AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de Me BOULLEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y...;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- EL HANNACHI Abderrahmann,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 1995, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 408 de l'ancien Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un mandataire coupable d'abus de confiance et en répression, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et aux réparations civiles;
"aux motifs qu' "il est clair qu'Abderrahmann El Hannachi a menti sur les conditions d'acquisition de son véhicule;
"que ce mensonge établi met en cause la totalité de ses affirmations quant à l'utilisation des fonds retirés sur le livret de caisse d'épargne ouvert pour le compte de Ourida X...;
"que, mandataire infidèle, Abderrahmann El Hannachi n'a pas plus de raison d'être cru relativement à l'affectation des 16 000 francs retirés le 9 juillet 1990 et des autres retraits ultérieurs que sur l'utilisation du second retrait de 16 000 francs de février 1991;
"qu'Abderrahmann El Hannachi doit être retenu dans les liens de la prévention pour avoir détourné à son profit 64 000 francs";
"alors que, d'une part, il appartient aux juges d'indiquer les circonstances de fait constitutives du détournement, c'est-à-dire de l'utilisation de la chose à des fins étrangères à celles stipulées au contrat et la volonté de se comporter en maître de la chose;
"qu'en l'espèce, la seule concomitance entre un retrait de 16 000 francs le 14 février 1991 sur le compte de la partie civile en vertu du mandat et l'achat d'un véhicule le même jour par le mandataire au prix de 20 792 francs est insuffisante pour établir la preuve d'une dissipation frauduleuse de la somme de 64 000 francs par le mandataire;
"1°) alors que la Cour, en déclarant le prévenu coupable d'abus de confiance sans caractériser l'acte de détournement, ni l'intention frauduleuse, ne donne pas de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen et statue par des motifs dubitatifs;
"2°) alors que, d'autre part, les mensonges du demandeur sur les conditions d'acquisition de son véhicule pour le prix de 20 792 francs sont inopérants pour établir la réalité de la dissipation non seulement de la somme de 16 000 francs retirée le 14 février 1991, mais encore de celle de 64 000 francs; que la Cour, en se bornant à affirmer que le demandeur n'a pas plus de raison d'être cru relativement à l'affectation des 16 000 francs retirés le 9 juillet 1990 et des autres retraits ultérieurs que sur l'utilisation du second retrait de 16 000 francs de février 1991, statue par des motifs hypothétiques et insuffisants, en méconnaissant les règles de la preuve, et viole les textes visés au moyen";
Attendu que les énonciations de l'arrêt partiellement confirmatif attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Culié conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Mme Chanet conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;