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19/10/2023 | FRANCE | N°23PA02072

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 octobre 2023, 23PA02072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Green city immobilier a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel le maire de la commune de Livry-Gargan a refusé de lui délivrer un permis de construire n° PC 093 046 21 C0039 pour la démolition de deux maisons individuelles et la construction d'un immeuble d'habitation comprenant trente-huit logements et l'édification d'une clôture sur rue, sur un terrain sis 10 à 12 rue Denis Papin et 7 boulevard de l'Europe, et d'enjoindre au maire de

cette commune de lui délivrer le permis sollicité ou, à titre subsidiaire,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Green city immobilier a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel le maire de la commune de Livry-Gargan a refusé de lui délivrer un permis de construire n° PC 093 046 21 C0039 pour la démolition de deux maisons individuelles et la construction d'un immeuble d'habitation comprenant trente-huit logements et l'édification d'une clôture sur rue, sur un terrain sis 10 à 12 rue Denis Papin et 7 boulevard de l'Europe, et d'enjoindre au maire de cette commune de lui délivrer le permis sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2117506 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du maire de la commune de Livry-Gargan du 27 octobre 2021 et lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité par la société Green city immobilier, le cas échéant en l'assortissant de prescriptions spéciales relatives aux coloris du socle du bâtiment, dans le délai d'un mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2023 et un mémoire enregistré le 1er septembre 2023, la commune de Livry-Gargan, représentée par Me Gorand (Selarl Juriadis), demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2117506 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) à titre subsidiaire, d'une part, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il lui a enjoint " de délivrer le permis de construire sollicité et, le cas échant en l'assortissant de prescriptions spéciales relatives aux coloris du socle du bâtiment " dans le délai d'un mois, et, d'autre part, de limiter les conséquences de cette annulation à une injonction de procéder à un nouvel examen du dossier de permis de construire ;

3°) de rejeter la demande de la société Green city immobilier présentée devant le tribunal administratif de Montreuil ;

4°) de mettre à la charge de la société Green city immobilier le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'erreurs d'appréciation, dès lors que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu préserver le tissu pavillonnaire, et une transition urbaine architecturale maîtrisée et qualitative, tandis que le projet s'implante au sein d'un vaste secteur pavillonnaire et à proximité d'un espace libre paysager dont la préservation est essentielle et porte ainsi atteinte aux lieux avoisinants ;

- il est nécessaire d'opérer une substitution de motifs, fondée sur l'atteinte à la sécurité publique et la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de l'article UA 1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article 4 de l'arrêté du 31 janvier 1986 ;

- l'état d'avancement du plan local d'urbanisme intercommunal du Grand Est Parisien constitue une circonstance de fait et de droit nouvelle justifiant une nouvelle instruction de la demande de permis de construire, ce qui doit conduire à l'annulation de l'injonction de délivrance dudit permis.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 juin 2023 et le 5 septembre 2023, la société Green city immobilier, représentée par Me Courrech (Cabinet Courrech et associés) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 4 000 euros à la charge de la commune de Livry-Gargan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Akli, substituant Me Gorand, avocat de la commune de Livry-Gargan et de Me Morisseau, substituant Me Courrech, avocat de la société Green city immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. La société Green city immobilier a demandé le 7 mai 2021 l'autorisation de démolir deux maisons individuelles, de construire un immeuble d'habitation comprenant 38 logements et d'édifier une clôture sur rue, sur un terrain sis 10 à 12 rue Denis Papin et 7 boulevard de l'Europe sur le territoire de la commune de Livry-Gargan. Par un arrêté du 27 octobre 2021, le maire de la commune de Livry-Gargan a refusé de lui délivrer le permis sollicité. Saisi à cette fin par la société Green city immobilier, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du maire de la commune de Livry-Gargan du 27 octobre 2021 et lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité par la société Green city immobilier, le cas échéant en l'assortissant de prescriptions spéciales relatives aux coloris du socle du bâtiment dans le délai d'un mois, par un jugement du 9 mars 2023 dont la commune relève appel devant la Cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article UA 6/6.1 section II du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Livry-Gargan : " En application des articles L. 123.1.5.III.2° et R 111.21 du Code de l'Urbanisme, le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. (...) ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.

3. Il ressort des pièces du dossier, comme l'ont relevé les premiers juges, que l'environnement du projet litigieux se compose de moyens et grands collectifs et ne présente pas d'unité architecturale particulière. Par ailleurs, si le projet, en R+3, R+4 et R+4+A, d'une hauteur maximale de 18 mètres, comporte un linéaire de façade important, il fait l'objet d'un traitement des façades et des toitures dans le but d'atténuer son aspect massif. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la façade sur la rue Denis Papin envisagée par le projet, qui est animée par l'alternance de pans de façade de couleur différente et par la présence de balcons et est implantée en retrait de 4 mètres, serait de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt de cette rue composée de grands collectifs de style monolithique. Enfin, si le maire fait valoir que le rez-de-chaussée, qui a vocation à abriter un parking, ne fait l'objet d'aucun traitement architectural, il ressort des pièces du dossier que des matériaux particuliers ont été prévus. Par ailleurs, si le coloris retenu pour la façade du rez-de-chaussée accentue la différence de traitement entre le socle du bâtiment et les autres étages, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire ne pouvait pas accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales à cet égard. Par suite, le maire de la commune de Livry-Gargan ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, rejeter la demande présentée par la société Green city immobilier au motif que le projet envisagé méconnaitrait l'article UA 6/6.1 section II du règlement du plan local d'urbanisme communal.

4. En deuxième lieu, la commune de Livry-Gargan soutient qu'il est nécessaire de procéder à une substitution de motif, fondée sur l'atteinte à la sécurité publique et la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de l'article UA 1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article 4 de l'arrêté du 31 janvier 1986.

5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la notice descriptive du projet précise que l'accès au parking sous-sol et rez-de-chaussée s'opère depuis la rue Denis Papin, est d'une largeur de 5 mètres, comporte une pente inférieure à 18 % et débouchant sur la voie, sur une section de 4 mètres à 5 %, d'autre part que la rue dont s'agit est en ligne droite, avec une bonne visibilité, et en sens unique depuis la rue Eugène Masse et qu'elle ne présente pas de difficulté de circulation aux heures de pointes. Par ailleurs, et alors que le projet prévoit cinquante-sept stationnements pour trente-huit logements destinés à répondre aux besoins des futurs résidents, la commune n'établit pas les problèmes de stationnement qu'elle allègue. Dès lors, eu égard à la configuration de la rue Denis Papin, cette dernière apparaît adaptée au passage des engins de sécurité incendie et ainsi répondre aux exigences de sécurité en la matière telles que fixées par les dispositions réglementaires invoquées par la commune. La demande de substitution de motifs présentée par la commune doit donc être écartée.

7. En troisième lieu, la commune de Livry-Gargan soutient que l'état d'avancement du plan local d'urbanisme intercommunal du Grand Est Parisien constitue une nouvelle circonstance de fait et de droit qui justifie une nouvelle instruction de la demande de permis de construire, ce qui doit conduire à l'annulation de l'injonction de délivrance dudit permis.

8. Toutefois, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée ". Dès lors, l'adoption du plan local d'urbanisme intercommunal, qui interviendra en tout état de cause postérieurement à la date de la décision annulée comme de celle du présent arrêt, ne peut utilement être invoquée à l'encontre de l'injonction de délivrer le permis de construire sollicité prononcée par les premiers juges. Le moyen doit donc être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Livry-Gargan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel son maire a refusé de délivrer un permis de construire n° PC 093 046 21 C0039 pour la démolition de deux maisons individuelles et la construction d'un immeuble d'habitation comprenant 38 logements et l'édification d'une clôture sur rue sur un terrain sis 10 à 12 rue Denis Papin et 7 boulevard de l'Europe. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Livry-Gargan qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Il y a lieu de mettre à sa charge le versement à la société Green city immobilier d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Livry-Gargan est rejetée.

Article 2 : La commune de Livry-Gargan versera à la société Green city immobilier une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Livry-Gargan et à la société Green city immobilier.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02072


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02072
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-19;23pa02072 ?
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