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15/02/2005 | FRANCE | N°04-84301

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 février 2005, 04-84301


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE ALDI MARCHE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du

21 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre Luc X... du chef d'entrave au fonct...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE ALDI MARCHE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 21 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre Luc X... du chef d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 212-6, L. 212-7, L. 212-8, L. 432-3, L. 431-5 et L. 483-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que le délit d'entrave au fonctionnement régulier du Comité d'entreprise, constitué par le refus du président de l'institution de lui remettre le listing des heures supplémentaires par personne, le listing des repos compensateurs par personne et le compteur d'heures d'annualisation par personne, n'était pas constitué et a débouté le Comité d'entreprise poursuivant de ses demandes en réparation, de ce chef ;

"aux motifs que le Comité d'entreprise Aldi Marché reproche à Luc X... d'avoir, de façon réitérée (réunions des 28 novembre, 6 décembre, 13 décembre 2001 et 26 février 2002), refusé de lui remettre les documents suivants : listing des heures supplémentaires par personne, listing des repos compensateurs par personne, le compteur d'heures d'annualisation par personne ;

qu'aux termes des articles L. 431-5 et L. 432-1 visés par la partie civile, l'obligation d'informer et de consulter le Comité d'entreprise s'entend des mesures touchant à la vie économique (organisation, gestion ) ou sociale (volume ou structure des effectifs, durée du travail, conditions d'emploi, conditions de travail, formation professionnelle ) de l'entreprise et affectant ainsi les conditions d'emploi du personnel pris dans son ensemble, ce qui exclut, comme demandé dans le cas présent, les informations revêtant un caractère individuel ; que, de même, les articles L. 212-6 et L. 212-7 du Code du travail, également visés par la partie civile, qui stipulent l'existence d'un contingent annuel d'heures supplémentaires et réglementent l'autorisation des heures supplémentaires hors contingent et la modulation du temps de travail, ne prévoient pas l'avis motivé du Comité d'entreprise ni donc n'imposent la remise à celui-ci, par la direction, d'informations écrites ; qu'enfin, l'article L. 212-8, dernier article visé par la partie civile, qui ouvre la possibilité d'une modulation du temps de travail et exige l'avis du Comité d'entreprise avant la mise en oeuvre du programme de modulation et une information annuelle sous forme de bilan de l'application de la modulation, n'édicte pas davantage la remise d'informations individualisées par salarié ; qu'ainsi, en l'absence de texte faisant obligation à l'employeur de communiquer des informations individuelles, les délits d'entrave reprochés et la faute de Luc X... ne sont pas caractérisés, l'usage ou la pratique antérieure n'étant pas, en matière pénale, créateur de droits, étant au surplus relevé que la partie civile donne à la circulaire DRT 13-8 du 17 mars 1993 et à la position de principe du Ministre du travail n° 5/88 du 29 juillet 1988 une dimension que celles-ci n'ont pas ;

"et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que les demandes formées portent atteinte à la vie privée de chaque salarié de l'entreprise pour qui les demandes sont nominatives ; qu'aucun texte ne permet au Comité d'entreprise d'avoir connaissance de ces informations ; que les infractions reprochées ne sont prévues par aucun texte ;

"alors que les articles L. 212-6, L. 212-7 et L. 212-8 du Code du travail prévoient la consultation du Comité d'entreprise et l'avis de celui-ci transmis à l'inspecteur du travail sur le contingent d'heures supplémentaires et la modulation d'une annualisation des heures de travail ; que l'article L. 431-5 du Code du travail exige que, pour formuler un avis motivé, le Comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par le chef d'entreprise ; que seuls les documents existant dans l'entreprise qui permettent de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié sont de nature à permettre un contrôle des représentants du personnel, de ce chef, et de donner un avis éclairé, sans que ces informations touchent à la vie privée des salariés ;

qu'en prononçant autrement, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Luc X..., dirigeant de la société Aldi Marché , a été cité directement devant la juridiction correctionnelle sur le fondement des articles L. 432-1, L. 432-3, L. 435-1, L. 212-6, L. 212-7, L. 212-8 et L. 483-1 du Code du travail à la requête, notamment, du comité d'entreprise de ladite société qui lui reprochait d'avoir, entre le 28 novembre 2001 et le 30 avril 2002, entravé son fonctionnement en refusant de lui communiquer des informations précises et écrites relatives aux heures supplémentaires, au repos compensateur ainsi qu'au compteur d'heures d'annualisation, et ce, pour chaque salarié concerné ;

Attendu que le comité d'entreprise, partie civile, exposait qu'après la conclusion d'un accord de modulation du 23 juillet 2001 ayant entraîné l'annualisation du temps de travail dans l'entreprise, il avait demandé en vain à connaître pour chacun des salariés le "compteur d'annualisation" afin de vérifier l'application de l'accord ; qu'il faisait valoir que, n'ayant reçu qu'une communication orale et globale sur le nombre d'heures supplémentaires, il n'avait pu disposer des informations utiles concernant l'utilisation du contingent annuel d'heures supplémentaires, et n'avait pu donner son avis en vue de l'éventuelle utilisation d'heures supplémentaires au-delà de ce contingent ;

Attendu que, le tribunal a relaxé le prévenu et débouté le comité d'entreprise de ses demandes ; que celui-ci a relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué, statuant sur les seuls intérêts civils, énonce que l'obligation d'informer et de consulter prévue par les articles L. 431-5 et L. 432-2 du Code du travail s'entend des mesures touchant la vie économique ou sociale de l'entreprise et affectant ainsi les conditions d'emploi du personnel pris dans son ensemble, à l'exclusion des informations revêtant, comme en l'espèce, un caractère individuel ; que les juges retiennent que les articles L. 212-6 et L. 212-7 du Code du travail ne prévoient pas l'avis motivé du comité d'entreprise ni n'imposent la remise à celui-ci, par la direction, d'informations écrites ; qu'ils ajoutent que l'article L. 212-8 du même Code, qui exige l'avis du comité d'entreprise avant la mise en oeuvre du programme de modulation du temps de travail et une information annuelle sous forme de bilan de l'application de la modulation, n'édicte pas davantage la remise d'informations individualisées par salarié ;

que la cour d'appel en déduit qu'en l'absence de texte faisant obligation à l'employeur de communiquer des informations individuelles, Luc X... n'a commis, sur le fondement des faits ayant donné lieu à poursuite, aucune faute ouvrant droit à réparation au profit de la partie civile ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'en matière de durée du travail, l'information du comité d'entreprise est nécessairement écrite, ainsi que l'exige l'article L. 431-5, deuxième alinéa, du Code du travail, et individualisée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 21 juin 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur l'action civile ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit du comité d'entreprise de la société Aldi Marché , partie civile, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, M. Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mmes Ménotti, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84301
Date de la décision : 15/02/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Comité d'entreprise - Délit d'entrave - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Elément matériel - Défaut d'informations précises et écrites en matière de durée du travail.

Ne justifie pas sa décision au regard de l'article L. 431-5 du Code du travail, la cour d'appel qui énonce qu'en se bornant à une communication orale et globale sur les heures supplémentaires effectuées dans l'entreprise, l'employeur n'a commis aucune faute ouvrant droit à réparation au profit du comité d'entreprise constitué partie civile, alors que, touchant à la durée du travail, l'information des représentants du personnel doit être écrite et individualisée par salarié.


Références :

Code du travail L212-6, L212-7, L212-8, L431-5, L432-1, L432-3, L432-2, L483-1
Code de procédure pénale 593

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 fév. 2005, pourvoi n°04-84301, Bull. crim. criminel 2005 N° 61 p. 228
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 61 p. 228

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Beyer.
Avocat(s) : la SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.84301
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