La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°23TL00033

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 mai 2023, 23TL00033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et d'enjoindre au préfet

de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2205776 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de deux mois à compter de sa notification et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023 sous le n° 23TL00033, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que M. D... peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, M. D..., représenté par Me Durand, conclut à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023 sous le n° 23TL00034, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2205776 du 9 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen d'annulation sur lequel est fondée sa requête au fond présente un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, M. D..., représenté par Me Durand, conclut à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de la Haute-Garonne ne présente pas un caractère sérieux.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien, a sollicité, le 22 mars 2022, son admission au bénéfice de l'asile. Par une décision du 23 juin 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. L'intéressé a ensuite sollicité, le 28 juin 2022, son admission au séjour en raison de son état de santé. Il a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 23TL00033, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de deux mois à compter de sa notification et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par la requête n° 23TL00034, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

2. Les requêtes n° 23TL00033 et n° 23TL00034 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. M. D... a bénéficié, par deux décisions du 22 mars 2023, de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur la requête n° 23TL00033 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 29 août 2022 selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale, au stade 5, qui nécessite des séances d'hémodialyse trois fois par semaine. Il n'est pas contesté que l'intéressé pourrait bénéficier effectivement d'une telle prise en charge en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, la seule attestation établie le 28 septembre 2022 par un néphrologue géorgien ne saurait établir que l'état de M. D... nécessite de manière immédiate une greffe rénale. Si deux médecins indiquent, le 8 novembre 2022 et le 13 février 2023, qu'un bilan pré-greffe est en cours de préparation, aucune pièce versée au dossier ne précise que l'intéressé était inscrit, à la date de l'arrêté attaqué, sur la liste d'attente pour une greffe de rein en France. En outre, il existe en Géorgie un programme étatique de dialyse et de greffe de rein, dont aucun élément ne permet de considérer que M. D... ne pourrait y prétendre. Enfin, les certificats médicaux établis le 27 septembre 2022 par un médecin du département de néphrologie du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui se borne à attester que " certains axes de prise en charge ne peuvent être réalisés qu'en France et non en Géorgie ", et le 12 octobre 2022 par un médecin généraliste, mentionnant que certains traitements de l'intéressé ne sont pas accessibles en Géorgie, ne permettent pas de considérer que le suivi médical dont bénéficie M. D... et un traitement médicamenteux adapté à son état ne pourraient se poursuivre dans son pays d'origine, où il était d'ailleurs suivi jusqu'à son arrivée en France. Enfin, M. D..., qui se borne à produire des documents d'ordre général, n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier effectivement de ces traitements en cas de retour dans son pays d'origine.

7. Par suite, alors même que l'organisation générale des soins en Géorgie n'offrirait pas les mêmes possibilités thérapeutiques qu'en France, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé que, M. D... ne pouvant effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, la décision de refus de séjour contestée méconnaissait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant des moyens communs aux décisions contestées :

8. Par arrêté n° 31-2022-04-06-00001 du 6 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture, à fin de signer notamment les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

9. L'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé.

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article R. 425-12 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office ".

11. Le préfet de la Haute-Garonne a versé au dossier l'avis du 29 août 2022 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé sur l'état de santé de M. D.... Il ressort des mentions de cet avis, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'il a été rendu collégialement et que le médecin qui a établi le rapport médical relatif à l'intéressé n'a pas siégé au sein du collège. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie a méconnu les dispositions des articles R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. D... avant de prendre l'arrêté contesté.

13. En troisième lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. D... et s'est estimé lié par la décision du 23 juin 2022 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile ou par la circonstance que la Géorgie est considérée comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 531-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.

17. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 13 du présent arrêt, le moyen selon lequel la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D... doit être écarté.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". M. D... n'établit aucun risque de subir personnellement de tels traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, et pour les motifs déjà mentionnés aux points 6 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 12 septembre 2022 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. D....

21. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions subsidiaires présentées par M. D... devant le tribunal administratif et tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

En ce qui concerne les conclusions à fin de suspension :

22. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". L'article L. 752-11 du même code dispose que : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".

23. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Selon l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". D'autre part, aux termes de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après dénommés "les traités") ". Selon l'article 47 de la même charte : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter (...) ". Enfin, le considérant 25 de la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale dispose que : " (...) Par ailleurs, la procédure d'examen de sa demande de protection internationale devrait, en principe, donner au demandeur au moins : le droit de rester sur le territoire dans l'attente de la décision de l'autorité responsable de la détermination (...) et, en cas de décision négative, le droit à un recours effectif devant une juridiction ". Aux termes de l'article 46 de la même directive : " (...) 3. Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu'un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d'ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance (...) 5. Sans préjudice du paragraphe 6, les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours. 6. En cas de décision: a) considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l'article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l'article 31, paragraphe 8 (...) une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l'État membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national (...) ".

24. Le droit à un recours effectif prévu par les dispositions citées au point 23 n'implique pas nécessairement que le demandeur ait le droit de se maintenir sur le territoire de l'État membre dans l'attente de l'issue du recours juridictionnel formé contre la décision rejetant sa demande de protection internationale, mais implique seulement, lorsque cette décision a pour conséquence de mettre un terme à son droit au séjour dans l'Etat membre, qu'une juridiction décide s'il peut se maintenir sur le territoire de cet Etat. Il résulte des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, s'il ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours, un ressortissant étranger issu d'un pays d'origine sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée, peut contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Ce recours présente un caractère suspensif et le juge saisi a la possibilité, le cas échéant, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement et de permettre ainsi à l'étranger de demeurer sur le territoire jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours. Par suite, M. D... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que les dispositions citées au point 22 du présent arrêt seraient contraires aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux articles 18 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou à la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

25. En second lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 24 ci-dessus, l'éloignement de M. D... du territoire français ne le prive pas d'un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile, l'existence d'un tel recours ne constituant pas à elle seule un élément sérieux au sens de l'article L. 752-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressé n'apporte par ailleurs aucun élément sur les risques allégués. Il apparaît, au vu des éléments précédemment mentionnés, qu'il n'existe ainsi pas d'éléments sérieux permettant de faire droit à sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté attaqué. Par suite, le requérant n'est pas fondé à demander cette suspension.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 23TL00034 :

27. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2205776 du 9 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 23TL00034 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 décembre 2022 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL00034 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 décembre 2022.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... D... et à Me Clémence Durand.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00033, 23TL00034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00033
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-25;23tl00033 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award