CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X...,
- Y... épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 20 mai 1994 qui, sur les poursuites exercées à leur requête contre Z... et A..., du chef de publication d'information concernant l'identité d'un mineur délinquant, a déclaré irrecevable leur constitution de partie civile et a relaxé les prévenus.
LA COUR,
Vu l'article 21 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 14 et 14-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. et Mme X... irrecevables en leur constitution de partie civile à l'encontre de MM. A... et Z... ;
" aux motifs que si la loi ne proscrit pas le récit par la presse de faits divers dans lesquels un mineur est impliqué, toute information sur son identité est interdite et ce en vue de faciliter le reclassement ultérieur du mineur ;
" qu'au-delà de l'ordre public, les articles 14 et 14-1 de l'ordonnance de 1945 ont pour but de protéger un intérêt d'ordre privé, celui du mineur ;
" que les parents du mineur ont qualité pour agir comme administrateurs légaux des biens de leur enfant mais ne peuvent être considérés comme subissant un préjudice personnel leur donnant qualité pour agir en leur nom personnel ;
" qu'en l'espèce, le fils de M. et Mme X... est décédé avant la publication des deux articles incriminés ; qu'ils n'ont recueilli dans la succession ni action, ni préjudice né et certain ;
" que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que M. et Mme X... n'étaient pas recevables en leur action dirigée à l'encontre de Z... et A... sur le fondement des articles 14 et 14-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 (arrêt, page 5) ;
" 1o) alors que les dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945, prohibant la publication de toute information sur l'identité d'un mineur délinquant, protègent outre l'intérêt du mineur, celui de ses parents qui, du fait de la diffusion d'informations mettant en cause leur enfant mineur, dont ils ont la garde, subissent un préjudice moral ;
" que, dès lors, en estimant au contraire que les publications litigieuses ne causaient aucun préjudice personnel aux parents du jeune B..., décédé, sans rechercher si l'infraction commise n'avait pas causé aux demandeurs un préjudice moral, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2o) alors, subsidiairement, que l'action civile en réparation du préjudice causé par une infraction est transmise aux ascendants de la victime, lorsque celle-ci s'est trouvée dans l'impossibilité de l'exercer de son vivant par des circonstances indépendantes de sa volonté ;
" que, dès lors, en s'abstenant de rechercher si, en qualité d'administrateurs légaux de leur fils et d'ascendants, les demandeurs n'étaient pas recevables, en lieu et place du jeune B..., à exercer l'action civile en réparation du préjudice causé à ce dernier, décédé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 14 et 14-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que le droit d'exercer l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage, aussi bien matériel que corporel ou moral, directement causé par l'infraction ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que les quotidiens Presse-Océan et Ouest-France ont rendu compte d'un accident de la circulation dans lequel deux jeunes gens âgés de 15 et 14 ans, dont l'identité et l'adresse ont été révélées, avaient trouvé la mort alors qu'ils circulaient sur un cyclomoteur volé ;
Attendu que les parents de l'un des deux adolescents, agissant à titre personnel, ont fait citer Z... et A..., directeurs de la publication de ces journaux, devant le tribunal correctionnel du chef de divulgation d'information concernant l'identité d'un mineur délinquant et ont réclamé leur condamnation à des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de cette parution ;
Attendu que, pour déclarer cette constitution de partie civile irrecevable, les juges se prononcent par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'infraction visée aux poursuites était de nature à causer directement préjudice non seulement au mineur mais également à ses parents, les juges ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 20 mai 1994, toutes autres dispositions étant maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers.