La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2006 | FRANCE | N°05-82727

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2006, 05-82727


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, de la la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre

correctionnelle, en date du 22 mars 2005 qui, pour discrimination syndicale, l'a condam...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, de la la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 22 mars 2005 qui, pour discrimination syndicale, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 481-3 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christian X... coupable de discrimination syndicale pour ne pas avoir procédé aux augmentations de salaire de certains salariés représentants syndicaux, l'a condamné à une peine d'amende et à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale aux salariés concernés et aux organisations syndicales parties civiles ;

"aux motifs qu'il apparaît que le déroulement de la carrière de Clément Y... a été sans particularité jusqu'en 1996 ; qu'il a bénéficié d'augmentations régulières de salaire de son embauche jusqu'en janvier 1991 ; que lorsque le ralentissement économique a conduit Z... à limiter puis à supprimer les augmentations de salaire de ses collaborateurs, il s'est trouvé - et ce de 1993 jusqu'en 1995 - dans la même situation que les autres salariés ; que lorsque l'amélioration de la situation économique a permis à Z... de reprendre, à partir de l'année 1996, une politique d'augmentations individuelles des salaires, il n'a bénéficié, durant la période visée par la prévention, que de deux augmentations, le 3 mars 1998 (2,54 %) et le 1er janvier 1999 (0,02 %), destinées exclusivement à aligner son salaire - qui était le plus bas de tous les salariés de sa catégorie - sur les minimums fixés par la convention collective ; que, s'agissant de Roger A..., il n'a été embauché qu'en 1990 et a subi comme les autres salariés les effets du ralentissement économique à partir de 1991 sur la politique salariale de Z... ; que, lorsque celle-ci a repris une politique d'augmentations individuelles de salaires, Roger A... n'en a jamais bénéficié durant les années qui ont suivi (1997 à 1999) ;

"alors que l'appréciation de l'existence d'une discrimination supposant une étude comparative entre la situation du ou des salariés s'estimant lésés avec celle des autres salariés la Cour, qui s'est abstenue de répondre à l'argument péremptoire des conclusions de Christian X... faisant valoir que sur la période visée par la prévention, 195 collaborateurs de Z... avaient perçu en moyenne une augmentation supérieure à 4,58 % et 58 collaborateurs une augmentation inférieure ou égale à ce pourcentage et que Clément Y... avait eu une progression salariale de 4,58 % et Roger A... une progression de 3,18 % - cette moindre progression s'expliquant par le fait qu'il avait un salaire plus élevé de 20 % que celui de Clément Y... - n'a pas dès lors justifié de la matérialité d'une discrimination, de sorte que la déclaration de culpabilité s'avère dépourvue de toute base légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 481-3 du Code du travail, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christian X... coupable de discrimination syndicale à l'encontre de Clément Y..., l'a condamné à une peine d'amende et à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à ce salarié et à l'organisation syndicale qu'il représente ;

"aux motifs qu'il apparaît que le déroulement de la carrière de Clément Y... a été sans particularité jusqu'en 1996, qu'il a bénéficié d'augmentations régulières de salaire de son embauche jusqu'en janvier 1991, que lorsque le ralentissement économique a conduit Z... à limiter puis à supprimer les augmentations de salaire de ses collaborateurs, il s'est trouvé - et ce de 1993 jusqu'en 1995 - dans la même situation que les autres salariés, que lorsque l'amélioration de la situation économique a permis à Z... de reprendre, à partir de l'année 1996, une politique d'augmentation individuelle des salaires, il n'a bénéficié, durant la période visée par la prévention, que de deux augmentations, le 3 mars 1998 (2,54 %) et le 1er janvier 1999 (0,02 %), destinées exclusivement à aligner son salaire - qui était le plus bas de tous les salariés de sa catégorie - sur le minimum fixé par la convention collective ; que l'affirmation de Christian X... selon laquelle l'absence d'augmentation ne serait due qu'aux insuffisances professionnelles de Clément Y..., mises en évidence par les entretiens d'évaluation, se heurte au fait : - que jusqu'à la date à laquelle Clément Y... s'est porté candidat aux élections professionnelles sous l'étiquette CGT, les appréciations portées dans les entretiens sur l'exécution par Clément Y... des stages qui lui étaient confiés marquaient la satisfaction de son supérieur hiérarchique ; - que le premier entretien au cours duquel des appréciations nettement défavorables ont été portées suivait le dépôt de la candidature de Clément Y... aux élections professionnelles, étant observé d'une part que Clément Y... avait été convoqué d'urgence, après le dépôt de candidature, d'autre

part, qu'il s'agissait du deuxième entretien d'évaluation de l'année 1996, suivant le premier de trois mois alors qu'aucun changement de situation n'était intervenu entre temps et qu'il n'est fourni aucun exemple d'une procédure similaire pour un autre salarié de l'entreprise ; - que les éléments cotés défavorablement au cours des entretiens d'octobre 1996 et décembre 1998 ne concernent pas des faits ou circonstances concrets et vérifiables mais des appréciations subjectives ; que, par ailleurs, il convient encore de relever et Christian X... ne le conteste pas : - que Clément Y... a travaillé de juin 1985 à décembre 1996 (11 ans et demi) pendant 2 000 jours environ et est demeuré en période d'inter-contrat (c'est-à-dire en l'attente d'affectation) que durant 120 jours environ et que de janvier 1997 à janvier 2004, il n'a travaillé que 360 jours environ, demeurant en période d'inter-contrat pendant 1 320 jours environ ; - que Clément Y... a bénéficié de 32 jours de formation de juin 1985 à janvier 1996 (soit 3 jours par an environ) et seulement de 5 jours de formation de janvier 1987 à janvier 2004 ; - que les décharges syndicales ne suffisent pas justifier cette différence de traitement compte tenu de son ampleur ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'absence d'augmentation autres que celles destinées à aligner le salaire sur le minimum prévu par la convention collective durant la période visée par la prévention n'est pas justifiée par la prétendue insuffisance professionnelle de Clément Y..., mais par une discrimination liée à l'appartenance syndicale de celui-ci, la volonté de discriminer résultant non seulement de l'absence d'augmentation mais également des mesures prises en ce qui concerne la fourniture de mission et les actions de formation durant la période visée par la prévention (et poursuivis au-delà de ladite période comme il vient d'être rappelé) ; que dès lors, l'infraction apparaît constituée à l'encontre du prévenu en ce qui concerne le traitement discriminatoire infligé à Clément Y... en raison de son appartenance au syndicat CGT ;

"alors, d'une part, que les critères retenus pour procéder à l'évaluation des salariés de Z... étant, ainsi que le relève la Cour (p. 7), la performance accomplie, le potentiel, l'expérience et le positionnement salarial, ensemble d'éléments laissant place à une marge non négligeable de subjectivité dans l'appréciation, la Cour, qui sans remettre en cause la pertinence de ces critères ayant permis à Clément Y... de bénéficier d'une appréciation favorable, écarte ainsi les conclusions des entretiens d'évaluation d'octobre 1996 et décembre 1998 en considérant que les éléments cotés défavorablement de ces entretiens reposaient sur des appréciations subjectives sans autre précision et sans notamment s'expliquer sur l'éventuel caractère desdites appréciations n'a pas dès lors en l'état de ces insuffisances de motifs, justifié de sa décision ;

"alors, d'autre part, que la prévention visant exclusivement une discrimination à raison de l'absence d'augmentations de salaire de certains salariés représentants syndicaux, la Cour ne pouvait, sans entacher sa décision d'excès de pouvoir, prétendre se fonder sur la durée des périodes d'inter-contrat connues par Clément Y... ou encore le nombre de jours de formation dont il avait bénéficié au cours de la période retenue par la prévention, ensemble de faits n'entrant pas dans sa saisine ;

"alors, enfin, que la Cour, en prétendant retenir comme élément de preuve de la discrimination le fait que pour la période allant de janvier 1997 à janvier 2004, Clément Y... avait vu s'accroître le nombre des jours où il avait été en inter-contrat tandis qu'au cours de la même période, il avait vu diminuer le nombre de ses jours de formation, sans opérer la moindre comparaison de cette situation avec celle pour la même période de l'ensemble des salariés de Z... comme de ceux dotés d'un mandat représentatif, n'a pas davantage justifié de sa décision retenant l'existence d'une discrimination" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 481-3 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christian X... coupable du délit de discrimination syndicale à l'encontre de Roger A..., l'a condamné à une peine d'amende et à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à ce salarié et à l'organisation syndicale qu'il représente ;

"aux motifs que, pour retenir la culpabilité de Christian X... du chef de discrimination syndicale à l'égard de Roger A..., il suffira de relever : - que Roger A... n'a été embauché qu'en 1990 et qu'il a subi comme les autres salariés les effets du ralentissement économique à partir de 1991 sur la politique salariale de Z... ; - que le dernier entretien d'évaluation de Roger A... avant qu'il fasse acte de candidature aux élections professionnelles date, selon les pièces produites, du 17 novembre 1994 et qui ne comporte pour toutes les tâches effectuées que la cote B (voire B +) exprimant la satisfaction de ses supérieurs hiérarchiques ; - que l'entretien d'évaluation du 13 novembre 2003 produit par Christian X... pour justifier des insuffisances de Roger A... est dépourvu de toute pertinence dans la mesure où il est postérieur de près de quatre ans à la période visée par la prévention ;- que Christian X... ne produit en réalité aucun document justifiant d'insuffisance professionnelle de Roger A... durant la période visée par la prévention et pouvant expliquer que lorsque, à partir de 1996, Z... a repris une politique d'augmentations individuelles de salaire, Roger A... n'en ait jamais bénéficié durant les années qui ont suivies (1997 à 1999) ; - que ni Christian X..., ni Z... n'ont jamais démenti les termes du courrier de l'inspecteur du Travail mentionnant que pour essayer de justifier l'absence d'augmentation de la rémunération de Roger A..., des responsables commerciaux de Z... avaient tenté d'obtenir de l'Aérospatiale qu'elle se plaigne de la prestation de Roger A..., ce qu'elle n'avait jamais accepté de faire ; - que l'ensemble de ces éléments suffisent à démontrer que l'absence d'augmentation de Roger A... durant la période visée par la prévention n'est pas liée à son insuffisance professionnelle mais à une discrimination volontaire liée à son appartenance syndicale ;

"alors, d'une part, que la Cour, qui a ainsi affirmé que Christian X... ne justifiait nullement pour la période 1997 à 1999 d'une insuffisance professionnelle de la part de Roger A... pouvant expliquer qu'au cours de cette période, il n'ait pas bénéficié d'augmentations individuelles de salaire sans répondre à l'argumentation péremptoire des conclusions de Christian X... faisant état de l'entretien de performance de l'année 1997 dont il ressortait la nécessité pour ce salarié d'améliorer et de progresser sur différents points, n'a d'ailleurs pas légalement justifié sa décision imputant l'absence d'augmentation de salaire non pas à une insuffisance professionnelle mais à une volonté de discrimination ;

"alors, d'autre part, que la constatation que des responsables commerciaux de Z... aient vainement tenté d'obtenir d'un client une attestation à l'encontre de Roger A... ne saurait, en l'absence de toute autre précision, notamment quant au contexte de cette démarche, constituer un motif suffisant pour établir une volonté de discrimination à l'encontre de ce salarié" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Christian X... devra verser à la Fédération nationale des personnels des sociétés d'étude et de prévention CGT, l'union locale des syndicats CGT Colomiers, Clément Y... et Roger A... en application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-82727
Date de la décision : 28/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, 22 mars 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mar. 2006, pourvoi n°05-82727


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.82727
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award