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19/02/2002 | FRANCE | N°00-83791

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 février 2002, 00-83791


REJET des pourvois formés par :
- X..., prévenu,
- Y..., Z..., parties civiles,
contre l'arrêt n° 3 de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 24 mai 2000, qui a condamné le premier à 10 000 francs d'amende pour complicité de diffamation envers des particuliers et a partiellement débouté de leurs demandes les deuxième et troisième après la relaxe de X... du chef de complicité de diffamation envers la mémoire des morts.
La COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur le pourvo

i de X... :
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation...

REJET des pourvois formés par :
- X..., prévenu,
- Y..., Z..., parties civiles,
contre l'arrêt n° 3 de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 24 mai 2000, qui a condamné le premier à 10 000 francs d'amende pour complicité de diffamation envers des particuliers et a partiellement débouté de leurs demandes les deuxième et troisième après la relaxe de X... du chef de complicité de diffamation envers la mémoire des morts.
La COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi de X... :
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 29, 35, 35 bis, 42, 43 de la loi du 29 juillet 1881, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 592 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... du chef de complicité de la diffamation résultant de la publication, dans le journal "D..." dont A... est le directeur de la publication, d'un article signé de B... ;
" aux motifs que, par ces propos tenus lors de la soirée, X... a fourni au journaliste du "D..." les moyens de commettre le délit de diffamation et s'en est ainsi rendu complice ;
" alors que l'intention de nuire s'apprécie dans la personne de l'auteur de l'article diffamatoire, et l'existence de faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi de ce dernier a pour effet d'exclure toute responsabilité pénale des auteurs comme des complices ; qu'en l'espèce, le jugement de première instance avait, par des dispositions définitives, relaxé A..., directeur de la publication, et B..., auteur de l'article incriminé, en retenant la bonne foi de l'un et l'autre ; que, dès lors, en l'absence de fait principal punissable, la condamnation prononcée contre X... du chef de complicité est illégale ;
" alors, d'autre part, que seuls sont responsables pénalement comme auteurs de la diffamation commise par voie de presse les directeurs de la publication, auteurs, imprimeurs, vendeurs ou distributeurs ; que, dès lors, et en toute hypothèse, X..., n'ayant aucune de ces qualités, ne pouvait, même à défaut du directeur de la publication et de l'auteur de l'article litigieux, encourir une responsabilité pénale à titre principal ;
" et alors, en outre, que la reproduction d'allégations diffamatoires engage la responsabilité pénale du directeur de la publication en qualité d'auteur, et constitue un délit distinct de celui résultant le cas échéant de la première publicité donnée à ces allégations ; qu'en l'espèce la citation visait la seule publication de l'article litigieux, qui constituait un fait distinct de l'éventuelle publicité donnée aux propos tenus oralement par X... au moment où ils avaient été prononcés ; que, dès lors, les juges du fond ne pouvaient, sans excéder leur saisine, condamner X..., à quelque titre que ce soit, pour avoir tenu ces propos ;
" et alors, enfin, que la complicité, pour être punissable, suppose que le complice ait su qu'il apportait son aide en fournissant les moyens pour commettre une infraction, qu'en l'espèce, dans ses conclusions, X... faisait valoir qu'il ignorait tant la présence du journaliste dans la salle que son intention de rapporter dans la presse les propos qu'il tenait ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui ne constate pas et qui n'a d'ailleurs pas même recherché si X... avait, au moment où il prenait la parole, su que ses propos, et notamment ceux incriminés, seraient rapportés par le journaliste, est dépourvu de toute base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de l'examen des pièces de procédure que Y... et le Z... ont fait citer devant le tribunal correctionnel A..., directeur de publication du journal "D...", B..., journaliste, et X..., d'une part, pour diffamation publique envers la mémoire des morts, d'autre part, pour diffamation publique envers des particuliers à raison de la publication, dans le numéro du "D...", d'un article intitulé "Abbeville : X... démonte le Z..." dans lequel B... relatait les propos tenus par X... lors d'une réunion publique au cours de laquelle ce dernier avait mis en cause les parties civiles notamment à propos des conditions de dévolution à Y... de l'héritage de C... ;
Attendu que le tribunal correctionnel a relaxé les trois prévenus du chef de diffamation envers la mémoire des morts, reconnu diffamatoires certains propos concernant Y... et le Z..., octroyé à B... et à A... le bénéfice de la bonne foi et condamné X... du chef de complicité de diffamation envers Y... et le Z... ;
Attendu que, sur appel du prévenu et des parties civiles, les juges du second degré se prononcent par les motifs partiellement repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans excéder sa saisine ;
Que, d'une part, l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 exige que l'exploit introductif d'instance articule et qualifie les faits poursuivis, mais non qu'il précise le mode de participation aux faits des personnes visées ;
Que, d'autre part, le prévenu qui, en connaissance de cause, s'exprimait dans une réunion publique organisée par un parti politique ne pouvait ignorer la publicité qui serait donnée à ses propos dans la presse locale ;
Qu'enfin, le fait justificatif personnel de la bonne foi dont ont bénéficié le directeur de publication et l'auteur de l'article est sans effet sur la responsabilité du complice de droit commun ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 29, 35 et 35 bis de la loi du 29 juillet 1881, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 6 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 592 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... du chef de complicité de diffamation en raison d'un article publié par le journal "D...", sous la signature de B... ;
" aux motifs que par ses écrits antérieurs, ses conférences de presse et sa participation à des reportages, X... s'est engagé dans une analyse critique du Z..., appuyée sur des informations qu'il a recueillies ; que la légitimité de son but doit être reconnue en raison de l'intérêt qui s'attache à informer le lecteur et à nourrir sa réflexion personnelle ; que la liberté d'expression prévue par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales trouve sa limite dans son deuxième alinéa qui prévoit la possibilité de mesures restrictives lorsqu'elles sont nécessaires dans une société démocratique ; que tel est le cas des obligations qui imposent, même à un adversaire politique, de n'alléguer que des faits suffisamment vérifiés et de ne tenir que des propos exempts d'attaque personnelle ; qu'en présentant le chef du Z... comme un captateur d'héritage, indifférent à l'intérêt national, chargé d'un passé criminel, entouré de malfaiteurs, placé au centre d'une constellation mafieuse, X... a excédé ces limites ;
" alors, d'une part, que la bonne foi, qui exclut l'intention coupable et supprime tout caractère délictueux à l'imputation diffamatoire, ne peut s'apprécier que dans la personne de l'auteur de l'article incriminé ; qu'en retenant, pour condamner X... comme complice d'une diffamation résultant de la publication d'un article dont il n'est pas l'auteur, l'absence de sa propre bonne foi, l'arrêt attaqué s'est prononcé par des motifs inopérants et n'est, en conséquence, pas légalement justifié ;
" alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué constate que l'analyse critique de X... à l'encontre du Z... s'appuie sur des informations qu'il a recueillies, et que la légitimité de son but doit être reconnue en raison de l'intérêt qui s'attache à informer le lecteur et à nourrir sa réflexion personnelle ; qu'en décidant néanmoins que les propos qu'il aurait tenus dans ce cadre excédaient les limites de la liberté d'expression, l'arrêt attaqué n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres appréciations de fait ;
" alors, enfin, qu'une condamnation pour diffamation, qui porte en elle-même atteinte à la liberté d'expression, n'est légalement justifiée que si elle s'avère "nécessaire" dans une société démocratique ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui reconnaît le but légitime poursuivi par X..., et qui n'a pas recherché, au regard de ce but légitime, si une sanction s'avérait nécessaire et proportionnée, a violé l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu que, le prévenu ayant excipé de sa bonne foi, il ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel a prononcé sur ce fait justificatif ;
D'où il suit que le moyen qui invoque, à tort, la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ne saurait être admis ;
II. Sur le pourvoi de Y... et du Z... :
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Y... et Z..., pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, 34 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que X... n'avait pas commis de faute à l'égard de Y... ès-qualité de légataire universel de C... sur le fondement de la poursuite engagée pour diffamation envers la mémoire d'un mort ;
" aux motifs que "la seule allégation de multiples internements psychiatriques est dépourvue de caractère diffamatoire à l'égard de l'intéressé, l'imputation de l'existence d'une maladie, quelle qu'elle soit, ne pouvant déconsidérer celui qui en est affecté" ;
" alors que l'imputation selon laquelle C... aurait subi quatorze internements en hôpital psychiatrique avant de rédiger son testament est de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de celui-ci, dès lors qu'elle laisse clairement entendre qu'il aurait établi son testament sans être en possession de toutes ses facultés mentales et sans être à même de mesurer la portée de ses actes " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Y... et Z..., pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a estimé que X... n'avait pas commis de faute à l'égard du Z... sur le fondement de la poursuite engagée pour diffamation envers un particulier en déclarant : "La première région qui vote Z... est l'Alsace (...). Sur cette terre, on a recruté plus de SS que dans le Brandebourg ! Strasbourg a été défendue par des soldats en uniforme allemand qui étaient alsaciens. La tradition d'extrême droite en France est une longue histoire" ;
" aux motifs que "le passage querellé, blessant à l'égard des électeurs de cette région, ne concernait pas le parti lui-même, celui-ci n'étant pas responsable de l'histoire et des motivations personnelles de ses électeurs" ;
" alors que le délit de diffamation publique est constitué même lorsque l'imputation diffamatoire est faite par voie d'insinuation, qu'en l'espèce, en effectuant un rapprochement entre le vote en faveur du Z... d'une partie importante des électeurs de la région Alsace du fait que de nombreux SS y ont été recrutés durant la dernière guerre mondiale et que Strasbourg a été défendue par des soldats alsaciens en uniforme allemand, X... assimile implicitement mais nécessairement Z... au parti nazi et qu'une telle assimilation constitue l'imputation d'un fait précis portant atteinte à l'honneur et à la considération du Z... et caractérise le délit de diffamation publique " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et l'examen des pièces de procédure mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés et considéré à bon droit, d'une part, que la diffamation envers la mémoire des morts n'était pas caractérisée et, d'autre part, que seul le passage relatif à la fortune de Y... était diffamatoire ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 00-83791
Date de la décision : 19/02/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Responsabilité pénale - Complice - Fait justificatif personnel - Bonne foi du directeur de publication et de l'auteur de l'article - Effet.

En matière de diffamation, le fait justificatif personnel de bonne foi dont ont bénéficié le directeur de publication et l'auteur de l'article est sans effet sur la responsabilité du complice de droit commun. .


Références :

loi du 29 juillet 1881 art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mai 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 fév. 2002, pourvoi n°00-83791, Bull. crim. criminel 2002 N° 35 p. 100
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 35 p. 100

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Chanet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Le Griel, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.83791
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