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16/01/2007 | FRANCE | N°06-83179

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2007, 06-83179


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRÉCHÈDE ;
REJET du pourvoi formé par X... Patrick, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre, en date du 16 février 2006, qui, pour homicides involontaires, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 500 euros d'amende et a pronon

cé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRÉCHÈDE ;
REJET du pourvoi formé par X... Patrick, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre, en date du 16 février 2006, qui, pour homicides involontaires, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6 et 121-3 du code pénal,485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable d'homicides involontaires ;
" aux motifs que " Mathieu Y... et Anissa Z... ont été hospitalisés le 31 mars 1999 alors qu'ils présentaient l'un comme l'autre, mais à un niveau de gravité différent, une affection identique n'engageant cependant pas le pronostic vital ; que, compte tenu des conséquences, notamment neurologiques, susceptibles de résulter de l'intoxication oxycarbonée dont ils se trouvaient atteints, l'indication d'oxygénothérapie alors posée par les docteurs B..., médecin hyperbariste au centre médico-chirurgical de la porte de Pantin, et par le docteur A...-serait-elle apparue excessive au deuxième collège d'experts pour ce qui concerne Mathieu Y...-apparaissait adaptée ; que quelles qu'aient été ensuite les divergences des deux collèges d'experts sur le processus ayant conduit aux décès de Mathieu Y... et d'Anissa Z...-accident de décompression explosive ou accident barotrauxnatique de surpression pulmonaire-il s'agissait en toute hypothèse d'un accident survenu au cours de la phase de retour des deux patients à la pression ambiante par suite de décompression trop rapide ; que, de manière convergente cette fois, les deux collèges d'experts ont souligné que seul l'arrêt immédiat de la décompression voire son inversion, qui supposait de la part de Jean-Marc A... et de Patrick X... une surveillance constante et minutieuse, aurait permis d'en éviter les conséquences ;-que, s'agissant de l'appréciation du comportement de ces derniers, il importe de souligner :-que deux patients se trouvaient à l'intérieur du caisson hyperbare, dont l'un d'entre eux au moins présentait un état jugé comme sévère, circonstance de nature à justifier une vigilance d'autant plus aiguë de leur part qu'ils se trouvaient en binôme pour la première fois ;-que, loin d'assurer une présence constante aux côtés de ses patients, le docteur Jean-Marc A... n'est intervenu à l'intérieur du caisson hyperbare qu'à partir du seul moment où l'état d'Anissa Z... lui est apparu suffisamment préoccupant, se privant en amont d'éléments de diagnostic et d'un temps de réflexion qui lui auraient permis de déceler un accident de décompression et d'en arrêter à tout le moins le processus ; que Jean-Marc A... et Patrick X... se sont par ailleurs abstenus d'établir en temps réel une feuille de surveillance de la séance, reconstituée par leurs soins a posteriori et interdisant dès lors une vérification objective des diligences qu'ils prétendent avoir accomplies, les horaires fournis n'ayant qu'une valeur approximative et ayant contraint de ce fait les experts à examiner diverses hypothèses ; que dans ce contexte, et alors que Mathieu Y... venait à son tour de s'effondrer, Patrick X..., se bornant à utiliser un minuteur pour surveiller et chronométrer la séance sans repère absolu à une pendule ou à une montre, a effectué une décompression rapide en ouvrant à fond la vanne d'échappement du sas, précisant aux experts : " je n'avais jamais été aussi rapide " ; que dans ces conditions et celles précisément rappelées par les premiers juges méconnaissant l'obligation de surveillance qui leur incombait, Jean-Marc A... et Patrick X..., en se dispensant de tout suivi en temps réel de la séance d'oxygénothérapie, en s'abstenant d'assurer une présence médicale constante auprès de leurs deux patients et en décidant enfin d'accélérer en urgence le déroulement de la phase de décompression au regard de symptômes qui ne le justifiaient nullement, ont l'un comme l'autre commis des fautes en relation directe avec les décès de leurs deux patients " ;
" alors que, en premier lieu, dans ses conclusions d'appel, Patrick X... faisait valoir que, lors de la séance d'oxygénothérapie, il était intervenu en qualité d'infirmier et de technicien du caisson et qu'il lui appartenait, à ce titre, d'actionner l'appareil et de surveiller son bon fonctionnement mais que ni le diagnostic, ni la nature du traitement des patients ne relevaient de ses compétences ; qu'en jugeant que Patrick X..., qui assistait le docteur A..., avait commis une faute en relation directe avec le décès des deux patients en accélérant le déroulement de la phase de décompression sans s'expliquer sur les fonctions, les compétences, le pouvoir et les moyens dont disposait Patrick X... au moment des faits, la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute reprochée à ce prévenu ;
" alors que, en deuxième lieu, et en tout état de cause, Patrick X..., dans ses écritures d'appel, invoquait la difficulté du diagnostic, soulignée par les experts qui, pas plus que les juges du fond, se sont prononcés sur les causes des malaises ayant conduit le docteur A... à demander à Patrick X... d'accélérer le retour à la pression ambiante ; que Patrick X... en déduisait que, dans un tel contexte, la décision de décompresser, même si elle se révélait erronée, ne pouvait constituer une faute pénale ; qu'en se bornant à affirmer que les prévenus avaient commis une faute en décidant d'accélérer en urgence le déroulement de la phase de décompression au regard de symptômes qui ne le justifiaient pas, sans rechercher si l'erreur de diagnostic et la décision d'amorcer la décompression ne s'expliquaient pas par la complexité des symptômes et la difficulté de leur constatation et de leur interprétation, la cour d'appel a entaché son arrêt de défaut de motifs ;
" alors que, en troisième lieu, en se bornant à affirmer que Patrick X... a commis une faute en s'abstenant d'assurer une présence médicale constante auprès des deux patients sans motiver sa décision, la cour d'appel n'a pas caractérisé le manquement reproché au prévenu et violé les textes visés au moyen ;
" alors que, en quatrième lieu, en jugeant que Patrick X..., en se dispensant d'établir en temps réel une feuille de surveillance de la séance d'oxygénothérapie, a commis une faute en relation directe avec le décès des patients bien que ce manquement, s'il a interdit une vérification objective des diligences effectuées et contraint les experts à examiner diverses hypothèses, ne constitue pas une faute ayant un lien de causalité direct avec le dommage, le décès des patients résultant d'une décompression jugée trop rapide par les experts et non du fait que Patrick X... n'a pas procédé aux écritures exigées en matière d'oxygénothérapie, la cour d'appel a, de nouveau, violé les textes visés au moyen ;
" alors que, enfin, et en tout état de cause, dans ses conclusions d'appel, Patrick X... faisait valoir qu'à défaut d'explication sur l'origine des malaises présentés par les victimes avant la décompression, il n'était pas établi que l'embolie gazeuse constatée à l'autopsie avait joué un rôle dans le décès des victimes, ce dont il déduisait qu'en supposant fondés certains griefs retenus par le tribunal, il n'était pas établi que, quels que soient les actes et soins prodigués, l'issue fatale aurait pu, avec certitude, être évitée et que le dommage consistait en une perte de chance de survie, ce qui excluait l'application de l'article 226-1 du code pénal ; qu'en se contentant d'affirmer l'existence d'un lien de causalité direct entre les manquements reprochés à Patrick X... et le décès des deux patients sans constater que ce lien aurait été certain et sans s'arrêter ni répondre aux conclusions de ce dernier, la cour d'appel a entaché son arrêt de défaut de motif " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mathieu Y... et Anissa Z... ont été hospitalisés le 31 mars 1999 à la suite d'une intoxication au monoxyde de carbone ; qu'ils ont ensuite été conduits au centre médico-chirurgical de la porte de Pantin pour y subir un traitement par caisson hyperbare qui a été mis en oeuvre par Jean-Marc A..., médecin, et par Patrick X..., cadre infirmier hyperbariste ; que les deux patients ont perdu successivement connaissance à la fin de la séance et sont décédés sans avoir pu être réanimés ; qu'une information a été ouverte sur les circonstances de leur décès ; que les experts et contre-experts se sont accordés pour conclure que la mort était due à une embolie pulmonaire provoquée par une décompression trop rapide ; que Jean-Marc A... et Patrick X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicides involontaires ;
Attendu que, pour déclarer Patrick X... coupable de ce délit, de même que Jean-Marc A..., l'arrêt confirmatif retient, par motifs propres et adoptés, que le premier a pris l'initiative, relevant de sa compétence, d'ouvrir au maximum, et en urgence, la vanne d'échappement du sas, provoquant ainsi une décompression accélérée du caisson, en méconnaissance des normes imposées par le protocole en la matière ; que les juges ajoutent que le prévenu n'a pas respecté son obligation de surveillance alors qu'un suivi en temps réel de la séance d'oxygénothérapie et une présence constante auprès des patients, qui était d'autant plus nécessaire que l'un d'eux présentait un état jugé comme sévère, auraient dû le conduire à arrêter la décompression voire à l'inverser, ce qui aurait limité les conséquences de l'accident ; qu'ils en déduisent que le prévenu a commis des fautes en relation directe avec le décès de Mathieu Y... et Anissa Z... ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : M. Souchon ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-83179
Date de la décision : 16/01/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Causalité directe - Applications diverses

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité - Causalité directe - Applications diverses PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Infirmier - Homicide et blessures involontaires - Faute - Lien de causalité - Causalité directe

Est directement à l'origine du décès, par embolie pulmonaire, de patients placés dans un caisson hyperbare à la suite d'une intoxication sévère au monoxyde de carbone, la faute commise par un cadre infirmier hyperbariste qui, en méconnaissance du protocole d'utilisation, et sans respecter l'obligation de surveillance permanente au cours de la séance d'oxygénothérapie, prend l'initiative d'ouvrir au maximum, et en urgence, la vanne d'échappement du sas provoquant ainsi une décompression accélérée


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 février 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 2007, pourvoi n°06-83179, Bull. crim. criminel 2007 N° 8 p. 24
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007 N° 8 p. 24

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède
Rapporteur ?: M. Chaumont
Avocat(s) : Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.83179
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