La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/1986 | FRANCE | N°86-90177

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 1986, 86-90177


REJET du pourvoi formé par :
- X... Robert,
- la Société Presse-Alliance,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris (11e Chambre) du 20 novembre 1985, qui, dans les poursuites exercées contre eux pour infraction à l'ordonnance du 26 août 1944 sur l'organisation de la presse française, a rejeté l'exception d'immunité parlementaire et renvoyé les débats à une audience ultérieure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du 10 février 1986 par laquelle le président de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a dit que l'intérêt de l'ordre public et celui d'une bonne admi

nistration de la justice commandaient l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémo...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Robert,
- la Société Presse-Alliance,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris (11e Chambre) du 20 novembre 1985, qui, dans les poursuites exercées contre eux pour infraction à l'ordonnance du 26 août 1944 sur l'organisation de la presse française, a rejeté l'exception d'immunité parlementaire et renvoyé les débats à une audience ultérieure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du 10 février 1986 par laquelle le président de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a dit que l'intérêt de l'ordre public et celui d'une bonne administration de la justice commandaient l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 4 de l'acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants de l'Assemblée des communautés européennes, 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des communautés européennes du 8 avril 1965, 26 de la Constitution française du 4 octobre 1958, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le demandeur, qui a la qualité de parlementaire européen, ne pouvait se prévaloir de l'immunité qui y est attachée ;
" aux motifs qu'il résulte de l'article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des communautés européennes que pendant la durée des sessions de l'Assemblée, les membres de celle-ci bénéficient sur leur territoire national des immunités reconnues aux membres du Parlement de leur pays ; que les demandeurs à l'exception soutiennent que ce texte doit être interprété à la lumière des règles du droit communautaire particulières à cette immunité et que, seule, la Cour de Justice des communautés européennes peut et doit interpréter ce texte, mais que cette interprétation ne rend pas indispensable une telle consultation ; qu'en effet, ce texte renvoie en matière d'immunité parlementaire et dans le cas considéré au droit positif français ; qu'à cet égard, il résulte de l'article 26 de la Constitution française du 4 octobre 1958 que les poursuites exercées contre un membre du Parlement, si elles sont commencées à une date où le parlementaire n'était pas encore investi de cette qualité, sont recevables et peuvent être régulièrement continuées postérieurement à son élection et pendant les sessions même sans autorisation de l'Assemblée dont il fait partie tant que celle-ci n'en requiert pas la suspension ; qu'en l'espèce, les poursuites ont été commencées le 21 avril 1983, c'est-à-dire antérieurement à l'élection du prévenu intervenue le 19 juin 1984, que postérieurement à cette date, elles ont pu, toujours selon le droit positif français applicable à l'espèce, être régulièrement continuées même durant les sessions de l'Assemblée européenne sans autorisation de celle-ci et sans levée de l'immunité parlementaire, tant que cette Assemblée n'en a pas requis la suspension, ce qui, en l'état, ne lui a pas été demandé ;
" alors que, d'une part, dans ses conclusions d'appel, le prévenu soutenait que si l'article 10 du Protocole européen renvoie effectivement aux immunités reconnues aux membres du Parlement du pays des parlementaires européens pour accorder à ces derniers une immunité pendant la durée des sessions, l'article 26 de la Constitution française de 1958 et la jurisprudence de la Cour de Cassation française élaborée à partir de ce texte ne pouvaient s'appliquer automatiquement s'agissant de l'immunité d'un parlementaire européen français faisant l'objet de poursuites en France dès lors que la Constitution française opère, dans son article 26, une distinction entre l'immunité dont jouit un parlementaire pendant la durée des sessions et celle qui lui est reconnue en dehors des sessions tandis que la réglementation européenne ne prévoit aucune procédure de suspension des poursuites ; qu'il y avait donc lieu à interprétation et conciliation entre le droit positif français et le droit communautaire européen ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de motif qui doit entraîner la cassation ;
" alors que, d'autre part, le prévenu soutenait également que le droit communautaire, dans sa primauté sur le droit interne, imposait aux Etats membres de ne prendre aucune mesure susceptible d'entraver le fonctionnement des institutions de la Communauté en sorte que si l'article 10 du Protocole renvoyait aux immunités reconnues aux parlementaires dans leurs pays, il appartenait exclusivement à la Cour de Justice européenne d'interpréter ce renvoi comme impliquant une référence aux seuls textes des Etats membres relatifs à l'immunité parlementaire ou également aux principes posés par la jurisprudence de ces Etats à partir de ces textes ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pour appliquer en l'espèce les seuls principes dégagés par la jurisprudence dominante française en matière d'immunité parlementaire, la Cour a, de nouveau, privé sa décision de motifs " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'à la requête de diverses parties civiles, par exploit introductif d'instance du 21 avril 1983, Robert X... a été cité directement devant le Tribunal correctionnel pour infractions à l'ordonnance du 26 août 1944 sur l'organisation de la presse française ; que la Société Presse-Alliance a été citée en qualité de civilement responsable ;
Que devant la Cour d'appel, statuant sur les appels interjetés par les parties civiles et le Ministère public contre le jugement du Tribunal correctionnel du 14 juin 1984 qui, d'une part, s'était déclaré non saisi d'une infraction à l'article 4 de l'ordonnance précitée et, d'autre part, avait relaxé le prévenu du chef d'infraction aux articles 1er et 7 du même texte puis débouté les parties civiles de leurs demandes, X... et la Société Presse-Alliance ont fait valoir que le prévenu, élu représentant français à l'Assemblée des communautés européennes le 19 juin 1984, bénéficiait, en vertu de l'article 4 § 2 de l'Acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants à cette assemblée des privilèges et immunités applicables à ses membres, prévus par le " Protocole sur les privilèges et immunités des communautés européennes " annexé au Traité du 8 avril 1965, instituant un Conseil unique et une Commission unique desdites communautés ; qu'ils en déduisaient qu'en l'absence d'autorisation de la part de l'Assemblée dont X... faisait désormais partie, de la continuation des poursuites, celles-ci étaient irrecevables, et, subsidiairement, invitaient la Cour d'appel à saisir la Cour de Justice des communautés européennes en application de l'article 177 du Traité C. E. E. ;
Attendu que pour rejeter cette exception en constatant que les poursuites étaient recevables à la date où elles avaient été introduites et le demeuraient malgré l'élection de X..., la Cour d'appel fait observer que l'article 4 § 2 de l'Acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants à l'Assemblée au suffrage universel direct est ainsi rédigé : " les représentants bénéficient des privilèges et immunités applicables aux membres de l'Assemblée en vertu du Protocole sur les privilèges et immunités des communautés européennes annexé au Traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des communautés européennes " ;
Que l'article 10 du Protocole, auquel renvoie cet acte, énonce :
" Pendant la durée de la session de l'Assemblée les membres de celle-ci bénéficient :
" a) Sur le territoire national des immunités reconnues aux membres du Parlement de leur pays ;
" b) Sur le territoire de tout autre Etat membre de l'exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire ;
" L'immunité les couvre également lorsqu'ils se rendent au lieu de réunion de l'Assemblée ou en reviennent ;
" L'immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit de l'Assemblée de lever l'immunité d'un de ses membres " ;
Attendu que les juges, qui relèvent qu'aucun des principes généraux du droit communautaire n'apparaît comme de nature à faire échec à l'article 10 du Protocole susvisé, énoncent qu'il résulte des dispositions précitées que, sur le territoire national et pendant la durée des sessions de l'Assemblée des communautés européennes les membres français de celle-ci bénéficient des immunités reconnues aux membres du Parlement français ; que selon l'article 26 de la Constitution du 4 octobre 1958 :
" aucun membre du Parlement ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée dont il fait partie, sauf en cas de flagrant délit ;
" aucun membre du Parlement ne peut, hors session, être arrêté qu'avec l'autorisation du bureau de l'Assemblée dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit, de poursuite autorisée ou de condamnation définitive ;
" la détention ou la poursuite d'un membre du Parlement est suspendue si l'Assemblée dont il fait partie le requiert " ;
Que la Cour d'appel, constatant que les poursuites ont été commencées le 21 avril 1983, antérieurement à l'élection de X..., intervenue le 19 juin 1984, déduit des textes précités que ces poursuites peuvent être continuées, même pendant la durée de la session de l'Assemblée des communautés européennes, dès lors que ladite Assemblée n'a pas requis leur suspension ;
Attendu, en cet état, que la Cour d'appel qui, dès lors qu'elle statuait sur les chefs des demandes spécifiées dans le dispositif des conclusions qui lui étaient soumises n'était pas tenue de s'expliquer de façon détaillée sur les simples arguments développés dans celles-ci, a, sans insuffisance, justifié sa décision ;
Qu'en effet l'article 10 du Protocole ci-dessus cité auquel renvoie l'article 4 de l'acte du 20 septembre 1976, également précité, précise que, pendant la durée des sessions, les membres de l'Assemblée des communautés européennes bénéficient des " immunités reconnues " aux membres du Parlement de leur pays ; que ces dispositions établissent de façon claire et sans ambiguïté que, pour un fait commis sur le territoire de leur pays, les membres de ladite Assemblée bénéficient des immunités telles qu'elles sont appliquées aux parlementaires nationaux ;
Qu'en l'espèce, dès lors que les poursuites ont été engagées avant que le prévenu n'acquière la qualité de représentant français à l'Assemblée des communautés européennes l'article 26 de la Constitution n'exige, pour la continuation des poursuites pendant les sessions, aucune autorisation de l'Assemblée à laquelle il a ensuite été élu ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 177 du Traité C. E. E. et que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-90177
Date de la décision : 26/06/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Poursuites - Poursuite contre un membre français de l'Assemblée des communautés européennes - Autorisation préalable - Immunité parlementaire - Poursuites antérieures à l'élection (non).

IMMUNITE PARLEMENTAIRE - Poursuites - Poursuite contre un membre français de l'Assemblée des communautés européennes - Poursuite commencée avant l'élection - Continuation - Conditions.

1° Voir le sommaire suivant.

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Traité de Rome - Cour de justice des communautés européennes - Compétence - Interprétation - Cas - Limites.

2° L'article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des communautés européennes annexé au Traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique desdites communautés est un texte clair et dépourvu d'ambiguïté qui dispose que pour un fait commis sur le territoire de leur pays, les membres de l'Assemblée des communautés européennes bénéficient durant les sessions des immunités telles qu'elles sont appliquées aux parlementaires nationaux ; l'application de ce texte n'exige pas pour la Cour de Cassation le recours aux dispositions de l'article 177 du Traité instituant les communautés européennes ; dès lors que la poursuite en cours contre un représentant français à l'Assemblée précitée a été engagée avant qu'il y ait été élu, les dispositions de l'article 26 de la Constitution du 4 octobre 1958 permettent de les continuer sans l'autorisation de ladite Assemblée à moins que celle-ci n'en requière la suspension (1).


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 art. 26

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 novembre 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1949-11-24, bulletin criminel 1949 N° 317 et 318 p. 503 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1953-11-17, bulletin criminel 1953 N° 295 p. 520 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1973-04-11, bulletin criminel 1973 N° 190 p. 455 (Rejet) et les arrêts cités. Cour de Cassation, chambre criminelle, 1983-12-08, bulletin criminel 1983 N° 334 p. 863 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jui. 1986, pourvoi n°86-90177, Bull. crim. criminel 1986 N° 227 p. 574
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 227 p. 574

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général : M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocats : La Société civile professionnelle de Chaisemartin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:86.90177
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award