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07/07/2016 | FRANCE | N°15VE04061

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 07 juillet 2016, 15VE04061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 14 mars 2014 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1407597 du 19 janvier 2015, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015, MmeD..., représentée par Me Mariani, av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 14 mars 2014 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1407597 du 19 janvier 2015, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015, MmeD..., représentée par Me Mariani, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de

50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement doit être annulé en ce qu'il a qualifié à tort d'inexistante la décision de refus de délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée car le préfet n'a pas examiné si sa demande répondait à des considérations humanitaires ;

- pour le même motif elle est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car dès lors que le refus de séjour est illégal, la mesure d'éloignement contestée est elle-même dépourvue de base légale ;

- la préfecture n'a pas justifié de la qualité et de l'habilitation du signataire, cette décision est donc entachée d'incompétence ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

- la préfecture n'a pas justifié de la qualité et de l'habilitation du signataire, cette décision est donc entachée d'incompétence ;

- elle est dépourvue de base légale dès lors que la mesure d'éloignement est illégale ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale dès lors que les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français sont illégales ;

- la préfecture n'a pas justifié de la qualité et de l'habilitation du signataire, cette décision est donc entachée d'incompétence ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le préfet n'a pas motivé cette décision et n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation de sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole les stipulations de l'article 3 précité car elle craint pour sa sécurité en cas de retour en Russie.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

- le rapport de Mme Geffroy,

- et les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

1. Considérant que MmeD..., ressortissante russe née le 30 janvier 1957, entrée en France le 13 février 2010 selon ses déclarations, a présenté une demande de titre de séjour en qualité de salariée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Val-d'Oise a rejetée par un arrêté du 14 mars 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif, Mme D...a présenté des conclusions en annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; qu'eu égard à cette formulation, le tribunal s'est mépris sur la portée des conclusions de la demande en estimant qu'il était saisi de conclusions de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et en jugeant que les conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision étant dirigées à l'encontre d'une décision inexistante étaient irrecevables ; que, dès lors, le jugement doit être annulé en tant qu'il statue sur la demande d'annulation du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur ces conclusions et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de Mme D...dirigées contre les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée :

" Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

4. Considérant, en premier lieu, que le préfet du Val-d'Oise, pour refuser la demande d'admission au séjour de MmeD..., après avoir visé notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles L. 211-1, L. 511- I, L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a indiqué notamment que l'intéressée, au regard de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et familiale, ne pouvait bénéficier d'une mesure de régularisation à titre exceptionnel, l'absence d'activité professionnelle faisant obstacle à ce que sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tendant à l'exercice du métier de polisseur soit regardée comme relevant d'un motif exceptionnel ; que l'arrêté attaqué précise également que Mme D... ne peut davantage prétendre bénéficier d'un titre de séjour en vertu de l'article L. 313-11-7° du code précité, qu'en effet elle est isolée en France et n'établit pas être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 53 ans ; qu'eu égard à ces motifs, la seule circonstance que le préfet du Val-d'Oise n'a pas fait mention dans son arrêté des termes " considérations humanitaires " n'implique pas qu'il se serait abstenu d'examiner si de telles considérations justifiaient l'admission exceptionnelle au séjour de MmeD... ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus d'admission au séjour doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, que si la requérante soutient que le préfet a commis une erreur de droit en omettant de se prononcer sur des considérations humanitaires, il ne ressort pas des pièces du dossier de la demande produite par le préfet devant les premiers juges que la requérante qui s'est bornée à produire une promesse d'embauche du 10 octobre 2013 en qualité de polisseur, aurait fait état d'éléments relatifs à sa situation personnelle permettant d'identifier des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 ; que l'intéressée, qui se borne à produire un courrier du 27 mars 2014, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, que lui a adressé de Russie une voisine par lequel cette dernière affirme notamment qu'elle " ferait mieux de ne plus retourner en Russie ", n'étaye pas ses allégations de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 13-033 du

28 janvier 2013 régulièrement publié au recueil spécial n° 4 du 28 janvier 2013 des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise, le préfet a donné délégation de signature à

Mme C...B..., directrice de l'accueil du public, de l'immigration et de la citoyenneté, pour signer " toute obligation de quitter le territoire français avec fixation ou non d'un délai de départ volontaire, toute décision fixant le pays de destination " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme B...pour signer la décision attaquée doit être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, que comme il a été dit aux points 4 et 5, Mme D... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposée est illégale ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit être rejetée ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit, en conséquence, être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à Mme D...n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, ne peut être qu'être rejetée ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit, en conséquence, être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'en indiquant que Mme D...née en Arménie était de nationalité russe et que la décision qui lui était opposée ne " contrevient pas aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ", le préfet du Val-d'Oise a suffisamment motivé sa décision ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, n'est pas fondée et doit être rejetée ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que l'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que, pour contester la légalité de la décision fixant le pays de sa destination, Mme D...soutient qu'en raison d'une origine tzigane son époux a fait l'objet de persécutions et de harcèlement de la part de nationalistes russes, qu'il est décédé des suites de graves blessures infligées par un groupe de nationalistes russes après une période de six mois d'hospitalisation, que craignant pour sa sécurité elle a décidé de quitter la Russie et que des individus sont toujours à sa recherche ; que toutefois, l'exactitude des affirmations de l'intéressée, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du

27 octobre 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 novembre 2011, ne peut être tenue pour établie au vu des précisions qu'elle donne et du document qu'elle verse au dossier, dont la force probante et le caractère d'authenticité sont insuffisants ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne peut, en l'état, qu'être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MmeD..., d'une part, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et d'autre part, n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 janvier 2015 en tant qu'il statue sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est annulé.

Article 2 : La demande tendant à l'annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et le surplus de la requête de Mme D...sont rejetés.

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N° 15VE04061 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE04061
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : MARIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-07-07;15ve04061 ?
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