La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/1999 | FRANCE | N°97-84258

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mars 1999, 97-84258


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- A... Roland,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, du 27 juin 1997, qui, pour menaces de mort sous condition et violences avec arme n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a statué sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 janvier 1999 oÃ

¹ étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'orga...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- A... Roland,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, du 27 juin 1997, qui, pour menaces de mort sous condition et violences avec arme n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a statué sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 janvier 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire :

M. Gomez président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 et 3 D de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-75, 222-17, 222-18, 222-13, alinéa 1er 10 du Code pénal, 422, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu Roland A... coupable du délit de menace de mort sous condition et de violences volontaires sur les personnes d'Antoine X... et Jean-Louis C... n'ayant entraîné aucune incapacité, et de l'avoir condamné à une amende de 5 000 francs, ainsi que, statuant sur l'action civile, à verser une somme de 2 000 francs à chacune de ces parties civiles ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments de l'information les éléments suivants : l'équipage Rallye Etoile, en action de chasse à courre, peut, par convention signée entre Roland Z..., propriétaire des terres jouxtant la forêt domaniale des Andaines, et Michel D... (père), président de l'association Rallye Etoile, poursuivre la chasse sur les terres de Roland Z..., qui, à la suite d'un grave accident cérébral, a pour tuteur son fils, Bruno Z..., et pour subrogé-tuteur, son gendre Roland A... ; que Jean-Louis C... et Antoine X..., qui avaient pénétré à cheval le 14 octobre 1995 vers 14 heures 20 sur la propriété de M. Z... dans l'allée des Rhodos pour récupérer des chiens de meutes, se sont plaints d'avoir été pris à partie par Roland A... qui les a menacés de mort et a tiré deux coups de fusil en l'air ; qu'ils ont l'un et l'autre indiqué qu'ils avaient vu arriver dans leur direction un véhicule Citroën C15 de couleur verte, phares allumés et klaxonnant, dont le conducteur, Roland A..., s'était arrêté à proximité, apeurant les chevaux ; qu'ils ont déclaré que Roland A... était descendu de son véhicule en les insultant et en les obligeant sous menace de rebrousser chemin, en direction de la forêt domaniale distante d'environ 150 mètres ; qu'en partant, ils avaient constaté qu'il se saisissait d'un fusil qui se trouvait dans son véhicule, qu'ils avaient entendu un coup de fusil, que Roland A... était remonté dans son véhicule, les avait poursuivis, s'était à nouveau arrêté, puis avait tiré un second coup de feu ; qu'ils ont dit qu'ils ne pouvaient se prononcer sur la direction des coups de fusil et qu'ils n'avaient reçu aucun plomb, ce qui leur faisait penser que Roland A... avait tiré en l'air ; qu'ils ont précisé qu'à un moment donné, Roland A... avait menacé de tuer les chiens et de tirer dans les chevaux et eux-mêmes pour les faire partir ; que Roland A... a, pour sa part déclaré que le 14 octobre 1995 vers 14 heures 15 il était en action de chasse aux pigeons sur la propriété familiale sur la partie située entre la maison et l'allée des Rhodos, qu'il avait vu à proximité de lui une trentaine de chiens et entendu deux personnes qui les appuyaient et qu'il était allé à la maison pour prendre son véhicule de service dans lequel il avait déposé son fusil après l'avoir démonté, qu'il s'était alors rendu dans l'allée des Rhodos où il était tombé nez à nez avec les deux cavaliers, qu'il était descendu de son véhicule en leur demandant de partir sur un ton ferme et en prenant la bride de l'un des chevaux, et qu'un cavalier l'avait menacé de son fouet avant de s'en aller ; qu'il a indiqué qu'il était alors retourné à sa voiture, avait remonté son fusil pour reprendre sa chasse, avait tiré successivement sur deux pigeons qui passaient, ratant le premier, puis qu'il avait cassé son fusil, était revenu à sa voiture et était allé faire un tour dans sa propriété ; qu'il a admis avoir dit aux cavaliers qu'il ne faudrait pas s'étonner si un jour des chiens prenaient du plomb dans la mesure où ils chassaient aussi le sanglier ; qu'il existe trois témoins des faits, Jacky X..., Jean-Pierre Y... et Michel B..., qui se trouvaient à la lisière de la forêt domaniale, face à l'allée des Rhodos à une distance allant de 10 à 200 mètres du lieu où se sont produit les faits ; que Jacky X..., qui se trouvait le plus près, a assisté à l'intégralité de la scène, a vu le véhicule Citroën arriver à vive

allure, Roland A... en sortir en faisant des gestes énergiques en direction des cavaliers, remonter dans sa Citroën en les suivant, s'arrêter, descendre de voiture et tirer un premier coup de feu en l'air en direction des cavaliers, remonter en voiture en suivant les cavaliers, descendre à nouveau et tirer un second coup de feu en l'air ; que Jean-Pierre Y..., qui se trouvait plus loin à environ 200 mètres, a entendu un premier coup de feu, puis a vu le véhicule Citroën suivant à vive allure les chevaux, Roland A... en sortir, courir après les deux cavaliers et tirer un second coup de fusil en l'air en direction des cavaliers ; que Michel B..., qui n'a assisté qu'à la fin de la scène a entendu deux coups de feu provenant de la propriété Cousin, puis a vu Roland A..., fusil à la main, suivant les cavaliers et semblant tenir des propos agressifs, et faire ensuite demi-tour pour reprendre sa voiture ; que contrairement aux insinuations de Roland A..., ces témoins ne peuvent être soupçonnés de mauvaise foi puisque chacun n'a rapporté que les faits qu'il avait été lui-même en mesure de constater et qu'ils ont bien précisé que Roland A... avait tiré en l'air et non pas en visant les cavaliers ; que la version de Roland A... selon laquelle il était simplement en action de chasse aux pigeons n'est pas crédible ; qu'il résulte des déclarations concordantes des témoins qu'entre les deux coups de fusil tirés à une minute ou d'eux d'intervalle, Roland A... est remonté dans son véhicule en suivant les cavaliers, ce qui dément l'hypothèse d'une action de chasse aux pigeons, hypothèse d'autant plus invraisemblable que ceux-ci n'auraient pu qu'être effrayés par le bruit provenant du moteur de la voiture, du klaxon, des chevaux et des éclats de voix ; que l'ensemble de ces éléments permet de déclarer Roland A... coupable de menaces de mort faite sous condition et de violences volontaires avec usage d'une arme n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail et le jugement sera réformé en ce sens ; qu'il sera prononcé une peine d'amende constituant une sanction suffisante compte tenu de la nature des faits et du contexte dans lequel ont été commises ces infractions ;

1)"alors que nul n'est un témoin idoine dans sa propre cause ; qu'en se fondant néanmoins sur les propres déclarations des parties civiles pour asseoir sa déclaration de culpabilité et entrer en voie de condamnation à l'encontre de Roland A... du chef de menace de mort sous condition, en l'état de constatations révélant qu'aucun des seuls témoins de l'incident n'a pu rapporter les propos tenus par le prévenu à Jean-Louis C... et Antoine X..., la cour d'appel n'a pas satisfait à l'exigence d'un procès équitable et a méconnu les textes et principes visés au moyen ;

2)"alors que les juges du fond doivent rechercher le véritable sens des propos qui leurs sont dénoncés comme constituant une menace et en déterminer la portée ; qu'il s'évince des propres énonciations de l'arrêt attaqué qu'aucun des trois témoins venant au soutien de la plainte des parties civiles n'a entendu la teneur des propos tenus par Roland A... à Jean-Louis C... et Antoine X... ; qu'en décidant néanmoins, sur le fondement de ces témoignages, que le prévenu s'était rendu coupable de menace de mort sous condition à l'égard des parties civiles, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun des éléments constitutifs de cette infraction, autrement encore que par les seules déclarations des parties civiles, a privé sa décision de base légale au regard des textes précités au moyen ;

3)"alors que Roland A... démontrait dans ses conclusions régulièrement déposées, qui s'appuyaient sur un constat d'huissier et un rapport d'expertise établis à la lueur des premières dépositions faites à la gendarmerie par les trois témoins des parties civiles, que ces témoins, même montés à cheval, étaient dans l'impossibilité, du lieu où ils se trouvaient situés, de voir les protagonistes des faits visés à la prévention ; qu'en n'accordant néanmoins aucun motif à ce chef péremptoire des conclusions du prévenu, qui démontrait que les témoins des parties civiles avaient déposé en cause d'appel au prix d'un rapprochement artificiel de leur présence à proximité du lieu de l'altercation en contradiction avec leurs premières dépositions, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif ;

4)"alors que le délit de violences volontaires visé à l'article 222-13-10 du Code pénal n'est caractérisé qu'en l'état d'un acte de violence délibérée consistant dans un coup de feu tiré volontairement en direction de la victime ; qu'il est constant en l'espèce que Roland A... a tiré deux coups de feu en l'air sans aucunement viser Jean-Louis C... et Antoine X..., qui s'étaient éloignés de lui depuis plusieurs minutes ; qu'en statuant par des motifs qui excluaient que le prévenu ait tiré délibérément en direction des parties civiles dans le dessein de leur nuire ou de les menacer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte visé au moyen ;

5)"alors qu'à supposer néanmoins que le seul fait de tirer deux coups de feu en l'air plusieurs minutes après le départ des parties civiles ait constitué en soi un acte de violence, la cour d'appel, qui n'a constaté ni l'atteinte à l'intégrité physique qui en est résulté, ni l'intention de Roland A... de nuire à Jean-Louis C... et Antoine X..., n'a pas caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction intentionnelle poursuivie et mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 222-17, 222-18, 222-13-10 du Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Roland A... à verser à Antoine X... et Jean-Louis C... chacun la somme de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que sur l'action civile, il sera alloué à Jean-Louis C... et Antoine X..., pour lesquels le comportement agressif et violent de Roland A... a été pour eux source d'inquiétude, chacun la somme de 2 000 francs de dommages-intérêts ;

"alors qu'en se bornant à énoncer que le comportement agressif et violent de Roland A... avait été pour les parties civiles source d'inquiétude, sans préciser s'il s'agissait de l'une ou des deux infractions poursuivies qui étaient en relation de causalité certaine avec cette source d'inquiétude dont elle accordait réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour condamner Roland A... des chefs de menaces de mort sous condition et violences avec arme, la cour d'appel énonce, notamment, que les victimes ont précisé aux enquêteurs que le prévenu avait menacé "de tuer les chiens et de tirer dans les chevaux et eux-mêmes pour les faire partir" et qu'un témoin a vu Roland A... "fusil à la main, suivant les cavaliers, semblant tenir des propos agressifs" ;

Qu'elle ajoute, quant au second délit, que deux autres témoins ont vu le prévenu suivre les cavaliers à vive allure, avec sa voiture, descendre de celle-ci et tirer en l'air en direction des deux plaignants ;

Qu'elle précise enfin, que ce comportement agressif et violent a été, pour les parties civiles, source d'inquiétude et justifie, à leur profit, l'allocation de dommages-intérêts ;

Attendu, en cet état, que les juges du second degré ont répondu, par des motifs exempts d'insuffisance, aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis et justifié leur décision ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-84258
Date de la décision : 10/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, 27 juin 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mar. 1999, pourvoi n°97-84258


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.84258
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award