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13/02/2024 | FRANCE | N°22PA04373

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 13 février 2024, 22PA04373


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par une demande transmise au tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance n° 2208470 du 16 juin 2022, d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2210162 du 6 septembre 2022, la magistrate désignée par le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par une demande transmise au tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance n° 2208470 du 16 juin 2022, d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2210162 du 6 septembre 2022, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Bazin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 septembre 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

Il soutient que :

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

La décision portant refus de délai de départ volontaire :

- est insuffisamment motivée ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle dans la mesure où il ne présente pas un risque de fuite ;

La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

- méconnaît son droit à être entendu ;

- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 30 décembre 1982 à Ghazaouet (Algérie), est entré en France, en dernier lieu, en mai 2018 sous couvert d'un visa Schengen de type C valable du 8 décembre 2016 au 7 décembre 2018. A la suite d'une interpellation, il a, le 13 juin 2022, fait l'objet d'un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Il relève appel du jugement du 6 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. A... fait valoir qu'il s'est marié, le 12 novembre 2021, avec une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'en 2027, que le couple a donné naissance, le 7 juin 2022, à une petite fille et qu'ils partagent une vie commune depuis l'année 2019. Toutefois, cette situation familiale était très récente à la date de la décision contestée. L'intéressé se prévaut, par ailleurs, de la présence en France d'une sœur et d'un frère, également titulaires d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'en 2027. Cependant, il ne justifie pas entretenir de liens particuliers avec eux et n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident ses parents et deux de ses sœurs. Enfin, si M. A... établit avoir travaillé en qualité d'électricien de septembre 2021 à février 2022 et être titulaire d'une carte professionnelle d'identification professionnelle en cette qualité délivrée en mai 2022, cette activité temporaire était également trop récente à la date de la décision attaquée pour caractériser une véritable insertion professionnelle. Ainsi, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé et alors que les époux partagent la même nationalité et que rien ne s'oppose à ce que M. A... poursuive sa vie familiale dans son pays d'origine, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Aucun élément, ainsi qu'il a été exposé au point 4, ne faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstruise en Algérie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus (...) du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

7. L'arrêté contesté vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, notamment l'article L. 612-3 2° de ce code, et précise que M. A..., qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans justifier d'aucune circonstance particulière, présente un risque de soustraction à la décision portant obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait insuffisamment motivé doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

9. M. A... reprend en appel ses moyens tirés de ce que l'arrêté portant refus de délai de départ volontaire méconnaîtrait les articles précités L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. Toutefois, il ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinents de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 10 et 11 du jugement attaqué.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Selon l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

11. Compte tenu des circonstances particulières de la situation familiale de l'intéressé telles qu'exposées au point 3, et alors qu'il n'est pas soutenu qu'il constituerait une menace à l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français qu'il n'aurait pas exécutée, M. A... est fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 juin 2022 portant interdiction de retour pendant un an sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. L'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2210162 du 6 septembre 2022 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : La décision du 13 juin 2022 du préfet des Hauts-de-Seine portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2024.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04373
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;22pa04373 ?
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