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21/11/2023 | FRANCE | N°23PA03068

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 21 novembre 2023, 23PA03068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n°2300221/8 du 5 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Maillard, demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n°2300221/8 du 5 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 3 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail pendant la durée de fabrication du titre de séjour, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Maillard, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ;

S'agissant de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation révélant un défaut d'examen complet de la demande ;

- elle est entachée d'erreur de droit car le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qu'elle assortit ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... sont infondés.

Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2023, M. B... maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par une décision du 20 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 12 avril 1975 et entré en France en mars 2011 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour des motifs médicaux. Par un arrêté du 3 octobre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 5 avril 2023 dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de M. B..., ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble de ses moyens. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué indique les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré un examen complet de la demande de M. B....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article des deux premiers alinéas de L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...). ". Les conditions d'application de ces dispositions ont été définies aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du même code et précisées par l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les orientations générales mentionnées à l'article L. 425-9 ont été fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En l'espèce, l'avis du collège de médecins de l'OFII du 26 juillet 2022 mentionne que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. La circonstance que l'OFII avait rendu un premier avis favorable au cas de M. B... le 25 février 2022, indiquant que son état de santé nécessitait alors une poursuite des soins en France pendant six mois n'est pas contradictoire à ce second avis.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII du 26 juillet 2022, et ce alors même qu'il a retenu les mêmes motifs pour refuser le titre de séjour sollicité. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical rédigé le 11 janvier 2023, que M. B... souffre d'un carcinome nasopharyngé non kératinisant et bénéficie à ce titre d'une prise en charge médicale régulière depuis le mois d'octobre 2021, consécutive à sa radio-chimiothérapie afin de surveiller l'évolution du carcinome et éviter une réapparition de cellules cancéreuses. Si le requérant allègue qu'il ne pourrait bénéficier d'un accès au suivi médical spécialisé requis en Tunisie, au sens de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017, les certificats médicaux produits en première instance établis par un médecin généraliste ainsi que par trois médecins des hôpitaux Tenon ou Forcilles les 3, 11, 20 et 30 janvier 2023, au demeurant postérieurs à la décision attaquée, qui se bornent à indiquer de manière générale que la prise en charge appropriée serait " difficile ", ou " très difficile " ou ne serait pas possible, sans précision ou justification, ne sont pas de nature à l'établir, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. Les certificats médicaux des 12, 14 et 18 avril 2023 produits en appel sont également rédigés dans les mêmes termes et ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII. Par ailleurs, si M. B... allègue qu'il ne pourra accéder à un suivi médical spécialisé et approprié dans son pays d'origine dès lors qu'il ne dispose pas d'une couverture sociale en Tunisie en raison de sa situation médicale invalidante qui ne lui a pas permis de travailler et de cotiser, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Si M. B... se prévaut de ce qu'il vit en France depuis 2011 et y a noué des liens, il n'établit résider habituellement sur le territoire français que depuis l'année 2021, il est par ailleurs célibataire sans charges de famille et il ne justifie d'aucun lien qu'il y aurait noué, ni d'aucune insertion particulière dans la société française. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Dès lors, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M. B....

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de la décision fixant le pays de destination :

11. Il y a lieu d'écarter les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination, tels que visés ci-dessus, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement aux points 10 à 12, 13 à 15 et 16 à18 du jugement attaqué.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03068
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-21;23pa03068 ?
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