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09/04/1970 | FRANCE | N°68-92282

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 avril 1970, 68-92282


REJET DES POURVOIS DE : 1° X... (ANDRE) ;

2° Y... (ACHILLES) ;

3° Z... (RENE) ;

4° A... (ERNEST), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, EN DATE DU 4 JUILLET 1968, LEQUEL ARRET LES A CONDAMNES POUR FRAUDES FISCALES SAVOIR, X... A 1500 FRANCS D'AMENDE, Y... A 3000 FRANCS D'AMENDE, Z... A 4000 FRANCS D'AMENDE ET A... A 10000 FRANCS D'AMENDE ET CHACUN A LA PUBLICATION ET A L'AFFICHAGE DE LA DECISION ;

LA COUR, VU LA CONNEXITE, JOINT LES POURVOIS ;

VU LES MEMOIRES PRODUITS A L'APPUI DES POURVOIS ET EN DEFENSE PAR L'ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS DI

RECTES ;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRODUIT PAR Z... AU SOUTIEN DE SON POU...

REJET DES POURVOIS DE : 1° X... (ANDRE) ;

2° Y... (ACHILLES) ;

3° Z... (RENE) ;

4° A... (ERNEST), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, EN DATE DU 4 JUILLET 1968, LEQUEL ARRET LES A CONDAMNES POUR FRAUDES FISCALES SAVOIR, X... A 1500 FRANCS D'AMENDE, Y... A 3000 FRANCS D'AMENDE, Z... A 4000 FRANCS D'AMENDE ET A... A 10000 FRANCS D'AMENDE ET CHACUN A LA PUBLICATION ET A L'AFFICHAGE DE LA DECISION ;

LA COUR, VU LA CONNEXITE, JOINT LES POURVOIS ;

VU LES MEMOIRES PRODUITS A L'APPUI DES POURVOIS ET EN DEFENSE PAR L'ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS DIRECTES ;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRODUIT PAR Z... AU SOUTIEN DE SON POURVOI ET COMMUN AUX POURVOIS DE Y... (PREMIER MOYEN) ET DE X... (PREMIER MOYEN) ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 5 DU CODE PENAL, 1 ET 39 DE L'ORDONNANCE N° 45-1484 DU 30 JUIN 1945, 1835 ET 1837 DU CODE GENERAL DES IMPOTS (1741 ACTUEL), 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A CONDAMNE LE PREVENU POUR DES FRAUDES FISCALES REALISEES AU MOYEN DE VENTES SANS FACTURES VENAIT DE FAIRE L'OBJET D'UNE CONDAMNATION DISTINCTE ;

ALORS QUE L'APPLICATION DU PRINCIPE DU NON-CUMUL DES PEINES L'OBLIGEAIT A JOINDRE LES INSTANCES POUR NE PRONONCER QU'UNE SEULE CONDAMNATION ET QU'IL EN EST D'AUTANT PLUS AINSI QUE LES VENTES SANS FACTURES CONSTITUAIENT UNE CIRCONSTANCE AGGRAVANTE DE LA FRAUDE FISCALE ET QUE LES FAITS DEVAIENT ETRE ENVISAGES SOUS LEUR PLUS HAUTE EXPRESSION PENALE ;

ATTENDU QUE LES DEMANDEURS ONT FAIT L'OBJET DE DEUX POURSUITES DISTINCTES, L'UNE SUR LA PLAINTE DU DIRECTEUR DU COMMERCE INTERIEUR POUR VENTES SANS FACTURES, INFRACTION PREVUE ET PUNIE PAR LES ORDONNANCES 1483 ET 1484 DU 30 JUIN 1945, L'AUTRE SUR LA PLAINTE DU MINISTRE DES FINANCES SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES 1835 ET SUIVANTS DU CODE GENERAL DES IMPOTS (ARTICLE 1741 ET SUIVANTS DE LA CODIFICATION ACTUELLE), QUE CES DEUX POURSUITES ONT ABOUTI A DES CONDAMNATIONS DISTINCTES, CELLES POUR FRAUDES FISCALES PAR L'ARRET ATTAQUE ;

ATTENDU QUE LES GRIEFS ENONCES AU MOYEN NE SAURAIENT ETRE RETENUS ;

QUE LE MINISTERE PUBLIC NE SE TROUVAIT PAS EN EFFET DANS L'OBLIGATION DE RECOURIR A UNE PROCEDURE UNIQUE PAS PLUS QUE LES JURIDICTIONS SAISIES D'ORDONNER LA JONCTION DES PROCEDURES QUAND BIEN MEME LES OMISSIONS COMPTABLES ET LE DEFAUT DE FACTURATION, OBJET DES POURSUITES POUR INFRACTIONS A LA LEGISLATION ECONOMIQUE (ORDONNANCE DU 30 JUIN 1945) AIENT PU CONSTITUER L'UN DES ELEMENTS MATERIELS DE L'INFRACTION FISCALE OU UNE CAUSE D'AGGRAVATION DE CELLE-CI ;

QUE LA SEULE OBLIGATION QUI S'IMPOSAIT AU JUGE REPRESSIF ETAIT DE RESPECTER LE MONTANT MAXIMUM DES PEINES PREVUES PAR LES TEXTES APPLIQUES ET D'ORDONNER, S'ILS L'ESTIMAIENT OPPORTUN, LA CONFUSION DES CONDAMNATIONS QU'ILS PRONONCAIENT ;

ATTENDU QU'ILS ONT SATISFAIT A CETTE OBLIGATION ;

QUE DES LORS LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE ;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :
PROPRE AU POURVOI DEA... ET PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 46 DE L'ORDONNANCE N° 45-1483 DU 30 JUIN 1945, DE L'ARTICLE 39 DE L'ORDONNANCE 45-1484 DU MEME JOUR, ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, DEFAUT DE REPONSE AUX CONCLUSIONS, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, POUR DECLARER A... COUPABLE DU DELIT DE VENTE SANS FACTURE S'EST FONDE ESSENTIELLEMENT SUR LE CARNET ETABLI PAR UN SIEUR B... ET SUR LES AVEUX FAITS PAR DES CO-INCULPES ;

ALORS QUE, D'UNE PART, L'ARRET ATTAQUE RECONNAIT LUI-MEME QUE CE CARNET NE PEUT FAIRE PREUVE D'UNE MANIERE INTRINSEQUE A L'EGARD DES PREVENUS QUI N'ONT PAS PARTICIPE A SA CONFECTION ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'IL EST DE JURISPRUDENCE CONSTANTE QUE LES DOCUMENTS OU AFFIRMATIONS EMANANT D'UN CO-INCULPE NE PEUVENT CONSTITUER UN ELEMENT DE PREUVE A L'ENCONTRE DE TOUT AUTRE CO-INCULPE ;

ALORS, ENFIN, QUE LA COUR N'A PAS REPONDU A L'ARGUMENTATION DETAILLEE CONTENUE DANS LA NOTE DE DELIBERE VALANT CONCLUSIONS DEPOSEES PAR A..., ET QUI DEMONTRAIT LES PROFONDES INEXACTITUDES CONTENUES DANS LE CARNET B... ET DANS LES FEUILLES VOLANTES CONCERNANT LA DISTINCTION ENTRE LES SOMMES INDIQUEES AU FRANC ET AU CENTIME QUI CORRESPONDENT, DANS L'ENSEMBLE, AUX SOMMES PORTEES EN COMPTABILITE, ET LES SOMMES ARRONDIES QUI CORRESPONDRAIENT A DES OPERATIONS OCCULTES, MANQUE TOTALEMENT DE PERTINENCE, CETTE DISTINCTION PROUVANT, PAR ELLE-MEME, LE CARACTERE FANTAISISTE DE CES DERNIERES INSCRIPTIONS ;

ATTENDU QUE LE MOYEN SE BORNE A DISCUTER LES ELEMENTS DE FAIT SUR LESQUELS LES JUGES D'APPEL ONT FORME LEUR CONVICTION ;

QU'ILS N'ETAIENT POINT D'AILLEURS TENUS DE REPONDRE AUX ARGUMENTS DE FAIT QUI ONT PU ETRE DEVELOPPES DANS UNE NOTE REMISE EN COURS DE DELIBERE ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :
PRODUIT AU SOUTIEN DU POURVOI DE X... ET COMMUN AUX POURVOIS DE Y... (DEUXIEME MOYEN) ET DE A... (PREMIER MOYEN) ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS, 1351 DU CODE CIVIL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE,EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE LE PREVENU COUPABLE DE FRAUDE FISCALE POUR S'ETRE FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT AU PAYEMENT D'IMPOTS PAR LE MOYEN DE VENTES SANS FACTURES ET D'OMISSION DES ECRITURES CORRESPONDANTES AUXDITES VENTES, SANS AVOIR EGARD A L'EXCEPTION DE CHOSE JUGEE PAR LUI TIREE DE CE QUE PAR DEUX ARRETS DU 6 DECEMBRE 1967 LE CONSEIL D'ETAT A DECLARE INJUSTIFIEES, AU MOTIF NOTAMMENT QU'IL NE RESSORTAIT PAS DU DOSSIER QUE LE REDEVABLE AIT OPERE DES VENTES SANS FACTURES, LES IMPOSITIONS SUPPLEMENTAIRES MISES A LA CHARGE DU REDEVABLE EN CONSEQUENCE DES VENTES SANS FACTURES INCRIMINEES ET AUXQUELLES LE PREVENU SE SERAIT FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT ;

AUX MOTIFS QUE, DANS LA PROCEDURE PENALE, LE CAHIER DIT COMMISSIONS C... CONSTITUE UNE PIECE A CONVICTION VALABLE ET PROBANTE, PROPRE AUX POURSUITES PENALES ET INDEPENDANTES DES MOYENS DE PREUVE UTILISES DEVANT LES JURIDICTION ADMINISTRATIVES ET FISCALES ;

ET QUE CES DERNIERES RECHERCHENT UNE ASSIETTE D'IMPOSITION TANDIS QUE LA JURIDICTION REPRESSIVE SE BORNE A CONSTATER QUE LES DISSIMULATIONS D'ECRITURES ET DES FALSFICATIONS DE COMPTABILITE SONT INTERVENUES ;

ALORS QUE D'UNE PART, SI LES POURSUITES PENALES INSTAUREES SUR LES BASES DE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS ET LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE TENDANT A LA FIXATION DE L'ASSIETTE ET DE L'ETENDUE DES IMPOSTIONS SONT PAR LEUR NATURE ET LEUR OBJET DIFFERENTES ET INDEPENDANTES L'UNE ET L'AUTRE, LE DELIT DE FRAUDE FISCALE RETENU CONTRE LE PREVENU N'EN SUPPOSE PAS MOINS QU'IL SE SOIT FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT AU PAYEMENT D'IMPOTS, SI BIEN QUE LE JUGE PENAL NE SAURAIT MECONNAITRE QUANT A CET ELEMENT CONSTITUTIF DU DELIT LA DECISION DU JUGE ADMINISTRATIF, PORTANT SUR LE MEME OBJET, SELON LAQUELLE AUCUN DES IMPOTS AUXQUELS LE PREVENU EST ACCUSE DE S'ETRE FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT N'A ETE ELUDE ;

ALORS QUE D'AUTRE PART, LA CAUSE DES DEMANDEURS DE L'ADMINISTRATION TANT DEVANT LE JUGE DE L'IMPOT QUE DEVANT LE JUGE PENAL RESIDE DANS L'EXISTENCE DE VENTES SANS FACTURES ET DES DISSIMULATIONS D'ECRITURES Y AFFERENTES, SANS QUE LES ELEMENTS DE PREUVE EMPLOYES DEVANT L'UNE OU L'AUTRE JURIDICTION PUISSENT SERVIR A DETERMINER SI LA DECISION DU PREMIER S'IMPOSE AU SECOND AVEC LA FORCE DE LA CHOSE JUGEE, L'ADMINISTRATION NE POUVANT DU RESTE QUE S'EN PRENDRE A ELLE-MEME DE N'AVOIR PAS PRODUIT DEVANT LE JUGE DE L'IMPOT LE CAHIER DIT COMMISSIONS C... QU'ELLE N'A DU RESTE PAS NEANMOINS MANQUE D'UTILISER LARGEMENT DEVANT LUI ;

ET ALORS ENFIN QUE LE JUGE REPRESSIF EST LIE PAR LES DECISIONS DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE, LORSQUE, COMME C'EST LE CAS EN L'ESPECE, LA POURSUITE NE PEUT ETRE ENGAGEE QUE SUR LA PLAINTE DE LA PARTIE LESEE ET QUE LE FAIT DENONCE PAR CELLE-CI A ETE REPOUSSE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE DANS UNE INSTANCE OU ELLE ETAIT PARTIE ;

ATTENDU QUE POUR REPONDRE AUX CONCLUSIONS DES DEMANDEURS X... ET Y... TENDANT A FAIRE ADMETTRE L'EXCEPTION DE CHOSE JUGEE, TIREE DE L'EXISTENCE D'ARRETS DU COMSEIL D'ETAT REJETANT LES POURVOIS FORMES PAR LE MINISTRE DES FINANCES CONTRE DEUX DECISIONS DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE ANNULANT LES TITRES DE PERCEPTION ETABLIS A L'ENCONTRE DE LA SOCIETE INDUSTRIELLE DE TANNERIE ET DE MAROQUINERIE, ETANT ICI OBSERVE QU'EN CE QUI CONCERNE A..., UN ARRET DU CONSEIL D'ETAT N'EST INTERVENU DANS LE MEME SENS QU'APRES QUE LA DECISION ATTAQUEE PAR LE PRESENT POURVOI AIT ETE RENDUE, LES JUGES D'APPEL ENONCENT QUE LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FISCALES RECHERCHENT UNE ASSIETTE D'IMPOSITION PAR LES MOYENS QUI LEUR SONT PROPRES, QUE DANS LES PRESENTES POURSUITES PENALES, LE CAHIER DIT COMMISSIONS C... CONSTITUE UNE PIECE A CONVICTION VALABLE ET PROBANTE ;

QU'IL S'AGIT D'UN MOYEN DE PREUVE PROPRE AUX POURSUITES PENALES ET INDEPENDANT DE CEUX UTILISES DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES, QUE PRESENTEMENT, LA COUR D'APPEL SANS ETRE TENUE DE FIXER LE MONTANT DES REHAUSSEMENTS SOLLICITES PAR L'ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS DIRECTES SE BORNE A CONSTATER, CE QUI NE DONNE LIEU A DISCUSSION, QUE DES DISSIMULATIONS D'ECRITURES ET DES FALSIFICATIONS DE COMPTABILITE SONT INTERVENUES ET QUE LES DISSIMULATIONS D'IMPOTS SONT SUPERIEURES A 10% DES DECLARATIONS OU QUE LES SOMMES DISSIMULEES SONT SUPERIEURES A 1000 FRANCS ;

QU'AINSI L'AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE AU POINT DE VUE ADMINISTRATIF NE PEUT ETRE VALABLEMENT RETENUE ;

ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A FAIT UNE EXACTE APPLICATION DES TEXTES VISES AU MOYEN ;

ATTENDU EN EFFET, QUE LES POURSUITES PENALES INSTAUREES SUR LES BASES DE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS ET LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE TENDANT A LA FIXATION DE L'ASSIETTE ET DE L'ETENDUE DES IMPOSITIONS SONT, PAR LEUR NATURE ET LEUR OBJET, DIFFERENTES ET INDEPENDANTES L'UNE DE L'AUTRE ;

QUE LA MISSION DU JUGE QUI SE PRONONCE SUR UNE POURSUITE INTENTEE EN VERTU DE L'ARTICLE 1741 SE BORNE A RECHERCHER SI LE PREVENU A ECHAPPE OU A TENTE D'ECHAPPER A L'IMPOT PAR DES MANOEUVRES REPREHENSIBLES ET POUR DES SOMMES DEPASSANT LA TOLERANCE LEGALE ;

QUE SI, AVANT QU'IL SE SOIT PRONONCE SUR CES POINTS, INTERVIENT UNE DECISION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE PAR LAQUELLE SONT DEFINITIVEMENT ANNULES LES TITRES DE PERCEPTION ETABLIS, SUR REHAUSSEMENTS, PAR L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, CETTE DECISION NE FAIT PAS OBSTACLE A UNE CONDAMNATION PAR LE JUGE REPRESSIF SUR LA BASE DE L'ARTICLE 1741 SUSVISE ;

QU'EN EFFET LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE NE SE PRONONCE QUE SELON LES REGLES DE PREUVE QUI LUI SONT PROPRES ET QU'AU REGARD D'UNE IMPOSITION POURSUIVIE SUR UN TITRE DE PERCEPTION, ALORS QUE DANS LES POURSUITES PENALES, LA DISSIMULATION PEUT ETRE ETABLIE PAR TOUS LES MOYENS DE PREUVE CONCOURANT A FORMER LA CONVICTION DES JUGES ;

QUE DES LORS LA DECISION ADMINISTRATIVE NE PEUT AVOIR AU PENAL L'AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE, QU'ELLE NE S'IMPOSE PAS AUX JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES, QUI NE SAURAIENT ETRE TENUES D'EN DEDUIRE QUE LE CONTRIBUABLE AINSI EXONERE N'EN A PAS POUR AUTANT FRAUDE OU TENTE DE FRAUDER ;

QU'EN L'ESPECE, LA COUR D'APPEL S'EST FONDEE SUR LES DECLARATIONS DU TEMOIN D..., SUR LES MENTIONS DU CARNET COMMISSIONS C... OU CARNET B... ET SUR L'ENSEMBLE DES PRESOMPTIONS DECOULANT DE LA PROCEDURE, ELEMENTS DE PREUVE DONT ELLE A APPRECIE SOUVERAINEMENT LA VALEUR ;

QU'AINSI ELLE A JUSTIFIE SA DECISION PAR LES MOTIFS QU'ELLE A DONNES, QUI NE PRESENTENT NI INSUFFISANCE NI CONTRADICTION QUELLE QU'AIT PU ETRE LA DECISION, ETRANGERE A LA POURSUITE PENALE, DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE EN MATIERE DE DETERMINATION DES BASES D'IMPOSITION ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE ;

REJETTE LES POURVOIS.

Sur le second moyen de cassation produit au soutien du pourvoi de X... et commun aux pourvois de Y... (deuxième moyen) et de A... (premier moyen) et pris de la violation des articles 1741 du Code général des impots, 1351 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,

"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale pour s'être frauduleusement soustrait au payement d'impôts par le moyen de ventes sans factures et d'omission des écritures correspondantes auxdites ventes, sans avoir égard à l'exception de chose jugée par lui tirée de ce que par deux arrêts du 6 décembre 1967 le Conseil d'Etat a déclaré injustifiées, au motif notamment qu'il ne ressortait pas du dossier que le redevable ait opéré des ventes sans factures, les impositions supplémentaires mises à la charge du redevable en conséquence des ventes sans factures incriminées et auxquelles le prévenu se serait frauduleusement soustrait ; aux motifs que, dans la procédure pénale, le cahier dit "Commissions C..." constitue une pièce à conviction valable et probante, propre aux poursuites pénales et indépendantes des moyens de preuve utilisés devant les juridictions administratives et fiscales ; "Et que ces dernières recherchent une assiette d'imposition tandis que la juridiction répressive se borne à constater que les dissimulations d'écritures et des falsifications de comptabilité sont intervenues ;

"Alors que d'une part, si les poursuites pénales instaurées sur les bases de l'article 1741 du Code général des impôts et la procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette et de l'étendue des impositions sont par leur nature et leur objet différentes et indépendantes l'une et l'autre, le délit de fraude fiscale retenu contre le prévenu n'en suppose pas moins qu'il se soit frauduleusement soustrait au payement d'impôts, si bien que le juge pénal ne saurait méconnaître quant à cet élément constitutif du délit la décision du juge administratif, portant sur le même objet, selon laquelle aucun des impôts auxquels le prévenu est accusé de s'être frauduleusement soustrait n'a été éludé ; "Alors que d'autre part, la cause des demandeurs de l'Administration tant devant le juge de l'impôt que devant le juge pénal réside dans l'existence de ventes sans factures et des dissimulations d'écritures y afférentes, sans que les éléments de preuve employés devant l'une ou l'autre juridiction puissent servir à déterminer si la décision du premier s'impose au second avec la force de la chose jugée, l'Administration ne pouvant du reste que s'en prendre à elle même de n'avoir pas produit devant le juge de l'impôt le cahier dit "Commissions C..." qu'elle n'a du reste pas néanmoins manqué d'utiliser largement devant lui ; "Et alors enfin que le juge répressif est lié par les décisions de la juridiction administrative, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la poursuite ne peut être engagée que sur la plainte de la partie lésée et que le fait dénoncé par celle-ci a été repoussé par la juridiction administrative dans une instance où elle était partie" ;

Attendu que pour répondre aux conclusions des demandeurs X... et Y... tendant à faire admettre l'exception de chose jugée, tirée de l'existence d'arrêts du Conseil d'Etat rejetant les pourvois formés par le ministre des Finances contre deux décisions du Tribunal administratif de Toulouse annulant les titres de perception établis à l'encontre de la société industrielle de Tannerie et de maroquinerie, étant ici observé qu'en ce qui concerne A..., un arrêt du Conseil d'Etat n'est intervenu dans le même sens qu'après que la décision attaquée par le présent pourvoi ait été rendue, les juges d'appel énoncent que les juridictions administratives et fiscales recherchent une assiette d'imposition par les moyens qui leur sont propres, que dans les présentes poursuites pénales, le cahier dit "Commissions C..." constitue une pièce à conviction valable et probante ; qu'il s'agit d'un moyen de preuve propre aux poursuites pénales et indépendant de ceux utilisés devant les juridictions administratives, que présentement, la Cour d'appel sans être tenue de fixer le montant des réhaussements sollicités par l'Administration des Contributions directes se borne à constater, ce qui ne donne lieu à discussion, que les dissimulations d'écritures et des falsifications de comptabilité sont intervenues et que les dissimulations d'impôts sont supérieures à 10 % des déclarations ou que les sommes dissimulées sont supérieures à 1000 francs ; qu'ainsi l'autorité de la chose jugée au point de vue administratif ne peut être valablement retenue ; Attendu qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen ;

Attendu en effet, que les poursuites pénales instaurées sur les bases de l'article 1741 du Code général des impôts et la procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette et de l'étendue des impositions sont, par leur nature et leur objet, différentes et indépendantes l'une de l'autre ; Que la mission du juge qui se prononce sur une poursuite intentée en vertu de l'article 1741 se borne à rechercher si le prévenu a échappé ou a tenté d'échapper à l'impôt par des manoeuvres répréhensibles et pour des sommes dépassant la tolérance légale ; que si, avant qu'il se soit prononcé sur ces points, intervient une décision de la juridiction administrative par laquelle sont définitivement annulés les titres de perception établis, sur rehaussements, par l'administration des impôts, cette décision ne fait pas obstacle à une condamnation par le juge répressif sur la base de l'article 1741 susvisé ;

Qu'en effet la juridiction administrative ne se prononce que selon les règles de preuve qui lui sont propres et qu'au regard d'une imposition poursuivie sur un titre de perception, alors que dans les poursuites pénales, la dissimulation peut être établie par tous les moyens de preuve concourant à former la conviction des juges ; que dès lors la décision administrative ne peut avoir au pénal l'autorité de la chose jugée, qu'elle ne s'impose pas aux juridictions correctionnelles, qui ne sauraient être tenues d'en déduire que le contribuable ainsi exonéré n'en a pas pour autant fraudé ou tenté de frauder ; Qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est fondée sur les déclarations du témoins D..., sur les mentions du carnet "Commissions C... ou "Carnet B..." et sur l'ensemble des présomptions découlant de la procédure, éléments de preuve dont elle a apprécié souverainement la valeur ; Qu'ainsi elle a justifié sa décision par les motifs qu'elle a donnés, qui ne présentent ni insuffisance ni contradiction quelle qu'ait pu être la décision, étrangère à la poursuite pénale, de la juridiction administrative en matière de détermination des bases d'imposition ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 68-92282
Date de la décision : 09/04/1970
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) CUMUL IDEAL D'INFRACTIONS - Contributions directes - Faits constituant à la fois une infraction fiscale et une infraction de droit commun - Poursuites distinctes - Peines applicables.

CONTRIBUTIONS DIRECTES - Pénalités - Cumul idéal d'infractions - Faits constituant à la fois une infraction fiscale et une infraction de droit commun - Poursuites distinctes - Peines applicables - * CUMUL IDEAL D'INFRACTIONS - Contributions directes - Faits constituant à la fois une infraction fiscale et une infraction de droit commun - Poursuites distinctes - Peines applicables.

Lorsque des poursuites ont été exercées distinctement pour des faits constituant d'une part un délit de droit commun (infraction à la législation économique) et d'autre part un délit fiscal, c'est à bon droit que les juges répressifs ont prononcé deux condamnations, la seule obligation qui leur est imposée étant celle de respecter le maximum des peines prévues, sauf à ordonner, s'ils l'estiment utile la confusion des peines.

2) CONTRIBUTIONS DIRECTES - Fraude fiscale - Dissimulation - Décision des juridictions administratives annulant le titre de perception - Autorité sur les poursuites répressives (non).

CHOSE JUGEE - Décision administrative - Contributions directes - Fraude fiscale - Dissimulation - Décision des juridictions administratives annulant le titre de perception - Autorité de la chose jugée sur les poursuites répressives (non) - * CONTRIBUTIONS DIRECTES - Fraude fiscale - Action publique - Contestation sur l'assiette et l'étendue de l'impôt - Décisions des juridictions administratives annulant le titre de perception - Autorité de la chose jugée sur les poursuites répressives (non) - * CONTRIBUTIONS DIRECTES - Procédure - Action publique - Contestation sur l'assiette et l'étendue de l'impôt - Décisions des juridictions administratives annulant le titre de perception - Autorité de la chose jugée sur les poursuites répressives (non).

Les poursuites pénales instaurées sur les bases de l'article 1835 du Code général des impôts (devenu l'article 1741 du même code), et la procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette et de l'étendue des impositions sont, par leur nature et leur objet différentes et indépendantes l'une de l'autre (1). La décision de la juridiction administrative ne peut avoir au pénal l'autorité de la chose jugée et ne saurait s'imposer aux juridictions correctionnelles. Dès lors, l'intervention d'une décision de la juridiction administrative par laquelle sont définitivement annulés des titres de perception établis par l'administration des impôts ne saurait faire échec à une condamnation définitive prononcée par le juge répressif sur la base de l'article 1835 du Code général des impôts (actuellement article 1741 du même Code).


Références :

(2)
CGI 1741 REJET

Décision attaquée : Cour d'appel Toulouse, 04 juillet 1968

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1968-05-16 Bulletin Criminel 1968 N. 161 p.391 (CASSATION) et l'arrêt cité. (2) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1969-01-09 Bulletin Criminel 1969 N. 20 p.39 (REJET). (2) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1970-04-09 Bulletin Criminel 1970 N. 113 p.260 (REJET)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 avr. 1970, pourvoi n°68-92282, Bull. crim. N. 114 P. 262
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 114 P. 262

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Rolland
Avocat général : Av.Gén. M. Barc
Rapporteur ?: Rpr M. Mazard
Avocat(s) : Av. Demandeur : MM. Lyon-Caen, Calon, Célice, Joly

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1970:68.92282
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