CASSATION sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel d'Angers,
- la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, partie civile,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, en date du 22 mars 1990, qui, dans les poursuites exercées du chef d'infraction à l'article 1er de la loi du 27 septembre 1941 contre Adam X..., a relaxé le prévenu et débouté la partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation du procureur général pris de la violation des articles 161, alinéa 4.1°, et 405 du Code pénal :
Et sur le moyen unique de cassation proposé par la partie civile et pris de la violation des articles 161 et 405 du Code pénal, 2 du Code de procédure pénale, L. 162 et suivants, et L. 377 du Code de la sécurité sociale, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé le docteur X... des fins de la poursuite et débouté la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe de sa constitution de partie civile ;
" aux motifs qu'il n'avait jamais été allégué ou établi que le docteur X... faisait état, sur les feuilles de maladie, d'actes médicaux auxquels il n'aurait pas été procédé et qu'ainsi il ne pouvait être déclaré coupable du délit d'établissement de fausses attestations, d'autre part, que l'on ne pouvait envisager de le déclarer coupable de complicité d'escroquerie, ses clients étant exactement remboursés des honoraires qu'ils lui avaient versés ;
" alors, d'une part, que l'article 161, alinéa 4.1°, du Code pénal punit quiconque aura établi sciemment une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ; qu'en admettant même que le fait d'établir une feuille de maladie portant une référence à la nomenclature des actes médicaux non conforme à la réalité de l'acte effectué ne tombe pas sous le coup de cette incrimination, les premiers juges ayant expressément retenu que le docteur X... avait inscrit sur les feuilles de maladie des cotations attestant de consultations et de soins donnés alors que ceux-ci ne l'avaient matériellement pas été ; qu'il résultait, en particulier, de l'ordonnance de renvoi et du réquisitoire définitif, se référant au rapport des experts, que ce praticien mentionnait, sur les feuilles de soins, deux ou plusieurs clichés alors qu'il n'en avait pris qu'un seul, qu'il découpait ensuite, faisant ainsi état d'actes médicaux non effectivement réalisés ; que l'arrêt attaqué ne pouvait, dès lors, sans s'expliquer sur les faits ainsi dénoncés et caractérisant le délit de l'article 161, alinéa 4.1°, précité, décider que le docteur X... ne pouvait être déclaré coupable du délit d'établissement de fausses attestations, prévu et réprimé par ce texte ;
" et alors, d'autre part, que la production, à l'appui d'allégations mensongères, de pièces tendant à lui donner force et crédit, constitue le délit d'escroquerie prévu et réprimé par l'article 405 du Code pénal ; que se rend, en particulier, coupable de ce délit, le médecin qui, percevant des honoraires indus, remet, en contrepartie, à son client une feuille de maladie contenant des allégations mensongères, établies sous sa signature et attestées par sa qualité de médecin, afin de lui permettre d'obtenir des prestations, elles-mêmes indues, en remboursement des honoraires versés, les mensonges s'accompagnant ainsi de manoeuvres ayant permis au praticien de percevoir des sommes auxquelles il n'avait pas droit et ce au détriment de l'organisme de sécurité sociale prestataire ; que tel était le comportement du docteur X... selon les constatations de l'arrêt attaqué, qui relève tout à la fois la perception d'honoraires indus et la remise de feuilles de maladie établies sous sa signature et comportant des indications inexactes en vue de permettre au malade d'obtenir le remboursement des honoraires versés par leur remise à la caisse d'assurance maladie ; qu'en ne tirant pas de ses propres constatations les conséquences qu'elles comportaient, au motif inopérant que le délit de complicité d'escroquerie ne pouvait être retenu, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision et violé les articles 405 du Code pénal et 2 du Code de procédure pénale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Adam X..., médecin électro-radiologue, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, en 1983 et 1984, souscrit des déclarations inexactes en vue d'obtenir de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe des paiements indus, faits prévus et réprimés par l'article 1er de la loi du 27 septembre 1941 ;
Que les premiers juges, après avoir constaté que les dispositions de ce texte ne pouvaient s'appliquer aux faits poursuivis, les caisses primaires d'assurance maladie, organismes de droit privé, n'entrant pas dans la catégorie des collectivités publiques, ont relevé que le prévenu, en remplissant les feuilles de soins destinées à la Caisse, n'avait pas respecté la nomenclature générale des actes professionnels et ainsi, par une " surcotation " de ses actes, obtenu des sommes indues ; qu'ils ont requalifié les faits reprochés en établissement d'attestations ou de certificats faisant état de faits matériels inexacts, délit prévu et réprimé par l'article 161, alinéa 4.1°, du Code pénal, et déclaré le prévenu coupable de ce chef ;
Attendu que la juridiction du second degré, tout en approuvant les premiers juges d'avoir refusé d'appliquer aux faits poursuivis la loi du 27 septembre 1941, observe, pour relaxer le prévenu, que la seule référence inexacte à la nomenclature ne constitue pas l'attestation de faits matériellement inexacts et qu'il n'est pas établi que les actes eux-mêmes n'ont pas été accomplis ; qu'elle ajoute encore que le délit de complicité d'escroquerie ne saurait être caractérisé, les clients du médecin étant de bonne foi ;
Attendu qu'en cet état, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, c'est, d'une part, par une exacte application de la loi que les juges ont décidé que les dispositions de la loi du 23 septembre 1941 précitée ne saurait concerner la partie civile et qu'ils ont, d'autre part, considéré à bon droit que la seule référence inexacte à la nomenclature ne constituait pas l'attestation d'actes matériellement inexacts dès lors qu'il n'était pas établi que ceux-ci n'avaient pas été accomplis ; que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat contradictoire et dans les limites de la prévention que la cour d'appel a estimé que cette preuve n'avait pas été rapportée ;
Qu'enfin de simples mensonges écrits sont insuffisants pour caractériser le délit d'escroquerie ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Mais sur le moyen relevé d'office et pris de la violation des articles L. 409 et L. 413 du Code de la sécurité sociale devenus les articles L. 377-1 et L. 377-5 du même Code et 593 du Code de procédure pénale :
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juridictions répressives ont le droit et le devoir de caractériser les faits de la prévention sous toutes les qualifications dont ils sont susceptibles ;
Attendu que, tout en constatant que les faits reprochés à X... ne constituaient pas l'infraction qualifiée dans la prévention ni celle retenue par les premiers juges, la cour d'appel énonce également qu'" il est possible de tenir pour des déclarations sciemment inexactes des feuilles de maladie renseignées par un médecin utilisant la nomenclature générale des actes professionnels de façon systématique, exagérée par les procédés qui viennent d'être décrits afin d'augmenter ses honoraires de façon indue " ;
Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, alors qu'elle s'est abstenue de rechercher si les faits qu'elle constatait ne caractérisaient pas de fausses déclarations pour obtenir ou faire obtenir des prestations qui n'étaient pas dues, infraction prévue et réprimée par les articles L. 377-1 et L. 377-5 du Code de la sécurité sociale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que la cassation est dès lors encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, en date du 22 mars 1990, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes.