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20/07/2023 | FRANCE | N°22TL20805

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 juillet 2023, 22TL20805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105414 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2022 au

greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 12 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105414 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 12 décembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité administrative incompétente ;

- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de l'intensité et de la stabilité de ses attaches familiales en France ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment, en lui opposant la circonstance qu'il pouvait bénéficier de la procédure de regroupement familial ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen pour s'être abstenu d'examiner la possibilité de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 13 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2022 à 12 heures.

Par une décision du 21 février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,

- et les observations de Me Ruffel, représentant M. A...

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, né en 1989, est entré en Italie le 14 mai 2014 sous couvert d'un visa D à entrées multiples, d'une durée de 270 jours, valable du 11 avril 2014 au 20 janvier 2015. Il déclare être entré en France le 25 mai 2014. Le 13 juillet 2018 à Montpellier, il a épousé Mme B..., avec laquelle il a eu deux enfants, nées le 11 juin 2018 et le 27 août 2019. Par arrêté du préfet de l'Hérault du 11 septembre 2019, sa demande de titre de séjour déposée le 23 juillet 2019 a fait l'objet d'un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Le recours contentieux qu'il a formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 décembre 2019, confirmé par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 juillet 2020. Le 3 juin 2021, M. A... a déposé une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 22 juin 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 28 décembre 2021 dont M. A... relève appel, rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 22 juin 2021 :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il résulte de ces dispositions que le préfet pouvait légalement fonder le rejet d'une demande de carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " opposé à M. A... sur le motif tiré de ce qu'il entrait dans les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. D'une part, un étranger éligible au regroupement familial peut se prévaloir de l'atteinte disproportionnée que le refus de titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention précitée.

7. D'autre part, dans l'appréciation par l'administration de la gravité de l'atteinte portée à la situation de l'intéressé, la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, être prise en compte. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

8. À la date de la décision attaquée, M. A..., âgé de 32 ans, résidait irrégulièrement sur le territoire français puisqu'il n'avait pas déféré à une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de l'Hérault le 11 septembre 2019, dont la légalité avait été définitivement confirmée par une ordonnance du 9 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille. Il était marié depuis trois ans avec Mme B..., de nationalité marocaine, qui résidait régulièrement en France depuis 2005 sous couvert d'un titre de séjour pluriannuel en cours de validité. Le couple avait deux enfants, nés en France en 2018 et 2019, âgés de trois et deux ans. Toutefois, l'appelant n'allègue ni ne soutient qu'il serait dans l'impossibilité de retourner avec son épouse, de même nationalité, et leurs deux enfants dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que des considérations personnelles ou professionnelles obligeaient l'épouse de l'appelant à poursuivre son séjour en France, notamment en raison des ressources qu'elle tirait de son activité professionnelle, et s'opposaient à son départ pour le Maroc qui constitue également son pays d'origine. En effet, s'il ressort de l'avis d'imposition des revenus du foyer pour l'année 2019 qu'elle percevait un salaire, ses revenus mensuels représentant moins de 400 euros ne lui permettaient pas, ainsi qu'elle l'indique du reste dans la lettre accompagnant la demande de titre de son conjoint, de subvenir à l'ensemble des besoins de la famille. Enfin, si le préfet ne pouvait, dans son appréciation de l'atteinte à la vie privée et familiale de M. A..., prendre en compte la circonstance qu'il était éligible à la procédure de regroupement familial, il ressort des pièces du dossier, comme l'ont justement estimé les premiers juges que même en l'absence de cette circonstance et compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, il aurait pris la même décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si l'obligation de quitter le territoire français implique pour l'appelant un éloignement du territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas être reconstituée hors de France, les époux ayant la même nationalité et les enfants, très jeunes, n'étant pas scolarisés à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peut qu'être écarté.

11. En dernier lieu, de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 16 décembre 2020 portant partie législative de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

12. Il résulte de l'article 9 de l'accord franco-marocain que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord.

13. L'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui subordonne de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, n'étant pas incompatible avec l'article 3 de l'accord franco-marocain, qui ne concerne que la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée, un préfet peut légalement refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié à un ressortissant marocain au motif qu'il ne justifie pas d'un visa de long séjour.

14. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a estimé qu'il n'était tenu de se prononcer ni sur la demande d'autorisation de travail de M. A... ni sur sa demande de titre en qualité de salarié au motif que l'intéressé était en situation irrégulière et dépourvu du visa de long séjour exigé par l'article L. 412-1 pour obtenir un titre de séjour en qualité de salarié. Par ce seul motif, le préfet pouvait refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. En outre, la version de l'article R. 5221-14 du code du travail dont l'appelant se prévaut n'était plus en vigueur à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande d'admission au séjour en qualité de salarié, ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 juin 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20805
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Demande de titre de séjour.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;22tl20805 ?
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