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19/10/2017 | FRANCE | N°16VE02007

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 19 octobre 2017, 16VE02007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise d'annuler les décisions nées du silence gardé par le préfet de police sur ses demandes datées du 20 février 2013, tendant à l'abrogation de l'arrêté du 17 janvier 1989 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1407583 du 10 mai 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 29 juin 2016, et un mémoire, enregistré le 24 mars 2017, M.B..., représenté par Me Wagne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise d'annuler les décisions nées du silence gardé par le préfet de police sur ses demandes datées du 20 février 2013, tendant à l'abrogation de l'arrêté du 17 janvier 1989 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1407583 du 10 mai 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2016, et un mémoire, enregistré le 24 mars 2017, M.B..., représenté par Me Wagner, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° " de confirmer l'abrogation de l'arrêté ministériel pris à mon encontre par le préfet de police en date du 17 janvier 1989 " ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Wagner renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le juge du fond a apprécié de manière inexacte sa situation au regard du contrôle de proportionnalité de la menace à l'ordre public au regard de sa vie privée et familiale ; il n'a jamais usurpé l'identité de son frère ni n'a été interpellé en 2005 en République tchèque ; son arrestation de 2012 en Pologne ne saurait, sans erreur manifeste d'appréciation, justifier le refus d'abroger un arrêté d'expulsion pris le 17 janvier 1989 ;

- une atteinte disproportionnée est portée à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de ses liens avec son enfant né en 2001 de nationalité française et sa compagne, compatriote titulaire d'une carte de résident, et l'enfant de cette dernière ;

- le refus d'abroger l'arrêté d'expulsion méconnait l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de père d'enfant français ;

- il méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnait l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnait manifestement les dispositions des articles L. 521-3 et L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de structures adaptées de traitement de son état de santé au Congo ; en raison de cet état de santé, il méconnait

l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2017, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- et les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 22 novembre 1960, a, par deux courriers du 20 février 2013, demandé au préfet de police et au préfet des Hauts-de-Seine d'abroger l'arrêté du

17 janvier 1989 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ; qu'il relève appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet nées du silence gardé sur ces deux demandes ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 524-2 : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen (...). L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 524-1 du même code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par l'autorité qui l'a pris. / L'abrogation d'un arrêté d'expulsion pris, avant l'entrée en vigueur du décret n° 97-24 du 13 janvier 1997, par le ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, désormais codifiées à l'article

L. 521-1, et après accomplissement des formalités prévues par les dispositions de l'article 24 de la même ordonnance, désormais codifiées à l'article L. 522-1, relève de la compétence du préfet du département dans le ressort duquel l'étranger avait sa résidence à la date de l'arrêté d'expulsion. A Paris, le préfet compétent est le préfet de police. " ; qu'aux termes de l'article

R. 524-2 du même code : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion vaut décision de rejet. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) " ;

4. Considérant que l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. B...était fondé notamment sur des vols, escroqueries, tentatives d'escroqueries et de falsifications de documents administratifs et usage de ces documents ; que si M. B...soutient qu'il a purgé la peine à laquelle il a été condamné pour les faits qui lui ont valu d'être expulsé du territoire français en 1992, qu'il s'est désormais amendé et qu'il vit maritalement avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour de 10 ans et leur fils de nationalité française né le

2 janvier 2001, il n'établit pas par les pièces qu'il produit, notamment une attestation du 28 juillet 2013 de sa compagne indiquant une résidence commune seulement depuis le 20 octobre 2010, la réalité et l'intensité des liens familiaux dont il se prévaut, à la date du 21 juin 2013, date à laquelle est née la décision implicite attaquée de rejet de sa demande d'abrogation ; qu'eu égard à la nature et à la gravité des faits relevés par le préfet de police à la date de la décision implicite attaquée qui lui reproche de n'avoir pas respecté la mesure d'assignation à résidence à Gennevilliers prise par le préfet des Hauts-de-Seine le 7 décembre 2012 et d'avoir en Pologne en juin 2013, notamment, fait usage de faux passeport français, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

5. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il s'occupe de son enfant notamment de sa scolarité, il se borne à produire des attestations de proches et du collège où est scolarisé son fils, au demeurant postérieures à la décision implicite attaquée ; qu'il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que la décision attaquée aurait méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du même code dans sa version applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. (...) " ;

7. Considérant que si ces dispositions font obstacle à ce qu'une mesure d'expulsion puisse être prise à l'encontre d'un étranger se trouvant dans l'un des cas qu'elles définissent, elles n'ont en revanche pas pour objet d'ouvrir droit à l'abrogation d'une mesure d'expulsion antérieurement prise à l'encontre d'un étranger, fût-il dans l'un de ces cas, ni de définir les critères au vu desquels l'autorité administrative doit se prononcer pour abroger une telle mesure d'expulsion ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées sont inopérants s'agissant de la légalité de la décision implicite du 21 juin 2013 refusant l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 17 janvier 1989 ;

8. Considérant que M. B...ne saurait invoquer utilement les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant qui ne créent d'obligations qu'entre les États ;

9. Considérant qu'il appartient à l'autorité compétente, saisie d'une demande d'abrogation d'une mesure d'expulsion antérieurement prise, d'apprécier si la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue à la date à laquelle il se prononce une menace grave pour l'ordre public ; qu'il ressort des pièces du dossier, alors même que l'intéressé a été assigné à résidence en raison de graves problèmes de santé nécessitant des soins en France pour deux ans ainsi qu'il ressort de l'avis du 14 septembre 2012 du médecin de l'agence régionale de santé, que le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation, ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en estimant que la présence du requérant sur le territoire français constituait toujours une menace grave pour l'ordre public ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. M. B...est rejetée.

N° 16VE02007 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02007
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-06 Étrangers. Expulsion. Abrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : WAGNER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-19;16ve02007 ?
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