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28/04/1987 | FRANCE | N°86-96621

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 avril 1987, 86-96621


REJET du pourvoi formé par :
- X... Marcel,
contre un arrêt du 26 novembre 1986 de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui, sur renvoi après cassation, dans une information suivie contre lui du chef d'escroquerie a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 16 janvier 1987 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 106, 107 et 152 du Code de procédure pénal

e, 206 et 593 du même Code, défaut de motifs et manque de base légale :
" e...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Marcel,
contre un arrêt du 26 novembre 1986 de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui, sur renvoi après cassation, dans une information suivie contre lui du chef d'escroquerie a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 16 janvier 1987 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 106, 107 et 152 du Code de procédure pénale, 206 et 593 du même Code, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation du procès-verbal du 27 mars 1985, portant la cote D. 174, par lequel un officier de police judiciaire-agissant en vertu de la commission rogatoire délivrée le 28 février 1985 par le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Grasse-rend compte d'une conversation téléphonique qu'il a eue deux jours plus tôt avec M. Y..., appelé à être entendu comme témoin, au cours de laquelle celui-ci lui a donné des explications sur le rôle prétendument tenu par le demandeur dans les opérations ayant donné lieu à l'ouverture de l'information, et des actes subséquents ;
" aux motifs que " les articles 101 et suivants du Code de procédure pénale précisent les règles selon lesquelles les témoins sont entendus au cours d'une information ; que les actes querellés ne constituent pas des auditions de témoins mais entrent dans la catégorie des actes d'instruction tels qu'ils sont visés à l'article 81 du Code de procédure pénale qui dispose que le juge d'instruction procède à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité " ;
" que le problème de la crédibilité ne se pose pas relativement aux procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire mandatés par le juge d'instruction à l'effet de prendre contact avec une personne qu'il ne peut entendre immédiatement à raison de son éloignement ou pour des motifs tenant à une impossibilité juridique, tel le cas du majeur Z... (sic) de la brigade des recherches d'Aix-en-Provence interrogeant Y..., qui se trouve à l'étranger, par téléphone (procès-verbal constituant la cote D. 174) " (arrêt p. 10, dernier alinéa, p. 11, 1er alinéa et p. 12, alinéa 3) ;
" alors que l'acte accompli par l'officier de police judiciaire le 25 mars 1985 en exécution de la commission rogatoire présentait le caractère d'une audition de témoins ; que le procès-verbal dressé deux jours plus tard par l'officier de police judiciaire relatant, sans aucune garantie d'authenticité, le contenu de cette conversation téléphonique ne pouvait suppléer l'absence d'un procès-verbal régulièrement dressé en présence de l'intéressé relu par celui-ci et revêtu de sa signature, de sorte qu'en omettant de relever ce vice de l'information, la chambre d'accusation a méconnu les textes visés au moyen " ;
Attendu que le compte rendu, sous forme d'un procès-verbal de la communication téléphonique échangée entre un officier de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, et le témoin qu'il était chargé d'entendre ne présente que le caractère d'un rapport, faisant état de renseignements fournis, mais ne saurait être assimilé à un procès-verbal d'audition de témoin dont il ne présente aucun caractère ; que ce même témoin a d'ailleurs, par la suite, été entendu par l'entremise d'une commission rogatoire internationale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur les deuxième et troisième moyens de cassation réunis et pris :
Le deuxième de la violation de l'article 368 du Code pénal, de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 206 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à l'annulation des actes querellés, spécialement des procès-verbaux dressés par des officiers de police judiciaire en exécution de commissions rogatoires délivrées par le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Grasse et retranscrivant les enregistrements sur bandes magnétiques de conversations téléphoniques réalisés par la partie civile, M. A..., ainsi que par les témoins Y... et B... et des actes subséquents " la loi pénale n'entend pas réprimer toutes les formes d'atteinte à la vie privée, mais seulement les atteintes à l'intimité de la vie privée " ;
" que la question essentielle qui se pose est celle de savoir si les conversations dont les enregistrements et la transcription figurent au dossier de la procédure constituent une atteinte à l'intimité de la vie privée ;
" que si l'on se rapporte au contenu de ces conversations, on constate qu'elles ont trait exclusivement aux relations d'affaires entre l'inculpé et la partie civile au moment des faits et qu'il n'est jamais question de la vie intime de l'un ou l'autre des interlocuteurs ;
" en conséquence, que la réalisation de ces enregistrements, puis leur production dans le cadre d'une information ne sont pas faites en violation des articles 368 et suivants du Code pénal (arrêt p. 11, alinéas 4 à 7) ;
" alors, d'une part, que l'article 368 du Code pénal définit le délit d'atteinte volontaire à l'intimité de la vie privée comme celui commis notamment en " écoutant, en enregistrant ou transmettant au moyen d'un appareil quelconque des paroles prononcées dans un lieu privé par une personne sans le consentement de celle-ci " ; qu'en conséquence étaient entachés de nullité les procès-verbaux dressés par des officiers de police judiciaire retranscrivant des enregistrements sur bandes magnétiques de conversations téléphoniques réalisés selon des procédés délictueux en violation de l'article 368 du Code pénal dès lors que les paroles enregistrées à l'insu de leur auteur avaient été prononcées dans un lieu privé ;
" alors, d'autre part, que conformément aux dispositions de l'article 8, premier alinéa, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que si en application de l'alinéa 2 du même article, l'interception de communications téléphoniques peut être ordonnée par le juge d'instruction et réalisée sous son contrôle en vertu des pouvoirs qui sont expressément reconnus à ce magistrat par les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale et encore à la condition que cette interception ne mette en oeuvre aucun artifice ou stratagème et qu'elle n'ait pas pour résultat de compromettre les conditions d'exercice des droits de la défense, elle ne saurait être réalisée par de simples particuliers au moyen de l'enregistrement sur bandes magnétiques de telles communications, en dehors de tout contrôle judiciaire, alors surtout que les conditions dans lesquelles peuvent être effectués et manipulés de tels enregistrements leur enlèvent tout caractère d'authenticité et compromettent par nature l'exercice des droits de la défense, de sorte que leur utilisation dans le cadre d'une procédure pénale méconnaît les dispositions susvisées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " ;
Le troisième de la violation de l'article 1134 du Code civil, des articles 81, 151, 152, 172, 206 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à l'annulation des actes querellés, spécialement des procès-verbaux dressés par des officiers de police judiciaire en exécution de commissions rogatoires délivrées par le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Grasse et retranscrivant les enregistrements sur bandes magnétiques de conversations téléphoniques réalisées par la partie civile, M. A..., ainsi que par les témoins Y... et B..., et des actes subséquents ;
" aux motifs que les " enregistrements litigieux ont été constitués avant le dépôt de toute plainte, à un moment où nul ne pouvait invoquer les droits d'une défense qui n'existait pas ;
" que la production au dossier de l'information par la partie civile ou par des tiers, n'engage que la seule responsabilité des déposants et que l'on ne saurait reprocher ni à une partie civile, ni à des tiers d'avoir violé les droits de la défense d'un inculpé, sauf à estimer que toute démarche d'un plaignant pour démontrer le bien-fondé de ses griefs constituerait en elle-même, une violation des droits de la défense (arrêt p. 12, dernier alinéa, et p. 13, 1er alinéa) ;
" alors, d'une part, qu'il résulte des propres énonciations du procès-verbal établi le 6 juin 1985 (cote D. 254) par lequel l'officier de police judiciaire rendait compte du contenu d'une bande magnétique remise par le témoin Y... à la police genevoise, que la conversation enregistrée par ce dernier avait eu lieu le 28 mars 1985, c'est-à-dire postérieurement à l'ouverture de l'information de sorte qu'en se déterminant au motif général-mais erroné en ce qui concerne ledit enregistrement-que " les enregistrements litigieux ont été constitués avant le dépôt de toute plainte, à un moment où nul ne pouvait invoquer les droits d'une défense qui n'existait pas ", la chambre d'accusation a dénaturé le contenu du procès-verbal critiqué en méconnaissance des dispositions de l'article 1134 du Code civil, et partant, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles 172 et 206 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause que, quelle que soit la date de réalisation des enregistrements litigieux, c'est leur retranscription par des officiers de police judiciaire postérieurement à l'ouverture de l'information et leur utilisation systématique dans le cadre d'une procédure pénale qui violent par nature les droits de la défense ; qu'en effet l'utilisation de ces enregistrements a eu pour résultat, sinon pour but, d'éluder les dispositions légales et les règles générales de procédure relatives tant aux confrontations de l'inculpé avec la partie civile qu'aux auditions de témoins que le juge d'instruction ou ses délégués ne sauraient méconnaître sans compromettre les droits de la défense " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'à l'occasion de l'exécution de commissions rogatoires délivrées dans l'information suivie sur plainte avec constitution de partie civile, déposée le 14 février 1985 par A... contre X... du chef d'escroquerie, la partie civile, ainsi que les témoins, ont remis aux enquêteurs des bandes magnétiques sur lesquelles avaient été enregistrées des conversations ou des communications téléphoniques auxquelles ils avaient participé, relatives aux tractations intervenues entre l'inculpé et ledit A...; que les officiers de police judiciaire ont saisi ces bandes, ont procédé à leur écoute et ont transcrit leur contenu dans des procès-verbaux ;
Attendu que les bandes ainsi saisies constituent des pièces à conviction et que la transcription de leur contenu dans des procès-verbaux n'est que la matérialisation dudit contenu afin d'en permettre la consultation ; que dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que les enregistrements pratiqués ont été réalisés à l'instigation des officiers de police judiciaire ou par eux-mêmes, il ne saurait être imputé à ces derniers aucune violation ni de l'article 368 du Code pénal ni des droits de la défense non plus que de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait de cette saisie et de cette transcription, seuls actes de procédure susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du Code de procédure pénale ;
Qu'en effet les enregistrements contestés qui, en eux-mêmes, ne sont pas des actes de l'information n'ont que la valeur d'indices de preuves, peuvent être discutés par les parties et faire l'objet de toutes mesures d'instruction utiles tant en ce qui concerne leur contenu que les circonstances dans lesquelles ils ont été établis ;
D'où il suit que c'est sans méconnaître les textes visés au moyen que la chambre d'accusation, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, a considéré qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité des pièces critiquées ;
Qu'ainsi les moyens réunis doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-96621
Date de la décision : 28/04/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Saisie - Etendue - Bande magnétique - Enregistrement de conversations par l'un des participants - Caractère - Pièce à conviction - Transcription de l'enregistrement dans un procès-verbal - Nullité (non)

* PREUVE - Indices - Enregistrement sur bande magnétique - Portée

Des bandes magnétiques supportant l'enregistrement, effectué par l'un des participants, de conversations présentent le caractère de pièces à conviction n'ayant que la valeur d'indice de preuve et ne constituent pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en vertu de l'article 172 du Code de procédure pénale ; leur transcription n'est que la matérialisation de leur contenu afin d'en permettre la consultation.


Références :

Code de procédure pénale 81, 151, 172

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 novembre 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1961-03-16 Bulletin criminel 1961, n° 172, p. 332 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 avr. 1987, pourvoi n°86-96621, Bull. crim. criminel 1987 N° 173 p. 462
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 173 p. 462

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonction .
Avocat général : Avocat général :M m e Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocat :la SCP Vier et Barthélémy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.96621
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