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23/03/2005 | FRANCE | N°04-80703

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2005, 04-80703


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire SALMERON, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, et de Me CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE X... Hervé,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 15 janvier 2004,

qui, pour complicité d'abus de biens sociaux, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement ave...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire SALMERON, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, et de Me CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE X... Hervé,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 15 janvier 2004, qui, pour complicité d'abus de biens sociaux, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires, produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 242-6, 3 , du Code de commerce, 121-1, 121-3, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hervé Le X... coupable du délit de complicité d'abus de biens sociaux commis de janvier à février 1995, au préjudice de la société Y..., par Grégoire Y..., et l'a condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs que, d'une part, Grégoire Y..., dirigeant de la société depuis 1982, à la suite de son père, connaissait nécessairement les difficultés sérieuses de la société lors du financement du rachat des parts Z... par la société Y... et que cette décision qui a fait courir un risque anormal pour le patrimoine social, a été prise dans l'intérêt personnel du dirigeant afin qu'il garde la direction de l'entreprise, tandis que la société Y... n'en retirait aucun avantage et consomme alors un abus de bien social ;

"aux motifs que, d'autre part, Hervé Le X... a donné des conseils pour la réalisation de ce montage financier et qu'il a ainsi permis le rachat par la société des 518 actions de la société CGLB et ne peut pertinemment soutenir qu'il ignorait la situation de la société ; que, même si le bilan de l'exercice de 1994 n'a été connu qu'en mars 1995, une situation intermédiaire de juin 1994 faisait déjà apparaître un résultat négatif de plus de 5 000 000 francs en six mois d'activité ; que le dirigeant était informé de la chute du chiffre d'affaire ainsi que des pertes financières depuis près de deux ans, au moins par son chef comptable ;

"aux motifs que, de plus, les opérations de financement par la société Y... des parts de la société CGLB se sont poursuivies jusqu'au 22 juin 1995, date de la passation de l'écriture comptable, la réduction de capital étant approuvée par l'assemblée générale le 25 mai 1995 ; que, par ailleurs, il résulte des procès-verbaux du conseil d'administration et d'assemblée générale, qu'Hervé Le X... était le secrétaire de la séance le 1er mars 1995, était présent lors de la délibération du conseil d'administration du 24 mai 1995 qui a constaté la perte de 10 850,769 francs pour l'exercice clos au 31 décembre 1994 et a décidé de proposer à l'assemblée générale de constater l'annulation des 518 actions et la perte corrélative du montant du capital social, était secrétaire de séance lors de l'assemblée générale mixte du 22 juin 1995 à laquelle ont été soumis les comptes de 1994 et qui a constaté l'annulation des 518 actions et la réduction du capital social ; qu'ainsi Hervé Le X... a laissé se poursuivre le montage financier jusqu'à son terme, fin juin 1995, soit deux mois avant le dépôt de bilan de la société par Grégoire Y..., le 31 août 1995 ;

"alors que, d'une part, selon la combinaison des articles 121-1, 121-3 et 121-7 du Code pénal, le complice qui apporte son aide à l'auteur doit avoir eu personnellement conscience de s'associer à la commission d'un fait délictueux, pour être déclaré pénalement responsable ; qu'en relevant que la preuve de la mauvaise foi du conseil de la société Y... était établie dès lors que la situation intermédiaire du bilan de juin 1994, qui faisait déjà état de pertes financières, était connue et que le dirigeant était informé de la chute du chiffre d'affaires ainsi que des pertes financières depuis près de deux ans, au moins par son chef comptable, les juges d'appel se sont prononcés par des motifs visant uniquement la culpabilité de l'auteur, dirigeant de la personne morale, personnellement informé de la situation négative de la société qu'il présidait, mais n'ont pas statué au regard de la connaissance personnelle qu'en aurait eue le prévenu, conseil occasionnel, appelé ponctuellement pour régler une situation financière dont la majorité des éléments ne lui avait pas été communiqués, en sorte que les juges d'appel ont violé les textes susvisés ;

"alors que, d'autre part, le juge pénal ne peut statuer sur des faits étrangers à ceux figurant dans l'ordonnance de renvoi qui le saisit que si le prévenu a accepté le débat sur ces faits distincts de ceux initialement visés à la prévention ; qu'en l'espèce, Hervé Le X... a été poursuivi du chef de complicité d'abus de biens sociaux pour avoir, de janvier à février 1995, conseillé le dirigeant de la société Y... lors du montage juridique et financier ayant abouti au rachat des parts de Mme Z..., en sa qualité de conseiller de la société Fidal ; que les juges d'appel, pour établir à la charge d'Hervé Le X... sa connaissance de la situation financière négative de la société Y... et caractériser sa participation frauduleuse, ont cependant fait état de sa présence lors de la séance du conseil d'administration du 24 mai 1995 qui a constaté la perte de 10 850,769 francs pour l'exercice de 1994 et de sa qualité de secrétaire de séance lors du conseil d'administration du 1er mars 1995 et de l'assemblée générale mixte du 22 juin 1995, avant de lui reprocher d'avoir laissé se poursuivre le montage financier jusqu'à son terme, à la fin du mois de juin 1995 ; qu'en se saisissant ainsi de faits étrangers à la poursuite, sans constater l'accord d'Hervé Le X... pour être jugé à raison de faits pour lesquels il n'était pas poursuivi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs" ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs repris au moyen, la cour d'appel a, sans méconnaître l'étendue de sa saisine, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de complicité d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, après avis de la chambre commerciale, pris de la violation des articles L. 621-68, L. 621-90 et L. 242-6, 3 , du Code de commerce, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile du commissaire à l'exécution du plan de cession et a condamné le prévenu à lui payer une somme de 762 245,09 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi par la société Y... ;

"aux motifs que le commissaire à l'exécution du plan de cession a une double mission, surveiller le cessionnaire tant qu'il n'a pas intégralement réglé le prix de cession et répartir le prix de cession entre les créanciers antérieurs et postérieurs ; que, s'il résulte des dispositions combinées des articles L. 621-66, L. 621-68 et L. 621-90 du Code de commerce, que si le tribunal arrêtant le plan de cession fixe la durée de la mission du commissaire à l'exécution, celle-ci est prorogée jusqu'au paiement intégral du prix de cession, s'il y a lieu, après l'exécution de la durée du plan ; que la notion de paiement du prix s'entend non seulement du règlement du montant de la cession par le cessionnaire entre les mains du commissaire à l'exécution du plan, mais aussi de la distribution intégrale du prix aux créanciers admis, jusqu'à ce que la fin de la mission soit constatée par le juge commissaire et le tribunal de commerce lors de la reddition des comptes du commissaire à l'exécution et lors de la constatation de la fin des opérations de cession ; qu'en l'espèce, la répartition intégrale du prix de cession n'était pas terminée lors de la constitution de partie civile de Me A..., en septembre 2002, en sorte qu'il avait donc toujours qualité pour agir dans l'intérêt de la société Y... et se constituer partie civile pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait de la perte des 5 000 000 francs résultant du financement du rachat des actions B..., dans le seul intérêt de Grégoire Y... ;

"alors que le commissaire à l'exécution du plan, faute de représentation, n'a plus qualité pour se constituer partie civile du chef d'abus de biens sociaux lorsque sa mission s'est achevée par le paiement intégral du prix de cession par le cessionnaire, nonobstant la répartition ultérieure du prix aux divers créanciers ;

que, selon les dispositions combinées de l'article 2 du Code de procédure pénale et celles des articles L. 621-68, L. 621-90 et 242-6, 3 , du Code de commerce, si le commissaire à l'exécution du plan est notamment compétent - dans le cadre de sa mission - pour exercer une action civile contre les dirigeants de la société, seul un administrateur ad hoc peut - après paiement intégral du prix de cession - se constituer partie civile au nom de la personne morale ;

qu'en l'espèce, le tribunal de commerce de Quimper, par jugement du 28 juin 1996, a ordonné la cession des éléments d'actifs de la société Y... à M. C... et a désigné Me A..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession, en indiquant que les actes de cession devaient être régularisés dans un délai maximum de six mois, soit au 28 décembre 1996 ; que la mission principale du commissaire à l'exécution du plan a pris fin le 1er février 1997, date à laquelle a eu lieu le paiement de la dernière échéance du paiement du prix de cession par le cessionnaire, en sorte que la constitution de partie civile du commissaire à l'exécution du plan, du chef d'abus de biens sociaux, présentée en septembre 2002, est irrecevable, faute de qualité de son auteur ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Y..., le tribunal de commerce, par jugement du 28 juin 1996, a ordonné la cession des éléments d'actif de la société, désigné Michel A... en qualité de commissaire à l'exécution du plan et précisé que les actes de cession devraient être régularisés dans un délai de 6 mois à compter du jugement ; que Michel A... s'est constitué partie civile en septembre 2002 à la suite du renvoi devant le tribunal correctionnel, pour abus de biens sociaux et complicité, des dirigeants de la société Y... et d'Hervé Le X... ;

Attendu que, pour déclarer cette constitution de partie civile recevable, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que, d'une part, le jugement arrêtant le plan de cession n'en ayant pas fixé la durée, la mission du commissaire à l'exécution du plan se poursuit jusqu'à la clôture de la procédure collective, et que, d'autre part, il n'est pas allégué que celle-ci ait été clôturée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme que Hervé Le X... devra payer à Michel A..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Y..., au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Salmeron conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Soulard, Mme Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-80703
Date de la décision : 23/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Société en général - Redressement judiciaire - Commissaire à l'exécution du plan - Constitution de partie civile - Recevabilité - Cas.

ACTION CIVILE - Partie civile - Qualité - Sociétés - Redressement judiciaire - Commissaire à l'exécution du plan - Mission - Durée - Effet

Justifie sa décision la cour d'appel qui dit recevable la constitution de partie civile du commissaire à l'exécution du plan dès lors que, d'une part, le jugement arrêtant le plan de cession n'en ayant pas fixé la durée, la mission dudit commissaire se poursuit jusqu'à la clôture de la procédure collective et que, d'autre part, il n'était pas allégué que celle-ci ait été clôturée.


Références :

Code de commerce L621-66, L621-68, L621-90

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 15 janvier 2004

Sur la durée de la mission du commissaire à l'exécution du plan, dans le même sens que : Chambre commerciale, 2004-03-10, Bulletin 2004, IV, n° 49, p. 49 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 2005, pourvoi n°04-80703, Bull. crim. criminel 2005 N° 102 p. 356
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 102 p. 356

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: Mme Salmeron.
Avocat(s) : la SCP Baraduc et Duhamel, Me Capron.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.80703
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