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11/01/2000 | FRANCE | N°98-87508

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2000, 98-87508


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mil, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Pierre,

- La Société SOLLAC, civilement responsable

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contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 29 septembre 199...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mil, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Pierre,

- La Société SOLLAC, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 29 septembre 1998, qui, pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, a condamné, le premier, à 25 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 432-1, L. 431-5, L. 432-3 et L. 483-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, 121-3 du Code pénal, défaut de motifs et manque de bases légales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, la peine, les dommages-intérêts ;

"aux motifs propres que "les conditions d'organisation et de durée de travail du personnel de la société Sollac Dunkerque sont fixées ainsi qu'il suit par la convention collective du travail de la sidérurgie du Nord : -l'horaire de jour, -l'horaire de journée continue, -l'horaire de travail posté non feu continu à deux équipes (2 x 8), -l'horaire de travail posté non feu continu à trois équipes (3 x 8), -l'horaire de travail posté feu continu dimanches et fêtes compris. Fin décembre et début janvier 1997, 26 salariés de l'entreprise ont été embauchés, après une période d'essai, par des contrats de "compétences et activité alternées" (CAA) qui spécifiaient : "le présent régime s'ajoute aux cinq régimes collectifs de travail alterné en vigueur dans notre établissement". Les CAA stipulaient d'ailleurs des dispositions nouvelles par rapport aux cinq régimes en vigueur :

-une mobilité d'horaire, -une mobilité géographie, -une rémunération particulière. 26 contrats dits CAA étaient ainsi conclus sur 31 embauches à la même époque. Pierre X... ne peut donc soutenir qu'il était dispensé de respecter les dispositions des articles 432-1 et suivants du Code du travail. A défaut d'avoir informé et consulté le comité d'entreprise sur les CAA qui intéressaient les conditions d'emploi, l'organisation du temps de travail, des qualifications et les modes de rémunération, Pierre X... qui, en sa qualité de directeur de l'usine Sollac Dunkerque, connaissait ses obligations, a commis le délit qui lui est reproché" ;

"et aux motifs adoptés que "la direction départementale du Travail a constaté la mise en place d'une nouvelle organisation des horaires et du travail à l'établissement Sollac Dunkerque depuis le 1er janvier 1997 sans consultation préalable du comité d'établissement. Il s'agit d'un horaire collectif concernant les jeunes embauchés pour une durée indéterminée. Ce système instaure un régime d'alternance entre des activités en exploitation postée et des activités en journée de maintenance préventive. Dans sa lettre du 12 février 1997 en réponse à la dénonciation des faits suscitée du 3 février 1997, Pierre X... estime que la consultation du comité d'établissement est prématurée, s'agissant d'une mesure expérimentale. La direction départementale du Travail a constaté que cette consultation du comité d'établissement au sujet des nouvelles modalités d'embauche n'a pas été programmée à la réunion du mois suivant : le 23 janvier 1997 ; que la majorité des élus a demandé alors une réunion extraordinaire qui s'est tenue le 6 février 1997. En réponse à l'argument du chef d'entreprise qui prétend qu'il s'agit d'une mesure expérimentale et de faible ampleur, le tribunal constate qu'elle affecte néanmoins 26 jeunes sur 55 embauchés en 1996, que ce régime est basé sur l'application d'un cycle de 10 semaines avec alternance des postes en feux continus et de postes effectués en journée ; que donc l'ampleur n'est pas négligeable. Si l'information qui a été faite le 23 janvier 1997 par Pierre X... auprès des représentants du personnel - alors qu'elle ne lui paraissait pas s'imposer (cf. lettre du 12 février 1997) - est positive bien que tardive, il n'en reste pas moins que, s'agissant d'une mesure affectant la vie de l'entreprise tant dans son fonctionnement que dans son personnel, à ce titre, le chef d'établissement devait respecter les alinéas 1 et 2 de l'article L. 431-5 du Code du travail qui l'oblige à consulter le comité d'entreprise ;

"alors, d'une part, qu'entache sa décision de défaut de motifs caractérisés et viole l'article 593 du Code de procédure pénale, l'arrêt qui, pour entrer en condamnation, se détermine par la circonstance que "26 contrats dit "CAA" étaient conclus sur 31 embauches à la même époque" (arrêt p. 5, alinéa 3) et établit ainsi un lien entre les embauches et le mode de répartition du temps de travail litigieux, perdant totalement de vue que les embauches avaient été effectuées, après consultation du comité d'établissement, une année auparavant et que, au moment de la conclusion des contrats dit "CAA" comportant des horaires alternés, les 26 salariés concernés étaient déjà fondus dans les effectifs généraux de l'entreprise ;

"alors, d'autre part, que prive sa décision de toutes bases légales au regard des articles L. 431-5, L. 432-1 et L. 432-3 du Code du travail, l'arrêt attaqué qui justifie la compétence du comité d'établissement pour être consulté sur les horaires prévus dans les contrats "CAA" par le fait que ceux-ci intéressaient 26 salariés sur un effectif de 31 personnes, et s'abstient de s'expliquer sur le moyen péremptoire des conclusions des demandeurs, selon lequel (p. 12, alinéas 4 et suivants) la pratique des horaires alternés dans le cadre des contrats "CAA" n'avait concerné que 26 salariés sur un effectif global de 4 400 salariés et ne présentait ainsi qu'un caractère ponctuel et individuel, ce qui était exclusif d'une information préalable du comité d'établissement ;

"alors, enfin et subsidiairement, qu'en omettant de s'expliquer, dans les circonstances de l'espèce, sur l'élément intentionnel de l'infraction, lequel, comme le faisaient valoir les demandeurs dans leurs conclusions (p. 13, dernier alinéa), était totalement inexistant dans la mesure notamment où la société Sollac avait, dès l'origine, annoncé son intention de consulter les institutions représentatives du personnel au cas où il serait envisagé de généraliser le système des horaires alternés, la cour d'appel a violé l'article 121-3 du Code pénal" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le comité d'entreprise de la société Sollac a fait citer Pierre X..., directeur de l'établissement de Dunkerque, pour avoir entravé le fonctionnement dudit comité en ne le consultant pas avant la mise en oeuvre d'un contrat de travail dénommé "contrat de compétences et activité alternées" (CAA) ;

Attendu que, pour le déclarer coupable, la cour d'appel prononce par les motifs propres et adoptés des premiers juges reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, desquels il résulte que le prévenu s'est délibérément abstenu de consulter le comité d'entreprise préalablement à la mise en oeuvre dans son établissement des contrats "CAA", alors que ceux-ci instauraient un nouveau régime de travail qui ne revêtait pas le caractère de mesure individuelle ou ponctuelle et qui comportait, pour cette catégorie de salariés, des modifications notables par rapport aux conditions d'emploi et d'organisation de travail existantes, les juges ont caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'entrave poursuivi et ainsi justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-87508
Date de la décision : 11/01/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Comité d'entreprise - Délit d'entrave - Eléments constitutifs - Elément matériel - Défaut de consultation - Mise en oeuvre de "contrats de couverture et activité alternées" (C.A.A.) - Nouveau régime de travail.


Références :

Code du travail L432-1, L483-1

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 29 septembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2000, pourvoi n°98-87508


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.87508
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