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19/10/2023 | FRANCE | N°22PA05507

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 octobre 2023, 22PA05507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Goncourt 3 Arpents a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle le président de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a exercé son droit de préemption sur un terrain situé 1/3 rue des Quinze-Arpents à Orly (Val-de-Marne) ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001007 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Goncourt 3 Arpents a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle le président de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a exercé son droit de préemption sur un terrain situé 1/3 rue des Quinze-Arpents à Orly (Val-de-Marne) ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001007 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés les 27 décembre 2022, 14 avril 2023 et 12 mai 2023, la société Goncourt 3 arpents, représentée par Me Claude, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001007 du 27 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 30 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- il a omis de répondre, ou, à tout le moins, a répondu de manière insuffisante, aux moyens tirés de ce que l'Etablissement public foncier d'Île-de-France ne justifie pas de l'obtention de l'avis du service des Domaines et de ce que la motivation de la décision est contradictoire et stéréotypée ;

- il n'a pas examiné les moyens tirés de l'absence de transmission de la décision au contrôle de légalité, de la contrariété des motifs de la décision, de l'absence de références au bien préempté, de l'absence de description du projet et de l'impossibilité de vérifier s'il répond à un objectif d'intérêt général ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- la délibération du 20 mars 2019 de l'établissement public d'aménagement d'Orly Rungis-Seine amont délégant l'exercice du droit de préemption à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France n'était pas exécutoire ;

- l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a demandé à visiter le bien le 21 juin 2019 alors qu'il n'était pas encore titulaire du droit de préemption ;

- l'Etablissement public foncier d'Île-de-France n'a pas justifié avoir été en possession de l'avis du service des Domaines avant de prendre la décision et n'établit pas en tout état de cause avoir bénéficié d'un délai suffisant pour en prendre connaissance utilement ;

- la décision de préemption est tardive ;

- la décision est insuffisamment motivée et comporte des motifs contradictoires ;

- la réalité du projet n'est pas établie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 février, 3 et 17 mai 2023, l'Etablissement public foncier d'Île-de-France, représenté par Me Lherminier, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit mis à la charge de la société Goncourt 3 Arpents le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que cette dernière soit condamnée aux entiers dépens.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Bizet substituant Me Claude, représentant la société Goncourt 3 Arpents,

- et les observations de Me Gautier substituant Me Lherminier, représentant l'Etablissement public foncier d'Île-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 30 juillet 2019, l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a décidé d'exercer son droit de préemption sur la parcelle cadastrée section A n° 221 appartenant à la société Goncourt 3 Arpents à Orly (Val-de-Marne). Cette dernière relève appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de première instance de la société requérante, que cette dernière avait explicitement soulevé le moyen tiré de l'absence de transmission de la décision de préemption au contrôle de légalité. Quand bien même elle l'avait soulevé au regard de la tardiveté de la décision de préemption et des dispositions du 4°) de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, elle avait cependant relevé que la décision de préemption n'était pas devenue exécutoire en l'absence de la justification de la transmission au contrôle de légalité. En ne répondant pas à ce moyen, alors qu'il l'avait au demeurant visé, le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer. Il doit en conséquence être annulé.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les demandes de la société Goncourt 3 Arpents tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la procédure de renouvellement de la zone d'aménagement différé :

4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " Des zones d'aménagement différé peuvent être créées, par décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, sur proposition ou après avis de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale ayant les compétences visées au second alinéa de l'article L. 211-2. Les zones urbaines ou d'urbanisation future délimitées par un plan d'occupation des sols rendu public ou un plan local d'urbanisme approuvé et comprises dans un périmètre provisoire de zone d'aménagement différé ou dans une zone d'aménagement différé ne sont plus soumises au droit de préemption urbain institué sur ces territoires. / En cas d'avis défavorable de la commune ou de l'établissement public compétent, la zone d'aménagement différé ne peut être créée que par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 212-2 du même code dans sa version alors en vigueur : " Dans les zones d'aménagement différé, un droit de préemption, qui peut être exercé pendant une période de six ans renouvelable à compter de la publication de l'acte qui a créé la zone, sous réserve de ce qui est dit à l'article L. 212-2-1, est ouvert soit à une collectivité publique ou à un établissement public y ayant vocation, soit au concessionnaire d'une opération d'aménagement. / L'acte créant la zone désigne le titulaire du droit de préemption. ". Aux termes de l'article R. 212-2 du même code dans sa version alors en vigueur : " La décision créant une zone d'aménagement différé fait l'objet : / a) D'une publication au Journal officiel de la République française s'il s'agit d'un décret ; / b) D'une publication au recueil des actes administratifs du ou des départements intéressés s'il s'agit d'un arrêté. / Mention en est insérée dans deux journaux publiés dans le ou les départements concernés. Une copie de la décision créant la zone d'aménagement différé et un plan précisant le périmètre de cette zone sont déposés à la mairie de chacune des communes concernées. / Les effets juridiques attachés à la création de la zone ont pour point de départ, dans le cas prévu au a) ci-dessus, la publication au Journal officiel et, dans les autres cas, l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées ci-dessus. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué. / (...). ".

5. L'acte de création d'une zone d'aménagement différé, qui rend applicable au sein de cette zone les dispositions du code de l'urbanisme qui régissent l'exercice du droit de préemption, constitue une base légale des décisions de préemption prises dans son périmètre. L'illégalité de cet acte est, par suite, susceptible d'être utilement invoquée au soutien de conclusions dirigées contre une décision de préemption. Toutefois, cet acte, qui ne revêt pas un caractère réglementaire, ne forme pas avec les décisions individuelles de préemption prises dans la zone une opération administrative unique comportant un lien tel que les illégalités qui l'affecteraient pourraient, alors même qu'il aurait acquis un caractère définitif, être régulièrement invoquées par la voie de l'exception si aucun recours n'a été formé avant l'expiration des délais contentieux.

6. Le décret n° 2011-1131 du 21 septembre 2011 portant création de la zone d'aménagement différé dans le secteur dit " B... " sur les communes d'Orly et de Thiais (Val-de-Marne), publié au Journal officiel de la République française du 22 septembre 2011, délimite ladite zone et prévoit que l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine amont est désigné comme titulaire du droit de préemption. L'arrêté du 11 septembre 2015 mentionnant les voies et délais de recours, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne n° 418 du 30 septembre 2015 et dans deux journaux du 17 septembre 2015 et affiché dans les mairies d'Orly et de Thiais, renouvelle la zone d'aménagement différé pour une durée de 6 ans et désigne l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine amont comme titulaire du droit de préemption. Dans ces conditions, l'arrêté préfectoral procédant au renouvellement de la zone d'aménagement différé dont s'agit a acquis un caractère définitif à la date à laquelle la requête de la société Goncourt 3 Arpents a été enregistrée. Par suite, la société requérante ne saurait utilement soulever, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de préemption du 30 juillet 2019, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 11 septembre 2015 renouvelant la zone d'aménagement différé dans le secteur de B....

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

7. Aux termes des dispositions de l'article R. 321-18 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " I.- Les délibérations du conseil d'administration et du bureau des établissements publics fonciers de l'Etat et des établissements publics d'aménagement relatives (...) à l'exercice du droit de préemption ou de priorité ainsi que les décisions du directeur général prises pour l'exercice de ce droit sont transmises au préfet compétent et sont soumises à son approbation. (...) / III.- Les délibérations mentionnées au présent article sont exécutoires dans les conditions prévues à l'article R* 321-19 (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 321-19 du même code : " II.- Toutefois, les délibérations du conseil d'administration ou du bureau et les décisions du directeur général relatives à l'exercice du droit de préemption ou de priorité sont exécutoires de plein droit dès leur transmission au préfet compétent si l'exercice par l'établissement du droit de préemption ou de priorité est prévu dans une convention mentionnée aux articles L. 321-1 et L. 321-14, qu'il a préalablement approuvée. Lorsque l'exercice par l'établissement du droit de préemption ou de priorité n'est pas prévu par une de ces conventions, l'absence de rejet ou d'approbation expresse des délibérations ou décisions susmentionnées dans le délai de dix jours après réception vaut approbation tacite. ". L'article 6 de la convention d'intervention foncière signée le 23 novembre 2009 modifiée entre la commune de Thiais, la commune d'Orly, l'établissement public d'aménagement Orly-Rungis Seine amont et l'établissement public foncier d'Île-de-France, stipule que l'établissement public foncier d'Île-de-France " procédera aux acquisitions et évictions, soit par négociation amiable, soit par délégation du droit de préemption des communes ou de l'EPA ORSA, soit par voie d'expropriation ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 11 septembre 2015 devenu définitif a renouvelé la zone d'aménagement différé pour une nouvelle période de six ans et l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine amont a été désigné comme titulaire du droit de préemption. Contrairement à ce que soutient la société requérante, cette désignation doit nécessairement être regardée comme renouvelant également l'instauration du droit de préemption pour la période de prolongation et son exercice par l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine amont.

9. Outre que les dispositions précitées du II de l'article R. 321-19 du code de l'urbanisme n'ont pas entendu exclure de leur champ d'application les décisions délégant l'exercice du droit de préemption, il ressort des pièces du dossier que par une délibération CA43-2019-08 de son conseil d'administration du 20 mars 2019, l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine amont a délégué à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France le droit de préemption dont il est titulaire sur la zone d'aménagement différé de B... jusqu'au 31 décembre 2025 pour certaines parcelles identifiées sur le plan joint à cette délibération, dont fait partie celle cadastrée section A n° 221. Selon le compte-rendu du conseil d'administration du même jour, qui mentionne les membres présents, le quorum était atteint lors de l'adoption de la délibération. Par ailleurs, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le 12 juin 2019, les services de la préfecture ont attesté avoir reçu la " délibération DPU du 20 mars 2019 " et que le 14 juin 2019, elle a été approuvée par le préfet ainsi que l'atteste un courrier électronique du même jour et est donc alors devenue exécutoire, ni la circonstance que la transmission a été effectuée par un simple courrier électronique ni qu'elle a été effectuée par un agent de Grand Paris aménagement ni l'absence de date d'approbation par le préfet sur cette délibération ne sont de nature à remettre en cause son caractère exécutoire, lequel était établi, ainsi qu'il a été dit, le 14 juin 2019. En outre, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la région d'Île-de-France, compétent au titre du contrôle de légalité des actes de l'établissement public foncier d'Île-de-France, a approuvé la convention du 23 novembre 2009 ainsi que la délibération du 28 novembre 2017 approuvant l'avenant n° 4 à la convention d'intervention foncière et visant ses précédents avenants des 2 mai 2012, 4 juillet 2013 et 21 novembre 2014.

10. Enfin, il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 8 octobre 2015, le conseil d'administration de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a délégué à son directeur général l'exercice des droits de préemption et de priorité dont il est titulaire ou délégataire. Il résulte, par ailleurs, de l'article 14 de son règlement intérieur institutionnel que son directeur général est notamment compétent pour procéder au nom de cet établissement aux acquisitions foncières ainsi qu'aux opérations immobilières et foncières par exercice du droit de préemption. Il est constant, enfin, et ainsi qu'il a été dit, que l'acte créant la zone d'aménagement différé a été renouvelée pour une nouvelle période de 6 ans par un arrêté du préfet du Val-de-Marne du 11 septembre 2015 devenu définitif et que par une délibération alors exécutoire à la date de la décision de préemption contestée, l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine amont avait délégué l'exercice du droit de préemption à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France.

En ce qui concerne le délai de préemption :

11. Aux termes des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. Le notaire la transmet aux titulaires de droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage, aux personnes bénéficiaires de servitudes, aux fermiers et aux locataires mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article D. 213-13-1 du même code : " La demande de la visite du bien prévue à l'article L. 213-2 est faite par écrit. / Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25. / Le délai mentionné au troisième alinéa de l'article L. 213-2 reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire. ". Aux termes des dispositions de l'article D. 213-13-2 du même code : " L'acceptation de la visite par le propriétaire est écrite. / Elle est notifiée au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. / La visite du bien se déroule dans le délai de quinze jours calendaires à compter de la date de la réception de l'acceptation de la visite, en dehors des samedis, dimanches et jours fériés. / Le propriétaire, son mandataire ou le notaire est tenu d'informer de l'acceptation de la visite les occupants de l'immeuble mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. / Un constat contradictoire précisant la date de visite et les noms et qualité des personnes présentes est établi le jour de la visite et signé par le propriétaire ou son représentant et par le titulaire du droit de préemption ou une personne mandatée par ce dernier. / L'absence de visite dans le délai prévu au troisième alinéa vaut soit refus de visite, soit renonciation à la demande de visite. Dans ce cas, le délai suspendu en application du quatrième alinéa de l'article L. 213-2 reprend son cours. ". Aux termes des dispositions de l'article D. 213-13-3 du même code : " Le propriétaire peut refuser la visite du bien. / Le refus est notifié au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. En l'absence de réponse dans ce délai, le refus est tacite. ".

12. Il résulte de ces dispositions que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois, éventuellement prorogé dans les conditions mentionnées ci-dessus, imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.

13. Il ressort des pièces du dossier que le notaire de la société Goncourt 3 Arpents a adressé une déclaration d'intention d'aliéner qui a été reçue en mairie d'Orly le 30 avril 2019. Par des courriers signés par le directeur général du 21 juin 2019 et adressés au notaire et au propriétaire préempté, qui les ont reçus, chacun pour ce qui le concerne, le 24 juin suivant soit dans le délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, l'Etablissement public foncier d'Île-de-France, qui avait alors régulièrement reçu délégation pour exercer le droit de préemption ainsi qu'il a été dit précédemment, a demandé le 21 juin 2019 à visiter le bien afin de pouvoir procéder à son évaluation et a désigné Mme A... comme la personne à qui la réponse devait parvenir. La réponse de la société Goncourt 3 Arpents par un courrier du 3 juillet 2019 acceptant la demande de visite du bien ayant été apportée à l'expiration du délai de huit jours prévu par les dispositions précitées de l'article D. 213-13-3 du code de l'urbanisme, une décision implicite de refus doit alors être regardée comme étant intervenue à compter du 2 juillet 2019. L'Etablissement public foncier d'Île-de-France disposait, dans ces conditions, d'un délai d'un mois, à compter de cette dernière date, pour notifier sa décision, soit jusqu'au 2 août 2019, date à laquelle elle a effectivement été signifiée au notaire et au propriétaire préempté, cette décision étant devenue exécutoire du fait de sa transmission au préfet le 31 juillet 2019 ainsi qu'il ressort du cachet porté sur elle. Par suite, le moyen tiré de la tardiveté de la décision contestée doit être écarté. Enfin, la circonstance que le procès-verbal contradictoire de la visite effectuée le 22 juillet 2019, qui ne fait pas grief et qui n'était pas au surplus obligatoire compte tenu du refus tacite intervenu à la demande de visite, soit signé, pour l'Etablissement public foncier d'Île-de-France, par Mme A..., dont il ressort au demeurant des pièces du dossier qu'elle est chef de projets fonciers au sein de cet établissement, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

En ce qui concerne l'avis du service des Domaines :

14. Aux termes des dispositions de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. / Dans les zones d'aménagement différé les périmètres provisoires de zone d'aménagement différé et dans les secteurs ayant fait l'objet de la délibération prévue par le dernier alinéa de l'article L. 211-4, le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être consulté, quel que soit le prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner. / L'avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales : " Les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article L. 1311-10 doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis de l'autorité compétente de l'Etat lorsqu'ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. ". L'article L. 1311-10 du même code dispose que : " Ces projets d'opérations immobilières comprennent : (...) / 2° Les acquisitions à l'amiable, par adjudication ou par exercice du droit de préemption, d'immeubles (...) ". L'article L. 1311-12 du même code dispose que : " L'avis de l'autorité compétente de l'Etat est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité. ".

15. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'avis de la direction nationale d'interventions domaniales, qui mentionne que la demande d'avis a été enregistrée le 19 juin 2019 et que la visite du bien a eu lieu le 22 juillet 2019, date à laquelle le dossier était " en état ", a été donné le 29 juillet 2019. Quand bien même cette date n'est pas mentionnée sur la décision en litige, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause sa réception par l'Etablissement public foncier d'Île-de-France antérieurement à la décision et n'établit pas plus que le délai entre sa réception par l'autorité préemptrice et l'édiction de la décision aurait été insuffisant, précision étant faite au demeurant que l'Etablissement public foncier d'Île-de-France pouvait librement procéder à l'acquisition dès lors que ledit avis avait été donné postérieurement au délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 213-21.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme :

16. Aux termes des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 300-1 du même code dans sa version alors en vigueur : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. (...) ".

17. Tout d'abord, lorsque la décision par laquelle une collectivité exerce le droit de préemption dont elle est titulaire a pour objet la constitution de réserves foncières dans une zone d'aménagement différé, l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme n'exige pas que cette décision fasse référence à un projet précis d'action ou d'opération d'aménagement mais permet qu'il soit seulement fait état des motivations générales de l'acte créant la zone.

18. Après avoir visé notamment le décret n° 2011-1131 du 21 septembre 2011 portant création d'une zone d'aménagement concerté différé dans le secteur dit " B... " sur les communes d'Orly et de Thiais, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 11 septembre 2015 renouvelant la zone d'aménagement différé, les obligations induites par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, les orientations du schéma directeur de la région Île-de-France en faveur de la densification du tissu urbain, l'objectif fixé par l'article 1er de la loi n° 2010-597 relative au Grand Paris de construire 70 000 logements dans la région et le programme pluriannuel 2016-2020 de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France se fixant comme objectif prioritaire la contribution à l'augmentation de la production de logements, la décision mentionne que la parcelle en cause est par ailleurs le support d'un projet urbain plus global à l'échelle de la zone B... porté par les collectivités locales et l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine amont, aménageur du secteur. Cette motivation, qui n'est pas stéréotypée, fait ainsi apparaître la nature du projet. Elle est dans ces conditions suffisamment motivée, le caractère suffisant de la motivation étant indépendant du bien-fondé des motifs et de leur éventuelle contradiction.

19. De plus, il ressort notamment des motifs du décret n° 2011-1131 du 21 septembre 2011 portant création de la zone d'aménagement différé de B... et auquel se réfère la décision contestée, que ce secteur est identifié comme un périmètre stratégique dans la restructuration urbaine du pôle d'Orly-Rungis compte tenu de sa situation géographique, de sa superficie et de son potentiel de densification et de développement, que les grandes orientations urbaines à y mettre en œuvre ont fait l'objet d'études de définition dans le cadre de l'opération d'intérêt national Orly-Rungis-Seine amont pour l'élaboration d'un schéma de référence de sorte que le secteur présente, en raison de sa taille, un fort potentiel de revalorisation urbaine, que l'interconnexion entre la ligne C du réseau express régional et la ligne 14 du réseau métropolitain à la gare de Pont de Rungis, prévue dans le cadre du réseau de transport du Grand Paris, constituera une desserte de premier ordre de ce secteur et conduira à intensifier son développement urbain et à accueillir, le cas échéant, de nouveaux équipements d'intérêt métropolitain. Il ne ressort de ces considérations aucune contradiction avec les mentions de la décision selon laquelle l'objectif est de créer des logements. La convention d'intervention foncière signée le 23 novembre 2009 entre la commune d'Orly, la commune de Thiais, l'établissement public Orly-Rungis Seine Amont et l'établissement public foncier d'Île-de-France, et renouvelée depuis, est destinée à constituer des réserves foncières suffisantes en vue de son aménagement futur. Outre que l'étude de conception urbaine datée du 31 mai 2017 mentionne que la zone B... est destinée à créer un nouveau pôle urbain destiné à accueillir une gare d'envergure ainsi qu'une zone résidentielle pour devenir le réceptacle de la mutation de la commune d'Orly, le document du comité de pilotage de l'établissement public Orly-Rungis Seine Amont du 11 avril 2018 définissant la stratégie urbaine et opérationnelle classe la parcelle en zone résidentielle et dans le quartier de gare mixte, ce dernier ayant vocation à accueillir des logements, et le document intitulé " prise d'initiative B... " du conseil d'administration de ce même établissement public du 12 juillet 2018 inclut cette parcelle en zone résidentielle.

20. En outre, ni la circonstance que le secteur en cause est affecté actuellement à des activités économiques d'entreposage ni les allégations non étayées sur le coût induit par les opérations de mutation de cette parcelle, ne sont de nature à remettre en cause l'objectif d'intérêt général suffisant auquel répond la décision de préemption.

21. Enfin, en se bornant à soutenir que le projet serait situé en zone UF du plan local d'urbanisme dont le règlement prohiberait les constructions à usage d'habitation sauf si elles sont directement liées au fonctionnement des activités économiques, la société n'établit pas que le projet serait irréalisable, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle est désormais classée en zone UJS dont elle ne soutient pas que son règlement opposerait une même incompatibilité. En outre, rien ne s'oppose à ce que les caractéristiques précises du projet soient définies ultérieurement ou à ce que le plan local d'urbanisme puisse faire l'objet d'une mise en compatibilité pour permettre de prendre en compte l'objectif d'intérêt général poursuivi par le projet.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Goncourt 3 Arpents n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 30 juillet 2019 par laquelle le président de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a exercé son droit de préemption sur un terrain situé 1/3 rue des Quinze-Arpents à Orly ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

23. L'Etablissement public foncier d'Île-de-France n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Goncourt 3 Arpents tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Goncourt 3 Arpents le versement d'une somme de 1 500 euros à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France au titre de ces mêmes dispositions.

Sur les dépens :

24. La présente instance ne comportant aucun dépens, les conclusions relatives aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001007 du 27 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Goncourt 3 Arpents devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France relatives aux dépens sont rejetées.

Article 4 : La société Goncourt 3 Arpents versera une somme de 1 500 euros à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié la société Goncourt 3 Arpents et à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05507
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-19;22pa05507 ?
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