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26/04/1988 | FRANCE | N°84-93811

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 avril 1988, 84-93811


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-François,
- la société " Compagnie des huiles usagées ",
contre un arrêt du 6 juillet 1984 de la cour d'appel de Paris (20e chambre) qui, ayant estimé réunis à l'encontre du premier nommé les éléments constitutifs du délit d'homicides involontaires, l'a condamné à des réparations civiles, en déclarant ladite société civilement responsable de son préposé, et a rejeté la demande du prévenu et de son employeur tendant au renvoi de l'affaire devant la juridiction civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande

et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-François,
- la société " Compagnie des huiles usagées ",
contre un arrêt du 6 juillet 1984 de la cour d'appel de Paris (20e chambre) qui, ayant estimé réunis à l'encontre du premier nommé les éléments constitutifs du délit d'homicides involontaires, l'a condamné à des réparations civiles, en déclarant ladite société civilement responsable de son préposé, et a rejeté la demande du prévenu et de son employeur tendant au renvoi de l'affaire devant la juridiction civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 470-1, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir constaté que les dispositions pénales du jugement relaxant X... sont définitives, a rejeté les conclusions du même X... et de la COHU tendant au renvoi de l'affaire devant la juridiction civile, puis dit que les éléments constitutifs du délit d'homicide involontaire sont réunis à l'encontre de X... dans les termes de la citation, le condamnant dès lors à diverses indemnités au profit des parties civiles, la COHU étant en outre dite civilement responsable de son préposé X... ;
" aux motifs que les dispositions pénales du jugement relaxant X... n'étant frappées d'aucun appel sont définitives, mais qu'au regard des appels des parties civiles, la demande de renvoi devant la juridiction civile formée par X... et la COHU, sur le fondement de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, repose sur une interprétation erronée du texte susvisé ; qu'en effet, présentée au principal, elle méconnaît que le renvoi prévu dans ledit article ne peut intervenir que si la relaxe du prévenu est prononcée ; que la Cour ne saurait donc ordonner le renvoi sollicité qu'après examen dans les limites des appels du bien-fondé de la poursuite exercée contre X... pour homicide involontaire, et seulement si la relaxe est confirmée ;
" alors, d'une part, que l'arrêt ne répond pas aux conclusions de X... et de la COHU se prévalant, non seulement de la relaxe définitive de X..., mais essentiellement du fait que les tiers responsables du défaut de signalisation du chantier devaient être mis en cause dans les conditions définies par l'article 470-1-2° du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, et en toute hypothèse que l'arrêt ne pouvait se refuser à un renvoi devant la juridiction civile dès lors qu'il confirmait la relaxe de X... et des fautes de signalisation imputables aux agents des P et T et de la SECT, et constatait que ces personnes étaient absentes de la procédure pénale (arrêt p. 16 § 3) " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X... ayant percuté de plein fouet, au volant d'un camion-citerne appartenant à la " Compagnie des huiles usagées (COHU) ", un chantier de l'administration des P et T qui avait été installé sur la chaussée d'une route nationale par la " Société d'entreprise carrière et transports (SECT) ", cinq personnes travaillant sur ce chantier ont été tuées ; qu'ayant été poursuivi du chef d'homicides involontaires le prévenu a été relaxé par le Tribunal et les parties civiles déboutées ; que seules ces dernières ont relevé appel ;
Attendu que pour écarter la demande de X... et de la Compagnie des huiles usagées tendant à appliquer en l'occurrence les dispositions de l'article 470-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale, qui permettent, quand il apparaît que des tiers responsables doivent être mis en cause, de renvoyer l'affaire devant la juridiction civile compétente, les juges du second degré énoncent que cette demande " repose sur une interprétation erronée de ce texte ; qu'en effet, présentée au principal, elle méconnaît que le renvoi prévu par la loi ne peut intervenir que si est confirmée la relaxe prononcée en première instance " ;
Attendu que les même juges, après avoir constaté qu'en l'absence d'un appel du ministère public les dispositions pénales du jugement sont devenues définitives et qu'ils ne peuvent donc " émettre une déclaration de culpabilité et infliger des peines ", exposent alors les raisons pour lesquelles ils considèrent, à l'inverse du Tribunal, que sont réunis à la charge du prévenu les éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et qu'il convient en conséquence de recevoir les constitutions de partie civile des ayants droit des victimes encore en cause, tout en déclarant la COHU civilement responsable de X... ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ; qu'en effet l'application de l'article 470-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale suppose nécessairement que la juridiction du second degré ait confirmé la relaxe prononcée en première instance, ou, si elle n'avait été saisie que par la partie civile, ait exonéré de toute faute le prévenu ; qu'en revanche elle ne saurait être admise quand, comme en l'espèce, les juges ont au contraire estimé constituée, même si elle ne pouvait plus être réprimée pénalement, l'infraction visée par la poursuite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 1350, 1351, 1382 du Code civil, L. 470 du Code de la sécurité sociale, 2, 3, 495, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que les éléments constitutifs du délit d'homicide involontaire sont réunis à l'encontre de X..., et que celui-ci est entièrement responsable des préjudices causés par le délit aux parties civiles présentes dans l'instance, la COHU étant dite civilement responsable ;
" aux motifs que, malgré l'insuffisance de signalisation du chantier litigieux, l'inattention de X... est flagrante, que sa relaxe a été prononcée à tort par le Tribunal ; que, d'autre part, les ouvriers au service de la SECT : Y..., Z..., A... et B... tués dans l'accident en cause étaient contraints de travailler sur un chantier à l'insuffisance de signalisation duquel ils n'avaient pas pouvoir de remédier ; qu'aucune faute n'est à leur imputer ; que leurs ayants droit ne sauraient donc supporter une quelconque part de responsabilité dans les préjudices qu'ils ont subis ; que, contrairement à ce que X... et la COHU soutiennent, la responsabilité de X... ne peut être limitée au motif que d'autres fautes que la sienne ont contribué à la réalisation de l'accident et que ces fautes ont été commises par les employeurs des victimes SECT ou P et T ; qu'en effet, si en matière d'accident du travail, la
juridiction répressive a reçu des dispositions du Code de la sécurité sociale le droit d'opérer un partage de responsabilité entre le tiers responsable et l'employeur, un tel partage ne peut être prononcé dès lors que le tiers responsable est seul déclaré coupable de l'infraction, ce qui est le cas en l'espèce ; que la Cour ne saurait prononcer une déclaration de responsabilité partielle à l'encontre de personnes absentes de la procédure, étant souligné qu'aucun fonctionnaire des P et T n'a été pénalement poursuivi et que la relaxe des dirigeants de la SECT n'a pas été visée par les appels ;
" alors, d'une part, que l'arrêt ne pouvait rejeter toutes fautes propres des victimes sans répondre aux conclusions de X... et de la COHU faisant expressément valoir que celles-ci ne portaient pas les vêtements fluorescents réglementaires qui eussent permis de les apercevoir et de les éviter ;
" alors, d'autre part, que l'arrêt ne pouvait, sans contradiction, admettre l'insuffisance de signalisation du chantier et déclarer parallèlement-par voie de simple affirmation-X... entièrement responsable de l'accident ;
" alors enfin, que peu importait que l'insuffisance de signalisations soit due aux employeurs des victimes et non aux victimes elles-mêmes ; que cela n'interdisait pas légalement à X... de se prévaloir à l'égard des ayants droit de ces victimes des fautes de l'employeur ; que la présence ou l'absence de ces derniers dans la procédure ne pouvait légalement priver l'auteur de l'infraction d'invoquer ces fautes pour se décharger de partie de sa responsabilité, en application de l'article L. 470 du Code de la sécurité sociale " ;
Attendu que pour retenir l'entière responsabilité de X..., en soulignant " l'inattention flagrante " de ce chauffeur, les juges d'appel indiquent que les ouvriers au service de la SECT " étaient contraints de travailler sur un chantier à l'insuffisance de signalisation duquel ils n'avaient pas le pouvoir de remédier, qu'aucune faute n'est à leur imputer et que leurs ayants droit ne sauraient donc supporter une quelconque part de responsabilité dans les préjudices qu'ils ont subis " ;
Attendu, sur la première branche du moyen, que les demandeurs ne sauraient critiquer les dispositions de l'arrêt relatives à l'absence de faute des victimes dès lors que, d'une part, l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, applicable aux affaires pendantes devant la Cour de Cassation, édicte qu'hormis les conducteurs d'un véhicule terrestre à moteur les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un tel véhicule ne peuvent se voir opposer leur propre faute, sauf si celle-ci a été inexcusable et a constitué la cause exclusive de l'accident, et que, d'autre part, la juridiction du second degré, appréciant les faits sans erreur ni contradiction, a retenu à la charge du prévenu, chauffeur du camion en cause, une faute en relation avec l'accident survenu ;
Attendu sur les deuxième et troisième branches que la cour d'appel, même si elle a été conduite à noter un élément de fait susceptible d'avoir joué un rôle dans ledit accident, ne pouvait retenir la responsabilité, fût-elle partielle, de personnes qui n'étaient pas parties dans la procédure dont elle se trouvait saisie ;
Que dès lors le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-93811
Date de la décision : 26/04/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Homicide ou blessures involontaires - Relaxe - Application des règles du droit civil - Mise en cause de tiers responsables - Renvoi devant la juridiction civile - Conditions.

1° Lorsqu'au cours des débats, il apparaît que des tiers responsables doivent être mis en cause, les dispositions de l'article 470-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale, qui permettent à la juridiction répressive de renvoyer l'affaire devant la juridiction civile compétente, exigent que la première de ces juridictions ait prononcé une relaxe ; elles ne sauraient, dès lors, être appliquées par les juges du second degré qui, ayant déclaré réunis les éléments constitutifs de l'infraction, ne pouvaient réprimer pénalement celle-ci, ayant été saisis par la seule partie civile

2° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Effet dévolutif - Limites - Acte d'appel - Saisine - Etendue - Jugement définitif de relaxe sur l'action publique - Conclusions du prévenu invoquant un partage de responsabilité à l'égard de personnes non présentes dans l'instance.

2° Les juges ne peuvent statuer à l'égard de quiconque n'est pas partie à l'instance. Dès lors, justifie sa décision la cour d'appel qui, le prévenu ayant allégué que, d'autres fautes que la sienne ayant concouru à la réalisation d'un accident, sa responsabilité devait être limitée, indique, pour écarter cette prétention, qu'elle ne peut prononcer une déclaration de responsabilité partielle à l'encontre de personnes absentes de la procédure, non poursuivies, et non visées par les appels


Références :

Code civil 1351, 1382
Code de procédure pénale 2, 3
Code de procédure pénale 470-1 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 juillet 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 avr. 1988, pourvoi n°84-93811, Bull. crim. criminel 1988 N° 172 p. 445
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 172 p. 445

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bonneau, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Morelli
Avocat(s) : Avocats :MM. Rouvière, Brouchot

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:84.93811
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