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05/04/2006 | FRANCE | N°06-81835

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 avril 2006, 06-81835


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Julian,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BOURGES, en date du 7 mars 2006, q

ui a autorisé sa remise temporaire aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Julian,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BOURGES, en date du 7 mars 2006, qui a autorisé sa remise temporaire aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

Vu les mémoires personnels et ampliatif produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 17 février 2006, Julian X...
Y... s'est vu notifier un mandat d'arrêt européen émis, le 29 décembre 2005, par le tribunal central d'instruction n° 5 de l'Audiencia Nacional pour l'exercice de poursuites pénales des chefs de complicité de participation à la commission d'actes de terrorisme et détention illicite d'explosifs aux fins de terrorisme ; que, devant la chambre de l'instruction, il n'a pas consenti à être remis aux autorités judiciaires espagnoles ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a autorisé sa remise temporaire pour une durée d'un an au terme de laquelle il achèvera d'exécuter les peines d'emprisonnement actuellement en cours ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour le demandeur, pris de la violation des articles 695-13 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise temporaire de Julian X...
Y... aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré le 29 décembre 2005 ;

"aux motifs que les précisions de lieux de commission des infractions contenues dans le mandat d'arrêt sont suffisantes ;

"alors que, les actes de complicité reprochés au demandeur ne font l'objet d'aucune précision d'aucune sorte, ni sur leur date de commission, ni sur leur lieu de commission, ni sur les actes matériels caractérisant la prétendue complicité ; que des précisions de temps ou de lieu sur les actes commis par les auteurs principaux sont insusceptibles de répondre aux exigences de l'article 695-13 quant à la caractérisation factuelle de l'infraction reprochée spécifiquement à la personne recherchée, dès lors que celle-ci ne se voit reprocher que des actes de complicité sur la nature et les circonstances desquels elle est dans l'incapacité de s'expliquer ; que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des droits de la défense" ;

Sur le deuxième moyen de cassation présenté par le demandeur, pris de la violation de l'article 695-13 du Code de procédure pénale ;

Sur le troisième moyen de cassation présenté par le demandeur, pris de la violation de l'article 695-13 du Code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour autoriser la remise temporaire de l'intéressé, l'arrêt, reprenant les renseignements figurant dans le mandat d'arrêt européen, relève qu'il lui est reproché, étant responsable de l'appareil logistique de l'ETA, d'avoir, d'une part, donné des instructions au commando Ibarla de cette organisation pour commettre trois attentats terroristes les 13 et 14 juillet et 15 août 1995 à Sagunto et Maria de Huerva (Espagne) et fourni le matériel nécessaire à cette fin et, d'autre part, détenu illicitement des explosifs ; que la chambre de l'instruction énonce que ces faits constituent trois infractions de "ravages terroristes" et une infraction de détention illicite d'explosifs aux fins de terrorisme ;

que les juges ajoutent que les mentions du mandat d'arrêt européen respectent les prescriptions énoncées à l'article 695-13 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à apprécier le bien-fondé de la poursuite exercée par les autorités judiciaires de l'Etat membre d'émission, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le second moyen de cassation présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour le demandeur, pris de la violation des articles 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 12 du préambule de la décision- cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, 695-22 et 695-25 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, violation des droits de la défense, de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et du droit à la sûreté ;

"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise temporaire de Julian X...
Y... aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré le 29 décembre 2005 ;

"aux motifs que la défense fournit des éléments très troublants en ce qui concerne Iratxe Z...
A..., directement impliquée dans la présente affaire, mais que les Etats signataires de l'accord-cadre sur le mandat d'arrêt européen ont considéré que l'Espagne respectait les droits et principes garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, et n'ont pas mis en oeuvre la procédure autorisant le Conseil à suspendre le mécanisme du mandat d'arrêt européen ; que le contrôle confié à un organisme central dans chaque Etat est suffisant ; que le demandeur ayant été remis deux fois à l'Espagne ne se plaint pas d'avoir personnellement subi des tortures ou été victime de discrimination ; que la chambre de l'instruction ne dispose d'aucune information permettant d'affirmer que le témoignage d'Iratxe Z...
A... serait le seul élément à charge ; qu'en toute hypothèse seule la juridiction doit écarter les preuves obtenues sous la torture ;

"alors, d'une part, qu'il appartient au juge de l'Etat, directement saisi par son homologue d'une demande de remise en vertu d'un mandat d'arrêt européen, de vérifier que la demande ne se heurte à aucune règle supérieure résultant des principes constitutionnels ou conventionnels auxquels la France a adhéré ;

qu'en refusant d'exercer le contrôle qui lui était demandé, au motif, erroné en droit, qu'il appartiendrait aux seuls Etats de suspendre le mécanisme du mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses propres pouvoirs ;

"alors, d'autre part, que l'interdiction de la torture, édictée par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à laquelle se réfère la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 dans le paragraphe 12 de son préambule, entraîne l'interdiction de prendre en compte tout élément de preuve recueilli sous la torture ; que cette interdiction ne s'applique pas seulement à une juridiction de jugement, mais à tout juge relevant du système judiciaire mis en place par l'Union européenne, y compris le juge requis de se prononcer sur la remise d'un individu en vertu d'un mandat d'arrêt européen ; que ce juge a l'obligation de refuser la remise, s'il lui apparaît que tout ou partie des preuves recueillies contre la personne concernée, quels que soient le stade de la procédure et l'objet de la demande de remise (instruction d'une affaire ou exécution d'une peine), l'ont été sous la torture ; que la chambre de l'instruction a ainsi violé les textes et principes susvisés" ;

"alors, enfin, qu'il appartenait à la chambre de l'instruction de rechercher, au besoin en demandant un complément d'information, si l'essentiel des preuves retenues contre le demandeur avait été recueilli sous la torture, et, dans l'affirmative, de refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen ; qu'en se bornant à retenir qu'elle ne disposait pas d'éléments lui permettant de dire qu'il n'aurait pas existé d'autres éléments à charge que les témoignages recueillis sous la torture, la chambre de l'instruction n'a pas rempli son office, méconnu l'étendue de ses pouvoirs, et encore violé les textes et principes susvisés" ;

Sur le premier moyen de cassation présenté par le demandeur, pris de la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour autoriser la remise aux autorités judiciaires espagnoles de Julian X...
Y..., qui contestait les conditions dans lesquelles les éléments fondant les charges retenues à son encontre auraient été recueillies, l'arrêt prononce par les motifs partiellement reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que le grief invoqué n'entre pas dans les prévisions des articles 695-22, 695-23 et 695-24 du Code de procédure pénale prévoyant les seuls cas où l'exécution d'un mandat d'arrêt européen peut être refusée, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation présenté par le demandeur, pris de la violation des articles 695-13 et 695-22 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, pour s'opposer à sa remise, Julian X...
Y... soutient qu'il a déjà été condamné en France pour les faits pour lesquels celle-ci est demandée ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant la chambre de l'instruction, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Sur le cinquième moyen de cassation présenté par le demandeur, pris de la violation de l'article 695-23 du Code de procédure pénale ;

Attendu que Julian X...
Y... allègue que les faits fondant la remise ne seraient pas pénalement incriminés en France ;

Attendu que ce moyen est inopérant dès lors que ces faits sont punis par l'Etat d'émission d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement et qu'ils entrent dans l'une au moins des catégories d'infractions prévues par l'article 695-23, alinéas 2 à 34, pour lesquels la réciprocité d'incrimination n'est pas exigée ;

Sur le sixième moyen de cassation présenté par le demandeur ;

Attendu que ce moyen, qui ne vise aucun texte de loi, doit être déclaré irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, MM. Challe, Dulin, Mme Thin, MM. Rognon, Chanut, Mmes Nocquet, Ract-Madoux conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-81835
Date de la décision : 05/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Remise - Refus - Cas - Articles 695-22 à 695-24 du code de procédure pénale - Enumération limitative.

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Procédure - Chambre de l'instruction - Pouvoirs - Etendue - Examen des conditions dans lesquelles les éléments fondant les charges auraient été recueillis (non)

N'entre pas dans les prévisions des articles 695-22, 695-23 et 695-24 du code de procédure pénale, qui prévoient les cas où l'exécution d'un mandat d'arrêt européen peut être refusée, l'examen du grief tiré des conditions dans lesquelles les éléments fondant les charges auraient été recueillis dès lors qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de prononcer sur le fond de la poursuite.


Références :

Code de procédure pénale 695-22, 695-23, 695-24

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges (chambre de l'instruction), 07 mars 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 avr. 2006, pourvoi n°06-81835, Bull. crim. criminel 2006 N° 106 p. 405
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 106 p. 405

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: M. Lemoine.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.81835
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