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06/07/2023 | FRANCE | N°22PA03177

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 22PA03177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle le maire de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) a décidé de préempter un bien immobilier situé 64 avenue de la Paix.

Par un jugement n° 2106408 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Mathieu, demande à la Cour :

1°) d'a

nnuler le jugement n° 2106408 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle le maire de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) a décidé de préempter un bien immobilier situé 64 avenue de la Paix.

Par un jugement n° 2106408 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Mathieu, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106408 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 8 janvier 2021 du maire de Tremblay-en-France ;

3°) de prescrire les mesures qu'implique nécessairement l'annulation de la décision de préemption ;

4°) d'enjoindre à la commune de s'abstenir de revendre le bien illégalement préempté à un tiers ;

5°) d'enjoindre à la commune de lui proposer d'acquérir le bien aux conditions et prix mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner ;

6°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée, ne pouvait se fonder légalement sur la délibération du 17 décembre 2020 ;

- la décision de préemption ne mentionne pas que le maire était absent ou empêché ;

- le maire n'était ni absent ni empêché ;

- la décision contestée aurait pu être prise dès le 7 décembre 2020 ;

- il n'est pas rapporté la preuve que la délibération du 1er février 2006 relative au renforcement du droit de préemption urbain à Tremblay-en-France, qui n'est pas motivée, a été affichée en mairie durant un mois ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la commune ne justifie pas de la réalité du projet ;

- l'intérêt général suffisant n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2022, la commune de Tremblay-en-France, représentée par Me Peru, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société civile de placement immobilier Buroboutic qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Mathieu, représentant M. B...,

- et les observations de Me Pasquio substituant Me Peru, représentant la commune de Tremblay-en-France.

.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 8 janvier 2021, le maire de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) a préempté un bien immobilier constitué des lots n° 3, n° 4 et n° 5 situés sur la parcelle cadastrée AT164, avenue de la Paix à Tremblay-en-France. M. B..., qui s'était porté acquéreur de ce bien, a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler cette décision ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux notifié le 3 mars 2021.M. B... relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ". L'article L. 210-1 du même code dans sa version alors en vigueur dispose que : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l'adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) ".

3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 211-4 du même code dans sa version alors en vigueur : " Ce droit de préemption n'est pas applicable : / a) A l'aliénation d'un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel et d'habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d'un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite du partage total ou partiel d'une société d'attribution, soit depuis dix années au moins dans les cas où la mise en copropriété ne résulte pas d'un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au fichier immobilier constituant le point de départ de ce délai ; / b) A la cession de parts ou d'actions de sociétés visées aux titres II et III de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 et donnant vocation à l'attribution d'un local d'habitation, d'un local professionnel ou d'un local mixte et des locaux qui lui sont accessoires ; / c) A l'aliénation d'un immeuble bâti, pendant une période de quatre ans à compter de son achèvement. / Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit. ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 214-1 du même code dans sa version alors en vigueur : " Le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux. / A l'intérieur de ce périmètre, sont également soumises au droit de préemption visé à l'alinéa précédent les aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés. ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points précédents que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

6. En premier lieu, la préemption contestée ne portait pas sur des fonds de commerce mais sur des locaux commerciaux, au demeurant vacants ainsi que le relève l'avis donné par le directeur départemental des finances publiques. Elle a dès lors pu légalement se fonder sur les dispositions des articles L. 210-1 et L. 211-1 du code de l'urbanisme et non sur celles de l'article L. 214-1 du même code.

7. En deuxième lieu, la décision a été prise le 7 janvier 2021 par Mme D... dont il n'est pas contesté qu'elle disposait à cette date, seule date à laquelle s'apprécie la légalité de l'acte, d'une délégation consentie à cette fin par un arrêté du 22 décembre 2020. De plus, outre que cette décision n'avait pas à mentionner que le maire était absent ou empêché, M. B... n'établit pas par les documents produits que le jour de la signature, le maire n'était ni absent ni empêché.

8. En troisième lieu, M. B... soutient que la décision ne pouvait être légalement prise sur le fondement de la délibération du 1er février 2006 instituant le droit de préemption urbain renforcé sur le territoire de la commune dès lors qu'il n'est pas établi que cette délibération était entrée en vigueur faute d'avoir été affichée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. L'illégalité de l'acte instituant un droit de préemption peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision de préemption. Toutefois, cet acte, qui se borne à rendre applicables dans la zone qu'il délimite les dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de ce droit, sans comporter lui-même aucune disposition normative nouvelle, ne revêt pas un caractère réglementaire et ne forme pas avec les décisions individuelles de préemption prises dans la zone une opération administrative unique comportant un lien tel qu'un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l'exception les illégalités qui l'affecteraient, alors qu'il aurait acquis un caractère définitif.

10. Il ressort des pièces du dossier que le droit de préemption urbain renforcé a été institué par la délibération n° 06-09 du conseil municipal du 1er février 2006. Cette délibération a été affichée le 2 février 2006 pour une durée de deux mois ainsi que l'établit l'attestation de

Mme C... E..., directrice générale adjointe des services dont la délégation n'excluait pas l'exercice de cette compétence et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, le seul écoulement du temps depuis l'affichage n'étant pas de nature à remettre en cause la réalité de l'affichage.

11. En quatrième lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée ne peut qu'être écarté pour les motifs retenus au point 12 du jugement contesté.

12. En cinquième lieu, le rapport de motivation annexé à la décision contestée relève que la commune a engagé, antérieurement à cette décision, une opération de requalification commerciale en centre-ville et que, dans le quartier de la gare situé non loin du bien préempté, la commune prévoit de revaloriser le centre commercial qui fonctionne actuellement en copropriété structurée autour de l'enseigne Carrefour Market, que la galerie commerciale à l'abandon est en cours de démolition et que le projet prévoit de réimplanter un linéaire de commerces-services en façade des nouveaux immeubles à venir en lieu et place d'un ancien hôtel-restaurant démoli en 2009. Une des orientations de l'axe " une ville active " du projet d'aménagement et de développement durables de la commune est notamment de maintenir les pôles de proximité en poursuivant la valorisation du tissu commercial, en consolidant les commerces existants et en développant de nouveaux commerces. L'orientation particulière d'aménagement " Secteur gare - centre ville - Pasteur " prévoit quant à elle que la fonction commerciale de ce secteur doit être revalorisée. Enfin, la commune a décidé de préempter d'autres lots aux mêmes fins, ainsi qu'en atteste la délibération du 15 décembre 2020. Le moyen tiré de ce que la réalité du projet ne serait pas établie ne peut dans ces conditions qu'être écarté.

13. En dernier lieu, le moyen tiré de l'absence d'intérêt général suffisant de l'opération est dépourvu de précision permettant d'en apprécier la portée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Tremblay-en-France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de

M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Tremblay-en-France.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Tremblay-en-France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Tremblay-en-France et à la société civile de placement immobilier Buroboutic.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière

C. POVSE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03177
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL GAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-06;22pa03177 ?
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