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26/06/2023 | FRANCE | N°22PA02371

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 26 juin 2023, 22PA02371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2128480/2-2 du 25 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces compl

émentaires enregistrées les 23 et 24 mai 2022 et 31 mai 2023, M. C..., représenté par Me Simon, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2128480/2-2 du 25 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 23 et 24 mai 2022 et 31 mai 2023, M. C..., représenté par Me Simon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2128480/2-2 du 25 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Simon au titre l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation par son conseil à la part contributive de l'Etat, ou en cas de refus d'octroi de l'aide juridictionnelle, de lui verser la somme de 1 500 euros.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ait été adopté à l'issue d'une délibération collégiale ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur de fait ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur de fait ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur de fait ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

Par une décision du 24 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les observations de Me Champain, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant burkinabé né le 9 septembre 1989 et entré en France en 2004 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 5 août 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par jugement n° 2128480/2-2 du 25 avril 2022, dont M. C... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. M. C... a bénéficié depuis le 30 septembre 2017 d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade régulièrement renouvelé jusqu'au 10 avril 2020. Pour refuser à M. C... la délivrance d'un nouveau titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 juin 2021 qui précisait que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine le Burkina Faso eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé lui permettait de voyager sans risque. Il ressort des pièces médicales versées au dossier, en particulier du compte-rendu de consultation du 16 septembre 2021 du docteur A..., praticien hospitalier au sein du département de cardiologie de l'hôpital Lariboisière, postérieur à la décision contestée mais révélant une situation antérieure, que M. C..., qui souffre d'une myocardiopathie dilatée à coronaires saines et d'hypertension artérielle a été victime en décembre 2015 d'un accident vasculaire cérébral sylvien gauche d'origine cardio-embolique et que son état de santé nécessite la prise d'un traitement composé de cinq médicaments, l'Eliquis, un anticoagulant, le Bisoce, un bétabloquant, l'Ivabradine, un antiangoreux, le Cotriatec, un antihypertenseur et l'Inspra, un diurétique, ainsi qu'un suivi cardiaque régulier. Il ressort également du compte-rendu de bilan orthophonique établi le 4 avril 2021 par Mme B..., orthophoniste qui suit M. C... depuis décembre 2015, que son accident vasculaire cérébral a engendré des séquelles cognitives, des troubles de la mémoire ainsi que des troubles phasiques et attentionnels nécessitant une rééducation en orthophonie intensive ainsi qu'en remédiation cognitive, volet neurologique de l'orthophonie. M. C... soutient qu'il ne pourra accéder effectivement à un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine dès lors que les médicaments qui lui sont prescrits, à l'exception du Bisoce, ne sont pas disponibles au Burkina Faso et que, compte tenu du faible nombre d'orthophonistes exerçant dans son pays d'origine, il ne pourra bénéficier d'un suivi spécialisé en remédiation cognitive. Ainsi que le fait valoir le requérant, il ressort des pièces du dossier que les molécules composant l'Eliquis, l'Ivabradine, le Cotriatec, l'Inspra et le Contramal ne figurent pas sur la liste nationale des médicaments essentiels de 2020 établie par l'Agence nationale de régulation pharmaceutique du Burkina Faso. Toutefois, il ressort de cette même liste que d'autres médicaments appartenant aux mêmes familles thérapeutiques y sont inscrits alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le traitement prescrit à l'intéressé ne pourrait faire l'objet de substitution. En revanche, il ressort également des pièces du dossier que le Burkina Faso ne dispose que de huit orthophonistes et que la discipline y est encore très peu développée alors qu'il ressort du compte-rendu de bilan orthophonique du 16 février 2022, postérieur à la décision en litige mais révélant un état de fait antérieur, que si l'état de santé de M. C... a connu une évolution favorable, des séquelles invalidantes persistent. Par suite, compte tenu de la persistance de séquelles invalidantes, de la nécessité pour l'intéressé de poursuivre sa rééducation auprès d'un orthophoniste spécialisé en remédiation cognitive au Burkina Faso, le requérant est fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement doivent également être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 5 août 2021 du préfet de police.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. D... C... le titre de séjour sollicité. Par suite, il y a lieu, d'enjoindre au préfet de police ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. D... C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Simon, conseil de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2128480/2-2 du 25 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 5 août 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Simon, conseil de M. C... la somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Simon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2023.

La rapporteure,

A. COLLET Le président,

F HO SI FAT

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02371
Date de la décision : 26/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SIMON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-26;22pa02371 ?
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