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15/02/1994 | FRANCE | N°92-84088

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 février 1994, 92-84088


REJET du pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, en date du 11 juin 1992, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 481-2, L. 412-1, L. 412-4, L. 412-5 du Code du travail, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de

motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dé...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, en date du 11 juin 1992, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 481-2, L. 412-1, L. 412-4, L. 412-5 du Code du travail, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'entrave à l'exercice du droit syndical et l'a en répression condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à des condamnations civiles à l'égard de Mme Y... ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté par le prévenu qu'il a adressé à Mme Y... la lettre du 13 avril 1990 dans laquelle il lui retirait certaines attributions alors qu'il ne pouvait ignorer à cette époque ses activités syndicales et le régime protectionniste que la loi y attache ; que la partie civile était infirmière-chef et en lui retirant la responsabilité du service médical il était à l'évidence porté atteinte à ses attributions essentielles puisqu'elle se trouvait ainsi privée de l'activité fondamentale de toute infirmière qui est justement d'assurer la liaison entre les patients et les médecins et que, dès lors, sa véritable mission était vidée de son contenu ; que de même, en lui interdisant de participer aux permanences des week-ends et de procéder à des injections, toute action médicale lui était interdite, occasions et circonstances où, au contraire, il peut revenir à une infirmière-chef de prendre, sous le contrôle nécessaire du médecin, des initiatives que sa formation l'autorise à prendre et que sa conscience lui commande ; qu'il apparaît que la suppression des attributions de Mme Y... touche en conséquence aux conditions substantielles de ses fonctions d'infirmière et de son contrat de travail et que cette modification imposée et ainsi qualifiée s'analyse en une rupture unilatérale de la part de l'employeur du lien contractuel les unissant, destinée au surplus à faire échec aux règles de l'inspection du Travail et mettant manifestement Mme Y... dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions syndicales ; que dans ces conditions, le prévenu s'est bien rendu coupable d'entrave aux fonctions syndicales ;
" alors, d'une part, que le juge répressif ne pouvait estimer le délit d'entrave établi à travers une qualification de la rupture du lien contractuel dès lors que les décisions prud'homales et administratives font l'objet de recours non encore jugés et n'ont pas, par voie de conséquence, de caractère définitif ; qu'ainsi, la cour d'appel qui a commis un excès de pouvoir et qui se borne à affirmer que Mme Y... avait été mise dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions syndicales, sans constater l'existence des éléments du délit, a violé l'ensemble des textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que le fait que certaines attributions aient été préventivement retirées à Mme Y... en raison de ses graves manquements professionnels, ne la dispensait pas d'être présente dans l'établissement et d'y exercer ses activités syndicales ce qui excluait que le délit d'entrave puisse être caractérisé ; que, dès lors, en affirmant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen ;
" alors, encore, que la cour d'appel ne pouvait considérer le délit caractérisé sans constater que les mesures prises par Pierre X... à l'encontre de Mme Y... l'avaient été dans le but de faire échec à l'exercice de ses fonctions syndicales ; qu'une telle recherche s'imposait d'autant plus que de graves manquements professionnels étaient reprochés à l'intéressée et avaient entraîné le dépôt d'une plainte, actuellement en cours, devant le conseil de l'Ordre des médecins ; qu'ainsi, l'élément intentionnel faisant défaut, la cour d'appel n' a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, enfin, que Mme Y... ayant été, le 23 novembre 1990, réintégrée dans l'intégralité de ses fonctions, réintégration suivie d'effet, la cour d'appel ne pouvait estimer le délit d'entrave établi " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre X..., directeur d'un foyer pour handicapés, après avoir vainement demandé à plusieurs reprises à l'inspecteur du Travail l'autorisation de licencier l'infirmière-chef Michèle Y..., déléguée syndicale, a retiré à cette dernière au mois d'avril 1990 plusieurs de ses attributions, notamment la responsabilité du service médical ; qu'il a été poursuivi du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
Attendu que, pour le déclarer coupable, la juridiction du second degré, après avoir relevé que les griefs invoqués à l'encontre de la salariée étaient soit inconsistants, soit insuffisamment établis, énonce notamment que la modification substantielle de ses fonctions et de son contrat de travail équivalait à une rupture unilatérale de ce contrat par l'employeur et était destinée à faire échec aux refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du Travail ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la deuxième branche du moyen, la cour d'appel, qui devait statuer elle-même sur toute question dont dépendait selon elle l'application de la loi pénale et n'était pas tenue d'attendre l'issue de procédures prud'homales ou administratives en cours, a, sans encourir les griefs allégués, caractérisé en tous ses éléments le délit poursuivi ;
Que le législateur a entendu assurer aux délégués syndicaux, relativement à leur emploi, une sécurité particulière exorbitante du droit commun, et que, par suite, toute mutation de poste ou de fonction imposée contre son gré à l'un d'entre eux constitue, à moins que l'employeur n'en apporte la pleine justification, une atteinte portée à ses prérogatives et constitutive du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ; qu'il se déduit des constatations souveraines des juges que cette justification n'était pas établie en l'espèce ;
Qu'en outre, l'élément intentionnel du délit poursuivi se déduit, non du but recherché par l'intéressé, mais du caractère volontaire des mesures qu'il a prises ;
Qu'enfin, la réintégration postérieure de la salariée dans ses fonctions n'a pas eu pour conséquence de faire disparaître une infraction déjà consommée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-84088
Date de la décision : 15/02/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Exception préjudicielle - Travail - Délégué syndical - Modification substantielle du contrat de travail - Contestation portée devant les juridictions administrative et prud'homale (non).

1° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délit d'entrave - Juridiction correctionnelle - Sursis à statuer - Contestation du licenciement portée devant les juridictions administrative et prud'homale (non).

1° Les juges répressifs doivent statuer eux-mêmes sur toute question dont dépend selon eux l'application de la loi pénale ; ils n'ont pas à surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction administrative saisie d'une contestation contre un refus de l'inspecteur du Travail d'autoriser le licenciement, ni jusqu'à celle de la juridiction prud'homale saisie du litige individuel du travail(1).

2° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Mutation - Mutation imposée contre le gré de l'intéressé - Responsabilité de l'employeur - Exonération - Conditions.

2° Le législateur a entendu assurer aux délégués syndicaux, relativement à leur emploi, une sécurité particulière. Par suite l'employeur qui impose, contre son gré, une mutation de poste ou de fonction à un délégué syndical fait de nature à caractériser l'élément matériel d'une atteinte portée à ses prérogatives statutaires doit, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, apporter la pleine justification de cette mesure dont les motifs doivent demeurer étrangers à la qualité de ce représentant du personnel(2).

3° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délit d'entrave - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Caractère volontaire de la mesure prise.

3° L'élément intentionnel du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical se déduit nécessairement du caractère volontaire de la mesure prise par l'employeur(3).

4° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Mutation - Mutation imposée contre le gré de l'intéressé - Rétractation ultérieure - Effet.

4° La rétractation ultérieure de la mutation ne fait pas disparaître le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, déjà consommé(4).


Références :

4° :
Code du travail L412-1, L412-4, L481-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 11 juin 1992

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1975-10-29, Bulletin criminel 1975, n° 231 (1), p. 614 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1977-10-04, Bulletin criminel 1977, n° 287 (3), p. 724 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1978-01-23, Bulletin criminel 1978, n° 24 (1), p. 54 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1980-03-25, Bulletin criminel 1980, n° 104, p. 242 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1988-07-26, Bulletin criminel 1988, n° 308 (1), p. 836 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1989-01-10, Bulletin criminel 1989, n° 10 (6), p. 22 (cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1976-05-05, Bulletin criminel 1976, n° 143, p. 351 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1980-10-28, Bulletin criminel 1980, n° 282, p. 719 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1990-01-04, Bulletin criminel 1990, n° 11 (3), p. 24 (rejet). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1979-01-23, Bulletin criminel 1979, n° 33, p. 101 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1982-06-29, Bulletin criminel 1982, n° 179, p. 491 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1989-11-28, Bulletin criminel 1989, n° 452 (2), p. 1102 (rejet). CONFER : (4°). (4) Cf. Chambre criminelle, 1976-03-17, Bulletin criminel 1976, n° 100, p. 245 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 fév. 1994, pourvoi n°92-84088, Bull. crim. criminel 1994 N° 68 p. 142
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 68 p. 142

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Monestié.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dumont.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Rouvière et Boutet, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.84088
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