuses condamnations pénales entre 1984 et 1992, date à laquelle il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, qu'il a de nouveau fait l'objet de trois condamnations pénales entre 2016 et 2018 pour des faits de vol, puis d'une quatrième condamnation, par jugement du 25 février 2021, soit quelques mois à peine avant l'intervention de l'arrêté attaqué, pour violence sur personne chargée d'une mission de service public. De plus, il ne justifie d'aucun emploi, indique lui-même avoir vécu, du fait selon lui de sa toxicomanie, " dans une grande précarité ", est toujours hébergé dans des institutions et ne justifie ainsi d'aucune intégration en France. Enfin il ressort de ce qui a été dit qu'il n'établit pas ne pouvoir recevoir les soins nécessaires à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, ni, en conséquence, qu'elle méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Ainsi M. D... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait à tort rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

11. Par ailleurs, il ressort de l'arrêté attaqué qu'il a, dans une motivation commune aux diverses décisions qu'il comporte, rappelé les diverses infractions pénales commises par l'intéressé entre 2016 et 2021, et indiqué que son comportement était constitutif d'une menace pour l'ordre public, puis il a rappelé également qu'un étranger pouvait être obligé de quitter le territoire français sans délai si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, menace qu'il avait ainsi considéré comme établie par le rappel des condamnations pénales de M. D.... Par suite le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté, sans que le requérant puisse faire utilement état de ce que l'arrêté en cause lui a été notifié par voie postale et non remis en mains propres, comme ce serait ordinairement le cas pour les obligations de quitter le territoire sans octroi d'un délai de départ volontaire.

12. Enfin, si M. D... conteste le bien-fondé de cette décision en faisant valoir qu'il justifierait de garanties de représentation et ne présenterait dès lors aucun risque de fuite, ce moyen n'est pas assorti de précisions de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

14. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, outre qu'il est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut en tout état de cause qu'être rejeté pour les motifs énoncés au point 8.

Sur la décision d'interdiction de retour en France pendant une durée de trente-six mois :

15. Il ressort du jugement attaqué qu'il n'a pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre de cette décision, et par suite le requérant est fondé à soutenir qu'il est, dans cette mesure, entaché d'irrégularité, et à en demander l'annulation en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre cette décision d'interdiction de retour en France pendant une durée de trente-six mois, qui constitue une décision distincte du refus de titre de séjour, et de l'obligation de quitter le territoire français.

16. Il appartient à la Cour, saisie par la voie de l'évocation, de se prononcer sur les conclusions de la demande de première instance de M. D... dirigées contre cette décision d'interdiction de retour en France pendant une durée de trente-six mois.

17. En premier lieu, il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet indique expressément que la durée de l'interdiction prononcée a été arrêtée au terme d'un examen d'ensemble de la situation de l'intéressé, en particulier concernant la durée de sa présence en France, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et de la menace qu'il représente pour l'ordre public. Ainsi, il énonce les critères pris en compte, et sur lesquels il s'est d'ailleurs antérieurement prononcé, explicitement, dans une motivation commune aux différentes décisions. Par ailleurs il retient également que, dans les circonstances de l'espèce, une durée d'interdiction de trente-six mois ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. De plus la motivation de la décision d'interdiction de retour n'a pas à distinguer les motifs justifiant le principe de l'interdiction prononcée de ceux justifiant sa durée. Ainsi le moyen tiré de son insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

18. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune illégalité, le requérant n'est, là encore, pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision d'interdiction temporaire de retour en France.

19. En troisième lieu, si M. D... soutient que cette décision ne serait pas justifiée dès lors qu'il ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, il ne conteste pas que, comme le relève le préfet de police dans l'arrêté attaqué, il a fait l'objet de deux condamnations pénales à des peines de prison pour des faits de vol en 2016, et d'une troisième condamnation pour des faits comparables en 2018, ainsi que d'une quatrième condamnation, à deux mois de prison, par jugement du 25 février 2021, antérieur de seulement trois mois à l'arrêté attaqué, pour violence sur personne chargée d'une mission de service public. Or, s'il fait valoir que ces différentes infractions, dont il ne conteste pas la matérialité, résulteraient de sa " grande précarité " ainsi que de sa " grande faiblesse psychologique " et de sa toxicomanie, qui serait désormais contrôlée, il n'est pas fondé, eu égard au caractère répétitif et récent des infractions en cause, à soutenir qu'il ne représenterait pas, à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique.

20. En quatrième lieu les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision d'interdiction temporaire de retour ne peuvent qu'être rejetés pour les motifs énoncés au point 8.

21. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs et pour ceux énoncés aux points 7 et 8, le requérant n'est pas fondé non plus à soutenir qu'il justifierait de circonstances exceptionnelles, tenant à son état de santé ou à sa situation personnelle.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, de la décision fixant le pays de destination, et de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. S'il est en revanche fondé à demander l'annulation pour irrégularité du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois, lesdites conclusions, examinées par la voie de l'évocation, ne peuvent néanmoins qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

23. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./ La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". Le présent arrêt n'impliquant pas que l'autorité administrative prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé ni ne se prononce à nouveau après une nouvelle instruction, les conclusions à fin d'injonction de la requête ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2112531/8-1 du 6 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision d'interdiction temporaire de retour sur le territoire français.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... devant les premiers juges, tendant à l'annulation de la décision d'interdiction temporaire de retour sur le territoire français sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

M-I. E...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22PA00406


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00406
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-20;22pa00406 ?
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