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02/04/2024 | FRANCE | N°23PA01620

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 avril 2024, 23PA01620


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de La Chapelle-la-Reine a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017, ainsi que les arrêtés des 21 décembre 2018 et 10 janvier 2019 par lesquels le maire l'a placée en disponibilité d'office, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, d'enjoindre à la commune de la réta

blir dans ses droits statutaires et de de mettre à la charge de la commune de La Chapelle-la-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de La Chapelle-la-Reine a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017, ainsi que les arrêtés des 21 décembre 2018 et 10 janvier 2019 par lesquels le maire l'a placée en disponibilité d'office, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, d'enjoindre à la commune de la rétablir dans ses droits statutaires et de de mettre à la charge de la commune de La Chapelle-la-Reine une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1902850 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du maire de La Chapelle-la-Reine du 4 décembre 2018, a enjoint à la commune de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que les conclusions présentées par la commune de La Chapelle-la-Reine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens .

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 19 avril et 26 septembre 2023, la commune de La Chapelle-la-Reine représentée par Me Simon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme A... ;

2°) à titre principal de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Melun dans son intégralité ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation du jugement est irrégulière ;

- le jugement est entaché de défaut de réponse à conclusions ;

- l'annulation prononcée est assortie d'une injonction dont les termes sont incomplets et empêchent sa mise en œuvre ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire avait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître imputable au service la pathologie de Mme A....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet et 1er décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Coche, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de la Chapelle la Reine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de La Chapelle-la-Reine sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titulaire du grade d'adjointe technique de 2ème classe, exerce les fonctions d'agent de restauration et d'entretien au sein des services de la commune de La Chapelle-la-Reine depuis 2001. Par un courrier du 26 décembre 2017, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de la tendinopathie des épaules qui lui a été diagnostiquée le 28 novembre 2017. En dépit de l'avis favorable de la commission de réforme du 13 juin 2018, par un arrêté du 4 décembre 2018, le maire de La Chapelle-la-Reine a refusé de reconnaître sa pathologie, au titre de laquelle elle a fait l'objet d'arrêts de travail depuis le 28 novembre 2017, comme étant imputable au service. Puis, compte tenu de l'épuisement de ses droits à congés de maladie et au vu de l'avis rendu le 19 décembre 2018 par le comité médical, par un arrêté du 21 décembre 2018, retiré et remplacé par un arrêté du 10 janvier 2019, le maire a placé Mme A... en disponibilité d'office pour une durée de trois mois, du 20 novembre 2018 au 19 février 2019. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation des arrêtés du 4 décembre 2018, 21 décembre 2018 et 10 janvier 2019. Par un jugement n° 1902850 du 30 mars 2023, le Tribunal a annulé l'arrêté du maire de La Chapelle-la-Reine du 4 décembre 2018, a enjoint à la commune de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que les conclusions présentées par la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La commune de La Chapelle-la-Reine relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme A....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le bien-fondé de la réponse que les premiers juges ont apportée, par un jugement qui est suffisamment motivé, aux moyens soulevés est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

3 En deuxième lieu, si la commune et Mme A... ont sollicité une expertise médicale en première instance, il ressort clairement de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges se sont estimés suffisamment informés et ont entendu écarter la demande d'expertise comme sans intérêt pour la solution du litige. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur ces conclusions doit donc être écarté.

4. En dernier lieu, le tribunal a enjoint à la commune de La Chapelle-la-Reine de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Contrairement à ce que soutient la commune requérante, cette injonction était suffisamment précise pour être exécutée quand bien même elle ne précisait pas la date de la fin de la pathologie. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions, notamment, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale.

6. L'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017.

7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. La maladie dont se prévaut Mme A... a été diagnostiquée le 28 novembre 2017, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article 21 bis. Aussi, la situation de Mme A... demeure régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale.

8. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, désormais codifié aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

9. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., le maire de La Chapelle-la-Reine s'est fondé sur l'insuffisance d'éléments d'appréciation établissant l'existence d'une maladie professionnelle et sur l'absence d'élément établissant le lien entre la pathologie et les fonctions exercées par Mme A.... Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité le 26 décembre 2017 la reconnaissance de l'imputabilité au service de la tendinopathie des deux épaules, dont elle souffre depuis le 28 novembre 2017 ainsi que la prise en charge des arrêts et soins afférents. La commune s'est notamment fondée sur les conclusions du rapport d'expertise du médecin rhumatologue agréé, établi le 26 avril 2018, réfutant l'imputabilité au service de sa pathologie. Or, d'une part, ce rapport ne comporte aucune précision alors qu'aux termes d'une nouvelle expertise, un autre médecin rhumatologue agréé a conclu, dans un rapport ultérieur du 16 janvier 2019, certes postérieur à l'arrêté attaqué, mais de nature à constater l'état de santé de l'intéressée à la date de l'arrêté litigieux, et de manière précise et détaillée, à l'imputabilité au service de sa pathologie. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme qui disposait des premières conclusions médicales, a émis un avis favorable à l'imputabilité au service le 13 juin 2018. Dès lors, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la pathologie de Mme A... est en lien direct avec les fonctions qu'elle exerçait au sein de la collectivité et ont annulé l'arrêté litigieux pour erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise médicale avant-dire droit, que la commune de La Chapelle-la-Reine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 4 décembre 2018 du maire de La Chapelle-la-Reine et enjoint à la commune de La Chapelle-la-Reine de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie.

Sur les frais liés au litige :

11. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à la commune de La Chapelle-la-Reine sur ce fondement. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au profit de Mme A....

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de la commune de La Chapelle-la-Reine est rejetée.

Article 2 : La commune de La Chapelle-la-Reine versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Chapelle-la-Reine et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01620
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SIMON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23pa01620 ?
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