La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2023 | FRANCE | N°22PA05424

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 mai 2023, 22PA05424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente Villa les Tilleuls a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 par lequel le maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a refusé de lui délivrer un permis de construire un ensemble immobilier sur un terrain situé 7 rue de l'Ermitage à Montreuil.

Par un jugement n° 2112069 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée l

e 20 décembre 2022, la société civile de construction vente Villa les Tilleuls, représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente Villa les Tilleuls a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 par lequel le maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a refusé de lui délivrer un permis de construire un ensemble immobilier sur un terrain situé 7 rue de l'Ermitage à Montreuil.

Par un jugement n° 2112069 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2022, la société civile de construction vente Villa les Tilleuls, représentée par Me Tirard-Rouxel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2112069 du 20 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Montreuil du 28 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre à la Ville de Montreuil de lui délivrer le permis de construire demandé dans un délai de 15 jours sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Montreuil la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que le jugement a été signé par les personnes mentionnées à l'article

L. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont à tort retenu le moyen tiré de ce que le projet ne s'intègre pas harmonieusement avec son environnement, alors que la zone UC où il est établi est une zone densément construite et que ce projet, tant par sa hauteur que par son aspect extérieur, s'y intègre ;

- en écartant les autres moyens soulevés en première instance comme inopérants sans les examiner, les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit ;

- aucun des autres motifs opposés par la décision attaquée n'est justifié.

Un mémoire enregistré le 23 mars 2023, présenté pour la commune de Montreuil par Me Lubac postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 13 mars 2023 par une ordonnance du 23 février 2023, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Baysan substituant Me Tirard-Rouxell, représentant la société civile de construction vente Villa des Tilleuls,

- et les observations de Me Bas, substituant Me Lubac, représentant la commune de Montreuil.

Considérant ce qui suit :

1. Par un dossier déposé le 29 octobre 2020 et enregistré sous le numéro PC 93048 20 B0140, la société civile de construction vente Villa les Tilleuls a sollicité un permis de construire un ensemble immobilier sur un terrain situé 7, rue de l'Ermitage à Montreuil. Par un arrêté du 28 juin 2021, le maire de Montreuil a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. Elle a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 20 octobre 2022 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article

R. 741-7 du code de justice administrative auraient été méconnues manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. La décision relève en premier lieu que le projet ne respecte pas les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme du fait de son absence d'insertion dans le paysage, notamment du fait de la rupture d'échelle avec les bâtiments avoisinants et du traitement des façades latérales.

4. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes du III - 1 b) du règlement du plan local d'urbanisme (PLUi) d'Est Ensemble-Grand Paris, relatif à l'aspect extérieur des constructions : " Par leur volume, leur architecture, les matériaux employés, les couleurs, les constructions doivent être intégrées de manière harmonieuse dans le paysage urbain dans lequel elles sont situées./Tout projet peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions particulières si les constructions ou utilisations du sol concernées, par leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales./Il est recommandé que les extensions des constructions existantes prennent en compte le gabarit, le rythme des façades et l'organisation de la ou des construction(s) existantes dans un souci de bonne intégration architecturale et paysagère. " Selon le III-2 f) de ce règlement : " En cas de contiguïté du terrain d'opération avec un terrain sur lequel un élément de patrimoine de niveau de protection 1, 2 ou 3 identifié au titre de l'article L.151-19 du code de l'urbanisme, (...) il pourra être imposé une réduction de hauteur de 6 mètres maximum afin de favoriser l'insertion urbaine et architecturale du projet avec son environnement. ". Enfin, selon le III-1 b) du même règlement : " Les façades latérales et postérieures des constructions doivent être traitées avec le même soin que les façades principales ".

5. La société requérante soutient que l'environnement proche est mixte, et non pas composé de constructions pavillonnaires, que la zone UC est une zone de bâti dense, que les hauteurs des bâtiments permettent d'assurer une transition avec les constructions mitoyennes et que le traitement des façades, des pignons et la configuration des ouvertures sont adaptés à l'environnement proche.

6. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le projet en litige, notamment le bâtiment A de gabarit R+5, s'inscrit dans un environnement composé essentiellement de constructions individuelles, les immeubles collectifs en R+4 et R+5 étant situés à l'autre extrémité de la rue, les immeubles les plus proches situés au 13 et au 11 rue de l'Ermitage, identifiés sous les n° 4 et 5 des écritures de la société, ne dépassant pas une hauteur de R+3 et R+2 et ne disposant pas de balcons en débord et la construction située en face du projet, identifiée sous le n° 8, étant elle aussi d'une hauteur sensiblement inférieure. De plus, et quand bien même la partie contiguë à la maison en R+1 située au 5 rue de l'Ermitage, est en R+2+attique pour assurer une transition avec celle-ci, le gabarit du bâtiment s'élève ensuite en R+5, en rupture d'échelle avec cette maison et celle qui est repérée en tant que patrimoine remarquable de la ville de Montreuil. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans des pignons Nord et Sud du bâtiment A, que les façades latérales de ce bâtiment, enduites d'un ton blanc uniforme, avec un joint creux au niveau du plancher de chaque niveau du bâtiment, seront traitées avec moins de soin que la façade principale, qui comportera un revêtement en brique de parement et des baies. Il en résulte que c'est sans méconnaître les dispositions précitées que le maire de Montreuil a opposé ce motif à la demande de permis de construire.

7. En deuxième lieu, le jugement ne pouvait, ainsi qu'il l'a fait, rejeter la requête après avoir écarté le moyen tiré de ce que le projet s'insère dans le paysage en relevant que de ce fait les autres moyens de la demande étaient inopérants. En rejetant toutefois ces moyens comme inopérants, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une irrégularité, mais d'une erreur de droit.

8. En troisième lieu, la décision retient que le projet ne respecte pas les dispositions du III.1.g " conditions de desserte par les réseaux publics " du règlement du plan local d'urbanisme, lequel dispose que " La gestion des eaux pluviales à la source par infiltration et sans rejet vers le réseau d'assainissement doit être systématiquement recherchée jusqu'à une pluie d'occurrence décennale (aléa de référence en Seine-Saint-Denis) ".

9. Si la société appelante fait valoir que le dossier mentionne la réalisation de trois puits d'infiltration et affirme que le traitement de l'eau de pluie pourra se faire à la parcelle, ces seuls éléments ne sont pas de nature à remettre en cause le motif opposé par le maire de Montreuil, lequel, en se fondant sur l'avis de la Direction de l'eau et de l'assainissement de l'établissement public territorial Est Ensemble-Grand Paris, a reproché au projet l'absence d'information concernant d'une part, l'étude menée sur l'aptitude du sol à l'infiltration des eaux pluviales, d'autre part, les mesures envisagées pour éviter l'apport d'eaux pluviales au réseau d'assainissement et enfin, les mesures prévues pour limiter le débit de rejet au réseau d'assainissement des eaux pluviales n'ayant pu être gérées sur la parcelle, en particulier la solution technique mise en œuvre, la surface active du projet, le débit de fuite maximum et le volume de rétention estimée. Il en résulte que c'est à bon droit que le maire de Montreuil a opposé ce motif à la demande de permis de construire.

10. En quatrième lieu, la décision relève que l'emprise au sol du projet, laquelle est de 30,57% de la superficie du terrain, méconnait les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme selon lequel " dans la bande secondaire l'emprise au sol maximum est de 30% ".

11. Aux termes des dispositions de l'article R. 420-1 du code de l'urbanisme : " L'emprise au sol au sens du présent livre est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus. / Toutefois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu'ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements ". Le règlement du plan local d'urbanisme prévoit que l'emprise au sol des constructions " correspond à la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus. Elle est constituée de l'addition de tous les éléments bâtis figurant sur le terrain (constructions principales, constructions annexes). / Toutefois en sont exclues (...) / - les éléments d'infrastructure ne dépassant pas le terrain naturel de plus de 60 centimètres sont également exclus du calcul. ".

12. Si la commune soutient que le calcul de l'emprise au sol doit comprendre la surface des clôtures d'une hauteur supérieure à 0,60 mètre, il résulte toutefois des dispositions du code de l'urbanisme que sont applicables aux clôtures les seules dispositions du règlement d'un plan local d'urbanisme édictées spécifiquement pour régir leur situation. Dès lors, la décision contestée ne pouvait se fonder sur ce motif pour rejeter la demande de permis de construire.

13. En cinquième lieu, la décision mentionne que le projet méconnait les dispositions du III.1.d " performances énergétiques et environnementales " du règlement du plan local d'urbanisme selon lesquelles " La limitation maximale de la consommation énergétique doit être recherchée. Dans le cadre des projets de constructions ou de rénovation de constructions existantes, l'utilisation de matériaux biosourcés ou géosourcés sera privilégiée. ".

14. Quand bien même ces dispositions n'impliquent pas l'obligation d'emploi de tels matériaux, il est constant, comme le relève la décision, que le dossier ne comporte aucun élément permettant de vérifier que la possibilité d'un tel emploi aurait au moins été étudiée par les pétitionnaires. C'est donc à bon droit que ce motif a été opposé par la décision contestée.

15. En sixième lieu, aux termes du même III.1.d : " Pour les opérations de plus de 15 logements ou de plus de 900 m2 de surface de plancher de logements, il est exigé les certifications cumulatives suivantes : / Certificat NF Habitat HQE (Cerqual), BEE+ (Prestaterre), Habitat neuf (Promotelec) (ou équivalent aux certificats cités) ; / Labellisation Energie Positive de Réduction Carbone E+C- (niveau E3C1) (ou équivalent) pour la performance énergétique ; / Labellisation Effinature niveau " Pass " ou Biodiversity niveau " Base " (ou équivalent) pour la prise en compte de la biodiversité ".

16. Dès lors que la notice architecturale prévoit explicitement que les certifications qui sont prescrites par le plan local d'urbanisme, et qu'elle cite, seront réalisées, la décision ne pouvait s'opposer au projet en se bornant sans autre précision à relever qu'il n'est pas indiqué spécifiquement quelles sont les labellisations et certifications choisies.

17. En septième et dernier lieu, la décision fait enfin grief au projet de ne pas prendre en compte l'orientation d'aménagement et de programmation " habitat " et notamment son point 2 " qualité de l'habitat " s'agissant de l'aménagement des espaces extérieurs, de l'éclairage des parties communes et du développement des espaces à usage commun.

18. Une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs.

19. D'une part, la circonstance que le projet ne prévoit pas d'aménagement dans les espaces extérieurs n'est pas de nature à le rendre incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation précitée qui prévoit de " définir l'usage des différents espaces extérieurs (jardins partagés, espaces de jeux pour les enfants, espaces de repos...) et prévoir les aménagements adéquats " dès lors que le projet, qui comprend des jardins privatifs et un jardin commun non accessible, ne comporte pas d'espaces publics ouverts aux habitants. D'autre part, quand bien même il prévoirait des aménagements ne permettant que l'éclairage des cages d'escaliers, il n'est pas pour autant incompatible avec ladite orientation d'aménagement et de programmation qui prévoit seulement que " (...) l'éclairage naturel des parties communes sera également privilégié ". Enfin et en l'absence de toute précision dans la décision attaquée, n'est pas établie l'incompatibilité alléguée avec la disposition qui prévoit de " développer et intégrer dans le projet, dans la mesure du possible, des espaces à usages communs (buanderies, ateliers, salles de jeux...) ". L'incompatibilité alléguée avec l'orientation d'aménagement et de programmation " habitat " n'étant pas établie, la décision ne pouvait dès lors opposer ce motif.

20. Il résulte de ce qui précède, et quand bien même la décision ne pouvait se fonder, compte tenu de ce qui a été dit aux points 12, 16 et 19 du présent arrêt, sur les motifs tirés du caractère excessif de l'emprise au sol, de la méconnaissance du III.d.1 du règlement du plan local d'urbanisme relatif aux certifications des performances énergétiques et environnementales et de l'incompatibilité avec l'orientation d'aménagement et de programmation " habitat ", que le maire de Montreuil a pu, à bon droit, opposer les autres motifs mentionnés dans la décision pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité.

21. Il résulte de ce qui précède que la société civile de construction vente Villa les Tilleuls n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de la société civile de construction vente Villa les Tilleuls est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de construction vente Villa les Tilleuls et à la commune de Montreuil.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. A... J. LAPOUZADE

La greffière

C. POVSE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05424
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SCP TIRARD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-17;22pa05424 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award