La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2024 | FRANCE | N°23PA03543

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 07 février 2024, 23PA03543


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2200136/8 du 13 juillet 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 9 mars 2021.



Procédures devan

t la Cour :



I - Par une requête, enregistrée le 4 août 2023 sous le n° 23PA03543, le préfet de la Seine-...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200136/8 du 13 juillet 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 9 mars 2021.

Procédures devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 4 août 2023 sous le n° 23PA03543, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200136/8 du 13 juillet 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour aurait été pris en méconnaissance des dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté dès lors que l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé est regardée comme établie lorsque le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration constate que l'étranger pourra avoir accès à un tel traitement, que lorsque l'office a constaté la possibilité d'accès à un traitement dans le pays d'origine l'existence d'un tel traitement est établie et qu'en tout état de cause, la charge de la preuve quant à l'existence d'un traitement pèse tant sur l'administration que sur l'étranger, lequel doit apporter la preuve que le traitement et le suivi appropriés ne sont pas disponibles dans son pays d'origine ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre et 30 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Lantheaume demande à la Cour de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et conclut au rejet de la requête d'appel du préfet de la Seine-Saint-Denis, à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2021, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et à ce que soit mise à la charge l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, à ce que cette somme lui soit versée.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le préfet avait commis une erreur de droit en ne vérifiant pas la disponibilité d'un traitement médical dans son pays d'origine ;

- les moyens soulevés en première instance sont fondés ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier dès lors que les signatures électroniques apposées sur cet avis ne respectent pas les exigences de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration et l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- l'avis produit par le préfet de la Seine-Saint-Denis est en partie illisible de sorte qu'il n'est pas possible de s'assurer que le Dr C... a bien siégé au sein du collège de médecins ;

- l'utilisation de facsimilés ne permet pas de s'assurer de l'intégrité de l'avis et ne constitue pas un procédé fiable d'identification au sens de l'article L. 1367 du code civil ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors notamment qu'il ne pourra bénéficier d'une prise en charge effective en cas de retour au Mali ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations le 23 octobre 2023.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris en date du 8 novembre 2023.

II- Par une requête, enregistrée le 4 août 2023 sous le n° 23PA03544, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2200136/8 du 13 juillet 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté 9 mars 2021, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Lantheaume de la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont, en l'espèce, remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Lantheaume, demande à la Cour de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire et conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 13 juillet 2023 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, que cette somme lui soit versée

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en reprenant l'argumentation présentée dans l'affaire n° 23PA03543.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris en date du 8 novembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien né le 21 février 1989, est entré en France en 2014, selon ses déclarations. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 9 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 13 juillet 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté. Par deux requêtes distinctes, le préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une part, fait appel du jugement par lequel que le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, et, d'autre part, demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 23PA03543 et 23PA03544 concernent le même jugement du Tribunal administratif de Montreuil. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission de M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par des décisions du 8 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. B... l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la requête n° 23PA03543 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Montreuil :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".

5. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Pour annuler l'arrêté du 9 mars 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis, les premiers juges ont retenu que le préfet avait commis une erreur de droit en ne s'assurant pas de la disponibilité du traitement dans des conditions permettant à M. B... d'en bénéficier effectivement, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire. Toutefois, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a bien examiné l'existence d'un traitement adapté à la pathologie de M. B... au Mali, a également relevé que l'intéressé ne faisait valoir " aucune circonstance exceptionnelle empêchant son accès aux soins dans ce pays " et doit ainsi être regardé comme ayant examiné s'il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Mali. Contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet n'a pas, en faisant référence à l'existence de " circonstances exceptionnelles ", fait application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans une version qui n'était pas en vigueur à la date de l'arrêté litigieux. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet de la Seine-Saint-Denis avait entaché son arrêté d'une erreur de droit. Le préfet est ainsi fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil.

7. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

S'agissant de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

8. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise notamment l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique qu'il ressort de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office française de l'immigration et de l'intégration (OFII) que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que le traitement approprié existe dans le pays dont il est originaire et que l'intéressé n'a pas allégué de circonstances exceptionnelles empêchant son accès aux soins dans son pays et son état de santé lui permet de voyager sans risque à destination du Mali. L'arrêté litigieux relève également que M. B... est entré irrégulièrement en France le 25 mars 2015, qu'il est célibataire, sans charge de famille et que rien ne l'empêche de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté expose précisément les motifs pour lesquels sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée.

9. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

10. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., en faisant référence à l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, le préfet, qui ne s'est pas cru lié par cet avis, doit être regardé comme s'en étant approprié les motifs. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru, à tort, en situation de compétence liée doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que préalablement à l'édiction de la décision de refus de titre de séjour du 9 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a émis, le 4 février 2021, un avis indiquant que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que l'état de santé de M. B... lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Cet avis comporte également les noms et signatures des trois médecins membres du collège, lesquels ont été désignés par une décision du 28 janvier 2021 du directeur de l'OFII, publiée sur le site internet de cet office, pour siéger au sein du collège des médecins. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces trois médecins n'avaient pas été désignés pour rendre un avis sur le dossier de M. B.... Enfin, il résulte de ces mêmes mentions que l'avis du 4 février 2021 a été rendu de manière collégiale.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision. ". Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives : " I. - Un référentiel général de sécurité fixe les règles que doivent respecter les fonctions des systèmes d'information contribuant à la sécurité des informations échangées par voie électronique telles que les fonctions d'identification, de signature électronique, de confidentialité et d'horodatage. Les conditions d'élaboration, d'approbation, de modification et de publication de ce référentiel sont fixées par décret. / II. - Lorsqu'une autorité administrative met en place un système d'information, elle détermine les fonctions de sécurité nécessaires pour protéger ce système. Pour les fonctions de sécurité traitées par le référentiel général de sécurité, elle fixe le niveau de sécurité requis parmi les niveaux prévus et respecte les règles correspondantes. Un décret précise les modalités d'application du présent II. (...) ".

14. D'une part, si la copie de l'avis du collège des médecins produite par le préfet est partiellement illisible, l'avis produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a été communiqué à M. B..., est parfaitement lisible.

15. D'autre part, si M. B... soutient que les signatures électroniques figurant sur l'avis du collège des médecins de l'OFII n'auraient pas été apposées régulièrement, cet avis ne constitue pas une décision administrative, au sens des dispositions précitées de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, lequel renvoie à l'ordonnance du 8 décembre 2005, et n'a donc pas à satisfaire aux exigences qui en découlent. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de supposer que les signatures apposées au bas de l'avis litigieux constitueraient des signatures électroniques ou ne seraient pas celles des trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII, dont l'avis précise l'identité. M. B... ne peut dès lors davantage se prévaloir ni de l'article 1367 du code civil ni du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique ni même du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 4 février 2021 du collège des médecins de l'OFII a été émis au vu d'un rapport médical établi le 4 décembre 2020 et transmis au collège des médecins le 25 janvier 2021 et que le médecin ayant établi ce rapport n'a pas siégé au sein du collège qui a rendu l'avis précité.

18. En septième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et d'un accès effectif à ce traitement. La partie qui justifie d'un avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

19. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport médical établi par le médecin de l'OFII, que M. B... est atteint d'une hépatite B chronique réplicative nécessitant, à ce stade, un suivi hépatologique tous les quatre mois, que son état est stable et ne souffre d'aucune complication et qu'en cas d'évolution de sa maladie le traitement à envisager sera le Ténofovir. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué la pathologie de M. B... nécessitait seulement un suivi médical et non un traitement médicamenteux. Il résulte tant des mentions de l'avis du collège des médecin de l'OFII que des observations présentées par cet office dans le cadre de la présente instance, qu'une prise en charge, consistant en un suivi médical, peut être assuré au Mali, notamment à la Polyclinique de Bamako mais également que le Ténofovir est disponible au Mali. Ni les certificats médicaux produits par M. B..., datés des 15 juillet 2020 et 7 février 2022, qui se bornent à indiquer, en termes généraux, que l'intéressé ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Mali, ni les orientations générales prévues par l'arrêté du 5 janvier 2017 qui indiquent que les moyens nécessaires à un suivi efficace et adapté de l'hépatite B ne sont habituellement pas accessibles dans l'ensemble des pays en développement, ne permettent de contredire les constations faites par l'OFII. Si M. B... soutient qu'il ne pourra bénéficier effectivement d'une telle prise en charge compte tenu de l'absence de toute ressource financière, il n'apporte aucun élément de nature à établir que l'absence de ressources rendrait impossible tout suivi médical au Mali.

20. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

21. M. B... soutient qu'il réside en France depuis sept ans, qu'il y bénéficie d'un suivi médical, occupe un emploi et ne dispose plus d'aucun lien avec son pays d'origine. Toutefois, si le requérant justifie occuper un emploi à temps partiel en qualité d'agent de service depuis l'année 2019, il ne justifie d'aucune attache personnelle ou familiale sur le territoire français et ne justifie pas être isolé au Mali où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Les moyens tirés de ce que cette décision aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

22. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

23. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

24. Enfin, le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant dès lors que cette décision n'implique pas un retour de l'intéressé au Mali.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :

25. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

26. En deuxième lieu, en indiquant que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a suffisamment motivé la décision fixant le pays de destination.

27. Enfin, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".

28. M. B... soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions et stipulations précitées dès lors qu'il ne pourrait bénéficier de soins relatifs à sa pathologie, en cas de retour au Mali. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 19 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé en cas de retour au Mali.

29. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 9 mars 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et l'ensemble de ses conclusions d'appel, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'il est la partie perdante à l'instance, doivent rejetées.

Sur la requête n° 23PA03544 :

30. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

31. M. B... étant partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'il présente sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les demandes de M. B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis sous la requête n° 23PA003544.

Article 3 : Le jugement n° 2200136/8 du 13 juillet 2023 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 4 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer et à M. B....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI-SAHRAOUI

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03543, 23PA03544 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03543
Date de la décision : 07/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-07;23pa03543 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award