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09/11/2004 | FRANCE | N°04-81397

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 novembre 2004, 04-81397


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Fédéral,

- Y... Robert,

- Z... Jean-Claude,

- A... Gérard

,

- B... Jean-Claude,

- C... Christian,

- D... Alain,

- E... Serge,

- l'Union DEPARTEMENTALE DES...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Fédéral,

- Y... Robert,

- Z... Jean-Claude,

- A... Gérard,

- B... Jean-Claude,

- C... Christian,

- D... Alain,

- E... Serge,

- l'Union DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CONFEDERES DU LOT - CGT, parties civiles,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 15 janvier 2004, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Roland F... et de Robert G... du chef de discrimination syndicale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 481-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit non établi le délit de discrimination syndicale poursuivi, débouté en conséquence les salariés, représentants du personnel et délégués syndicaux, de leurs demandes en réparation du préjudice qu'ils avaient subi de ce chef ;

"aux motifs qu'il est au cas précis reproché aux prévenus d'avoir, entre le mois de juin 1997 et celui de mai 2000, décidé le ralentissement ou l'arrêt des évolutions de carrière et de salaire des parties civiles, sans tenir compte des critères objectifs constitués notamment par les évaluations professionnelles positives réalisées par leur chef de service ; qu'il découle de la combinaison des articles 388 et 551 du Code de procédure pénale que le tribunal correctionnel saisi par voie de citation ne peut connaître que des seuls faits ainsi énoncés et à l'égard desquels seuls il est régulièrement saisi ; que le premier juge ne pouvait dès lors se livrer à un examen de l'ensemble des faits invoqués par les parties civiles s'agissant de la partie d'entre eux commis avant le mois de juin 1997, début de la période de commission des faits incriminés, ni davantage s'intéresser à ceux postérieurs au mois de mai 2000, qui fixe le terme de cette même période ; qu'en effet, la nature de l'infraction reprochée n'est pas de celles des infractions continues qui nécessitent, pour être ainsi qualifiées, la réitération constante de la volonté délictuelle de l'auteur après la commission d'un acte initial, alors que l'acte matériel de discrimination, tel que le texte incriminateur le précise, se caractérise par une prise de décision qui consomme instantanément l'infraction, peu important à cet égard que plusieurs de ces décisions puissent être prises à l'intérieur de la période concernée, dès lors qu'elles apparaissent distinctes les unes des autres et signifieraient, dans cette hypothèse, autant d'infractions constituées par autant d'éléments matériels et moraux ; qu'il est établi au cas précis que les évolutions de salaire et de classification se font en général une fois l'an, sont appliquées en janvier et après négociation du volume global des augmentations de salaire entre la direction et les partenaires sociaux, après répercussion dans les différents départements, et que, depuis l'année 1998, est institué un entretien annuel destiné à faire le bilan de l'activité, l'évaluation des besoins de formation et l'examen des possibilités d'évolution, concourant ainsi à cette prise de décision ; que les seuls faits discriminatoires dénoncés par les parties civiles pouvant caractériser l'infraction sont constitués de décisions entraînant un ralentissement ou un arrêt de l'évolution de carrière et de salaire dont il convient de rechercher l'existence à l'intérieur de la période retenue en conséquence de ce qui précède ;

qu'il est ainsi à relever que Christian C..., embauché le 7 juillet 1969 en qualité de tourneur OS2, a atteint la position TA1 en 1990 et que s'il n'a effectivement connu aucun changement de position entre le mois de juin 1997 et celui de mai 2000, il a bénéficié d'une augmentation de rémunération se situant dans la moyenne de celles du panel de comparaison établi par l'inspecteur du travail et repris par les prévenus pour les besoins de cette démonstration ;

qu'il fait ainsi alternativement partie de ceux de ses collègues ayant bénéficié ou non d'une promotion annuelle supérieure à la moyenne alors que, sur l'ensemble de la période, près de 54 % des 38 personnes retenues ont connu une promotion inférieure ou égale à la sienne ; que Robert Y..., embauché le 4 avril 1966 en qualité de tourneur OS2, a atteint en 1997 le niveau TA 255 et bénéficié en conséquence, à l'intérieur de la période considérée, d'un changement de position indiciaire ; que le constat est ensuite le même que précédemment alors que, sur l'ensemble de la période, 59 % des 11 personnes retenues à titre de comparaison ont connu une promotion inférieure ou égale à la sienne ; que Gérard A..., embauché le 22 septembre 1969 en qualité de tourneur OS2, a atteint le niveau TA1 en 1994 ; que le constat est le même que pour Christian C..., alors que sur l'ensemble de la période, plus de 66 % des personnes retenues ont connu une promotion inférieure ou égale à la sienne ;

que Jean-Claude B..., embauché le 8 septembre 1975 en qualité de tourneur OS2, a atteint le 1er janvier 1993 le niveau 3, échelon 3, coefficient 240, catégorie TA1 ; que, si l'on constate l'absence de promotion en 1997 et 1999, on relève une situation identique chez certains des 16 salariés formant le panel de comparaison ; que ces décisions défavorables peuvent toutefois s'expliquer par deux appréciations désavantageuses lors des entretiens ayant immédiatement précédé les décisions critiquées sans qu'il soit établi que l'appartenance syndicale ait pu s'ajouter au motif retenu ; que toutefois, sur l'ensemble de la période, 42 % des personnes retenues ont connu une promotion inférieure ou égale à la sienne ; que Serge E..., embauché une première fois le 8 mars 1967 en qualité d'ajusteur ragréeur OS2 pour une durée déterminée de dix mois, l'a été à nouveau le 1er avril 1969 en qualité d'opérateur matériaux composites P1A et a atteint le niveau TA2 le 1er janvier 1993 ; que le constat étant le même que pour Christian C... sur l'ensemble de la période, près de 74 % des 38 personnes retenues ont ainsi connu une promotion inférieure ou égale à, la sienne ; qu'Alain D..., embauché le 4 octobre 1965 en qualité de tourneur OS2, a atteint TA1 en 1988 et TA2 le 1er janvier 1999 ; que les mêmes éléments conduisent à constater que, sur l'ensemble de la période, c'est un salarié sur deux parmi les dix concernés qui ont connu une évolution inférieure ou égale à la sienne ; que Claude Z..., embauché le 10 mai 1966, en qualité de tourneur OS2, a respectivement atteint les niveaux TA1 le 1er janvier 1990, TA2 en 1994 et TA3 en 1998 et bénéficié en conséquence, à l'intérieur de la période considérée, d'un changement de position indiciaire ; que, le constat demeurant le même, c'est ici plus de 58 % de ses collègues composant le panel constitué de 40 salariés qui ont connu une promotion inférieure ou égale à la sienne ; que Fédéral X..., embauché le 10 mai 1966, en qualité de tourneur OS1, a atteint en 1995 le niveau TA 255 ; que les mêmes éléments conduisent à constater que, sur l'ensemble de la période, près de 54 % des 40 personnes retenues ont connu une promotion inférieure ou égale à la sienne ; qu'au résultat de l'ensemble, il ne peut être tiré des éléments d'appréciation ainsi soumis que les décisions prises annuellement concernant l'un ou l'autre des syndicalistes concernés ait mis celui-ci dans une situation différente de celle des autres salariés, regroupés dans le cadre de l'analyse faite par l'inspection du travail pour permettre une nécessaire comparaison, ni retenu davantage une discrimination alors que la totalité d'entre eux ont connu une évolution égale ou plus favorable que ceux composant le panel de référence et que, parmi eux, deux salariés ont connu à l'intérieur de la période retenue un changement de position indiciaire ; qu'il convient, les faits reprochés n'étant pas établis, infirmant en conséquence la décision entreprise, de relaxer Robert G... et Roland F... des fins de la poursuite et de rejeter les demandes formées par les parties civiles ;

"alors que la cour d'appel, qui a omis ainsi d'analyser l'ensemble des faits invoqués par les parties civiles et n'a pas recherché, notamment dans les groupes de référence de même qualification à l'embauche et même ancienneté, si les salariés n'avaient pas subi dans l'évolution de leur carrière professionnelle jusqu'au mois de mai 2000 une discrimination présentant un lien avec leurs mandats et leur activité syndicale, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, surtout, qu'en statuant ainsi sur la seule promotion dont avaient bénéficié les parties civiles intéressées entre le mois de juin 1997 et celui de mai 2000, sans comparer les salaires et les coefficients des intéressés aux salaires moyens et aux coefficients moyens des salariés du groupe de référence, et donc la situation dans laquelle l'employeur les avait placés et maintenus au cours de cette période, l'inspecteur du travail ayant constaté que leurs salaires et coefficients étaient inférieurs aux salaires moyens et aux coefficients moyens de ce groupe de référence, ce dont se prévalaient les parties civiles intéressées et ce qui avait été déclaré établi par le tribunal, la cour d'appel n'a pas, derechef, légalement justifié sa décision" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;

que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un contrôle effectué au sein de la société Ratier-Figeac entre le 7 septembre 1999 et le 9 mai 2000, un inspecteur du travail a constaté que des représentants du personnel affiliés au syndicat CGT subissaient une évolution de carrière défavorable par rapport à celle des autres salariés recrutés à la même période dans la même catégorie professionnelle ;

Attendu que, pour infirmer le jugement qui avait dit Robert G... et Robert F..., respectivement président et directeur des ressources humaines de la société, coupables du délit de discrimination syndicale et alloué des réparations aux parties civiles, l'arrêt retient qu'au cours de la période visée à la prévention, de juin 1997 à mai 2000, les salariés concernés ont bénéficié d'une promotion se situant dans la moyenne du tableau de comparaison de l'inspecteur du travail ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans procéder à une étude comparative des salaires et coefficients des représentants du personnel et des autres salariés de l'entreprise, à diplôme équivalent et même ancienneté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, en date du 15 janvier 2004, toutes autres dispositions étant expréssement maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81397
Date de la décision : 09/11/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Représentant du personnel - Discrimination syndicale - Recherche nécessaire.

JUGEMENTS ET ARRETS - Motifs - Motifs insuffisants - Travail - Droit syndical dans l'entreprise - Représentant du personnel - Discrimination syndicale

Ne donne pas une base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour dire non établi le délit de discrimination syndicale concernant des représentants du personnel ayant aux termes d'un procès-verbal de l'inspection du travail subi une évolution de carrière défavorable par rapport à celle des autres salariés de l'entreprise, retient qu'au cours de la période visée à la prévention, les intéressés ont bénéficié d'une promotion se situant dans la moyenne du tableau de comparaison figurant au procès-verbal, en s'abstenant de procéder à une étude comparative des salaires et coefficients desdits représentants du personnel et des autres salariés, à diplôme équivalent et même ancienneté.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code du travail L412-2, L481-3

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 15 janvier 2004

A rapprocher : Chambre criminelle, 2000-06-14, Bulletin criminel, n° 226, p. 669 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 nov. 2004, pourvoi n°04-81397, Bull. crim. criminel 2004 N° 279 p. 1051
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 279 p. 1051

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: Mme Guirimand.
Avocat(s) : la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.81397
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