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06/12/2011 | FRANCE | N°10VE02442

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 06 décembre 2011, 10VE02442


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CRIT, venant aux droits de la société CRIT INTERIM, dont le siège est 2 rue de Toulouse Lautrec à Paris (75017), par Me Moisson, avocat ; la société CRIT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904300 du 1er juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 20 février 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de l

a solidarité et de la ville a refusé d'autoriser le licenciement de Mme ...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CRIT, venant aux droits de la société CRIT INTERIM, dont le siège est 2 rue de Toulouse Lautrec à Paris (75017), par Me Moisson, avocat ; la société CRIT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904300 du 1er juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 20 février 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que Mme A avait connaissance de l'ensemble des éléments retenus à son encontre et que le caractère contradictoire de l'enquête a été respecté ; que le harcèlement moral auquel s'est livrée Mme A est démontré par les pièces du dossier ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de Me Techer, substituant Me Moisson, pour la société CRIT ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le jugement du 1er juin 2010 du Tribunal administratif de Montreuil précise de manière très circonstanciée les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde permettant aux parties d'en contester utilement les motifs devant le juge d'appel ; qu'ainsi il est valablement motivé et conforme aux exigences du code de justice administrative ;

Sur le fond du litige :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives ou candidats à ces fonctions bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés de l'entreprise, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou visées, ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ou auquel il a postulé ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ; qu'en vertu enfin du principe posé par l'article L. 1235-1 du même code, qui traite du contrôle des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Considérant que, par sa décision du 20 février 2009, le ministre chargé du travail a annulé l'autorisation accordée à la société CRIT de licencier Mme A, déléguée syndicale, membre du comité d'entreprise et déléguée du personnel, à raison de faits de harcèlement moral sur deux de ses subordonnées ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que c'est seulement lorsque l'accès à ces pièces serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport daté du 27 février 2009 du directeur départemental du travail et de l'emploi, que Mme A n'a pas, au cours de l'enquête menée par l'inspecteur du travail, été mise à même de consulter le courrier adressé par une de ses subordonnées au médecin du travail ainsi que d'autres témoignages portés à son encontre ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès à ces documents aurait porté un grave préjudice à leurs auteurs ; que par suite, en soutenant que Mme A était informée des griefs retenus à son encontre qui avaient notamment été exposés dans le rapport soumis au comité d'entreprise, la société CRIT ne démontre pas que l'inspecteur du travail aurait respecté le caractère contradictoire de l'enquête qu'il lui incombait de mener en vertu des dispositions du code du travail ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le ministre n'avait pas commis d'erreur de fait ou de droit en indiquant que le caractère contradictoire de l'enquête n'avait pas été respecté par l'inspecteur du travail ;

Considérant, par ailleurs, que, si les pièces du dossier permettent d'établir la réalité des difficultés relationnelles entre Mme A et ses deux subordonnées, elles ne permettent pas d'établir l'existence d'un véritable harcèlement moral exercé par Mme A ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la faute de Mme A serait établie doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CRIT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société CRIT la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions de condamner la société CRIT à verser la somme de 1 500 euros à Mme A ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CRIT, venant aux droits de la société CRIT INTERIM, est rejetée.

Article 2 : La société CRIT versera la somme de 1 500 euros à Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02442
Date de la décision : 06/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation - Modalités d'instruction de la demande.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : MOISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-12-06;10ve02442 ?
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