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28/03/2023 | FRANCE | N°22PA00204

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22PA00204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2101273 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la C

our :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 15 janvier 2022 et le 15 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2101273 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 15 janvier 2022 et le 15 février 2023, M. B..., représenté par Me Sidi-Aïssa, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans l'attente de cette délivrance, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de cet article L. 313-14 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 27 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm,

président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien, né le 1er octobre 1985 et entré en France, selon ses déclarations, en 2007, a sollicité, le 29 mai 2019, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par un arrêté du 22 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. B... fait appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.

2. En premier lieu, si le requérant reprend en appel ses moyens de première instance soulevés à l'encontre de la décision attaquée portant refus de titre de séjour et tirés de l'incompétence de son signataire et de l'insuffisance de sa motivation, il ne développe, toutefois, au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 et 3 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

4. D'une part, si M. B... soutient qu'il réside en France depuis 2007, à une date qu'il ne précise d'ailleurs pas, il ne produit aucune pièce au titre des années 2007 à 2011. Dans ces conditions, le requérant ne peut être regardé comme établissant sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée du 22 décembre 2020 portant refus de titre de séjour. L'autorité préfectorale n'était donc pas tenue de soumettre sa demande d'admission exceptionnelle au séjour à la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute de consultation de cette commission, la décision attaquée aurait été édictée au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

5. D'autre part, M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis 2007 et soutient qu'il vit en couple avec une ressortissante tunisienne, Mme A... F..., titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle en qualité de salariée, valable du 2 juillet 2019 au 1er juillet 2023, avec laquelle il a deux enfants nés en France, C... née le 18 avril 2014 et Malak née le 31 octobre 2020, et qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Il soutient également qu'il justifie d'une insertion sociale et professionnelle sur le territoire, notamment en occupant un emploi de " chef de chantier " auprès de la société " Arc Habitat ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, le requérant ne justifie pas de l'ancienneté et de la continuité de son séjour en France depuis 2007 et ne produit des pièces susceptibles d'établir sa présence sur le territoire que depuis l'année 2012. En tout état de cause, la circonstance qu'il justifierait d'une telle résidence habituelle depuis l'année 2007 ne constitue pas, à elle seule, un motif d'admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 précité. En outre, M. B... ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, l'ancienneté et la stabilité de la vie maritale dont il se prévaut et a même indiqué, dans ses écritures de première instance, qu'il " ne résidait pas continuellement avec sa compagne ". A cet égard, si ces pièces, notamment des factures ou courriers EDF ou des relevés bancaires, sont susceptibles d'établir une vie commune avec celle-ci entre les mois de

décembre 2013 et septembre 2015 à une adresse située à La Courneuve, le requérant ne fournit pour les années ultérieures, notamment pour la période entre l'année 2016 et le mois de juin 2020, aucun document attestant d'une telle vie commune ou d'une relation maritale. En particulier, les pièces fournies, notamment des récépissés de demande de titre de séjour, des quittances de loyers, des factures EDF, des relevés bancaires ou des documents d'ordre médical, font état d'un domicile de l'intéressé situé à Villemomble, puis à Noisy-le-Sec, sans que ces éléments ne puissent justifier de l'effectivité ou de la réalité d'une vie commune avec sa compagne au cours de cette période. De plus, à supposer même, par les quelques pièces qu'il produit pour la période postérieure au mois de juin 2020, notamment l'acte de naissance de sa seconde fille, une demande de réexpédition de courrier, quelques factures et un relevé de compte indiquant une adresse commune située à Asnières-sur-Seine, alors que d'autres pièces mentionnent toujours, de manière contradictoire, l'adresse de l'intéressé à Noisy-le-Sec, que M. B... puisse être regardé comme justifiant d'une reprise d'une vie commune avec la mère de ses enfants, l'intéressé, qui n'apporte aucun autre élément et, en particulier, aucune attestation ou témoignage de sa compagne, ne peut, en tout état de cause, se prévaloir à la date de la décision attaquée du 22 décembre 2020 portant refus de titre de séjour que d'une vie maritale de quelques mois avant l'intervention de cette décision. Par ailleurs, l'intéressé, qui ne démontre pas avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, notamment de sa fille C..., n'allègue pas qu'il serait dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine où, ainsi que le relève le préfet de la Seine-Saint-Denis sans être sérieusement contesté sur ce point, résident notamment ses parents et où lui-même a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans, ni, d'ailleurs, que sa compagne serait dans l'impossibilité de le rejoindre en Egypte, avec leurs enfants en bas âge, afin d'y poursuivre une vie familiale normale. Enfin, en se bornant à produire un certificat de travail du 22 juin 2017 de la société " Royal Renov " en qualité de " gérant ", au demeurant non signé, et un bulletin de salaire correspondant à cet emploi pour le mois de mai 2017 ainsi qu'un contrat de travail à durée indéterminée du 3 avril 2018 en qualité de " chef de chantier " auprès de la société " Arc Habitat ", des bulletins de salaire pour les mois d'avril 2018 à septembre 2019, de janvier à mars 2020 et de juillet à octobre 2020 ainsi qu'une demande d'autorisation de travail du 3 avril 2018 de cet employeur, le requérant ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle stable et ancienne en France, ni d'aucune qualification professionnelle particulière ou spécifique. Dans ces conditions, en estimant que M. B... ne pouvait, au titre de sa vie privée et familiale ou au titre d'une activité salariée, se prévaloir d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant son admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation personnelle de l'intéressé au regard de ces dispositions.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (....). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 et dès lors, notamment, que M. B... n'établit pas, ni n'allègue sérieusement d'ailleurs, l'ancienneté et la stabilité de la relation dont il se prévaut avec une ressortissante tunisienne, ni avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de leurs deux enfants, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de l'intéressé, ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles cette mesure a été prise ou comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants nés en France le 18 avril 2014 et le 31 octobre 2020. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la mesure d'éloignement en litige ne peut être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00204
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : BOUACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-28;22pa00204 ?
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