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16/01/2024 | FRANCE | N°23PA03775

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 16 janvier 2024, 23PA03775


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n°2304625/8 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. A..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2304625/8 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. A..., représenté par Me Pigot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 20 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police à titre principal de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation et pour erreurs de droit ;

- la décision de refus de séjour litigieuse est entachée d'insuffisance de motivation ;

- ladite décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'en l'absence de production de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il n'est pas démontré que l'avis est régulier en la forme, qu'il comporte les mentions exigées par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, que les signatures électroniques des médecins signataires de l'avis peuvent être authentifiées et qu'il a été émis collégialement ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de police s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre qu'elle assortit ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... sont infondés.

Par une décision du 6 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 10 mai 1983 et entré en France le 31 décembre 2017 selon ses déclarations, a bénéficié pour des motifs médicaux d'une carte de séjour temporaire d'un an valable jusqu'au 9 mars 2023 dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 20 décembre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 10 mai 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens soulevés par M. A.... D'autre part, les erreurs de droit alléguées, qui relèvent d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

3. Aux termes des deux premiers alinéas de L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Les conditions d'application de ces dispositions ont été définies aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du même code et précisées par l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. En premier lieu la décision litigieuse énonce les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, le moyen tiré du vice de procédure du fait de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 juin 2022 doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se soit cru lié par cet avis. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

8. En quatrième lieu, pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A..., le préfet de police a estimé, en suivant l'avis du collège de médecins de l'OFII, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 9 janvier 2023 et du compte rendu de consultation du même jour, que M. A... souffre d'une hépatite B, d'un syndrome pyléo-urétal et d'une hypertension artérielle et bénéficie à ce titre d'un traitement médical à base de Viread, de Ramipril Almus et d'Amlodipine Almus ainsi que d'un suivi médical. S'il allègue que le médicament Viread n'est pas disponible dans son pays d'origine, la seule circonstance que le laboratoire Gilead ait indiqué dans un courriel adressé le 10 février 2023 au conseil du requérant en réponse à une demande, qu'il ne commercialisait pas ce médicament en Côte d'Ivoire, ne saurait suffire à établir l'absence d'un traitement approprié, lequel n'est pas nécessairement le traitement exactement prescrit, en l'absence notamment de toute indication sur l'impossibilité d'un traitement de substitution adapté, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. Par ailleurs, ni l'article du 8 mars 2021 d'APMNews intitulé " Hépatites virales, en Afrique, seuls 1% des malades ont accès aux anti-viraux ", de caractère excessivement général, ni les certificats médicaux produits en première instance des 25 avril 2022 et 9 janvier 2023, dans les termes dans lesquels ils sont rédigés, ne sont davantage de nature à établir l'absence de prise en charge médicale appropriée à l'état de santé de M. A... en Côte d'Ivoire. Dans la présente requête d'appel, outre des comptes rendus de consultation médicale qui n'ont pas pour objet de se prononcer sur la disponibilité du traitement concerné en Côte d'Ivoire, le requérant produit un certificat médical daté du 21 août 2023 qui comme ceux produits devant le tribunal se borne à invoquer la nécessité d'un traitement régulier dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, " sous réserve qu'il ne puisse effectivement poursuivre les soins appropriés dans le pays dont il est originaire ", et qui n'est pas davantage de nature à établir l'absence de prise en charge médicale appropriée à l'état de santé de M. A... en Côte d'Ivoire. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de renouvellement de titre de séjour.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. M. A... se prévaut de ce qu'il vit en France depuis le 31 décembre 2017, a suivi plusieurs formations professionnelles avant d'obtenir son titre professionnel en qualité d'agent de propreté et d'hygiène en 2022, a exercé une activité professionnelle en 2021 et 2022 et se trouve dans une situation de particulière vulnérabilité en raison de son handicap. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait dans l'incapacité de bénéficier effectivement d'un suivi médical ou d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par ailleurs, il est célibataire et sans charge de famille en France et ne conteste pas que sa fille mineure réside dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en refusant de renouveler le titre de séjour de M. A..., le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus sur la situation personnelle de M. A.... Pour les mêmes motifs le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L 423-23 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points précédents, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour.

12. En second lieu, aux termes de l'article 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Il résulte de ce qui a été dit au point 8, que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 10, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour.

14. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

15. Si le requérant soutient que, compte tenu de son état de santé et de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il est exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le moyen doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03775
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : PIGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;23pa03775 ?
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