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26/05/2006 | FRANCE | N°05VE01940

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 26 mai 2006, 05VE01940


Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2005, présentée pour Mme Sherin X, demeurant ..., par Me Ferdi-Martin ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502321 du 19 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui d

livrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros a...

Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2005, présentée pour Mme Sherin X, demeurant ..., par Me Ferdi-Martin ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502321 du 19 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que sa fille est malade et que son état de santé nécessite des soins adaptés qui ne peuvent être dispensés dans son pays d'origine ; que la mesure de reconduite méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 514-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; qu'elle vit en France avec ses deux enfants, nés sur le territoire français et que le père de ses enfants contribue à leur entretien et leur éducation, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué porte atteinte à son droit à mener une vie familiale normale ; que la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

……………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative au droits de l'enfant du 26 janvier 1990 publiée par décret du 8 octobre 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2006 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué ;

- les observations de Me Ferdi-Martin pour Mme X ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité égyptienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 novembre 2004, de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 18 novembre 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisée « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (…) » ; et qu'aux termes de l'article L.511-4 du même code : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. (…) », d'autre part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si la décision du 18 novembre 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant la demande de titre de séjour de Mme X a été prise au vu de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales qui indiquait que l'état de santé de sa jeune fille Habiba ne nécessitait pas de prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical du service de pédiatrie générale de l'hôpital Robert Debré, en date du 6 décembre 2004, postérieur à l'avis du médecin inspecteur de la santé publique, que l'enfant Habiba présente une pathologie chronique asthmatique sévère nécessitant des nébulisations à domicile, que les traitements et soins de cette pathologie ne peuvent être dispensés dans son pays d'origine et que le défaut de soins pourrait entraîner des conséquences graves pour l'état de santé de cet enfant ; que, dans ces conditions, la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 7 mars 2005 de reconduire à la frontière Mme X en Egypte, qui a pour conséquence de la séparer, même provisoirement, de sa fille, porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardé comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 mars 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911 ;1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911 ;2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que les dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Xet non pas d'une décision refusant de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire ; qu'ainsi l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ses motifs n'implique pas, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911 ;1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; que, par suite, les conclusions de la demande de Mme X tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 911 ;2 du code de justice administrative, de prescrire au préfet de la Seine-Saint-Denis de se prononcer sur la situation de Mme KHALIL dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à Mme X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du 19 septembre 2005 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du 7 mars 2005 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Le préfet de la Seine-Saint-Denis statuera sur la régularisation de la situation de Mme X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N°05VE01940

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE01940
Date de la décision : 26/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : FERDI-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-05-26;05ve01940 ?
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